Niagara: entre l’opulence aristocratique et les casinos racolleurs

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Publié 02/03/2006 par Lionnel Perron

L’attraction des chutes du Niagara ne semble pas s’éroder depuis leur découverte en 1615 par l’explorateur français Étienne Brûlé. Bien au contraire. Initialement reconnue comme une artère stratégique contrôlant le commerce maritime liant les Grands Lacs à la voie maritime du St-Laurent, la région du Nia-gara a fait la convoitise des explorateurs européens, des financiers et, plus récemment, celle des vignerons.

«Le climat est similaire au climat de régions vinicoles telles que Bordeaux ou la Bourgogne et le sol est très fertile», explique Paul Bosc jr., vice-président du Château des Charmes, l’un des plus importants vignobles au pays.

Après presque 400 ans d’histoire, une soixantaine de vignerons ont redonné à la région une saveur typiquement française. C’est d’ailleurs le jésuite Gabriel Lalemant qui a baptisé la région. Niagara est un dérivé du mot onguiaahra que les Iroquois utilisaient pour désigner le détroit séparant le Canada des États-Unis.

«C’est le climat tempéré qui a incité mes parents à quitter la France pour venir s’établir au Canada à la fin des années 60», ajoute M. Bosc jr. En 1978, son père, Paul Bosc sr devient un pionnier et un pilier de l’industrie vinicole en fondant le Château des Charmes.

Le Château des Charmes compte maintenant près de 270 acres de terrain où les vignes poussent à perte de vue. La région est maintenant internationalement reconnue principalement pour la qualité de ses vins de glace. Il s’agit d’un vin sucré semblable aux Sauternes français, mais dont le processus de fabrication se met en branle au moment de la première gelée de l’hiver. Le labeur intensif nécessaire à la création des vins de glace explique en grande partie leurs coûts parfois exorbitants par rapport à la minceur des bouteilles.

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L’an passé 100 000 touristes ont visité le Château des Charmes. Cette année, 15 000 touristes japonais étaient attendus entre les mois de mai et octobre pour des dégustations.

La renommée grandissante des vignerons locaux et la qualité des vignes ont contribué à l’essor de l’agro-tourisme. Le Niagara compte maintenant plus de 300 bed and breakfasts à travers ses paysages bucoliques. «Les visites guidées, les mariages, les conférences représentent maintenant 22% de notre chiffre d’affaires», indique M. Bosc jr.

Il y a quelques années, le gouvernement Harris a annoncé un partenariat afin d’aider l’industrie vinicole ontarienne à compétitionner avec les grands fabricants internationaux. Le gouvernement estime qu’en l’an 2020, l’industrie vinicole va générer environ un milliard et demi $ annuellement pour l’économie de la province et employer environ 13 000 travailleurs. «La consommation de vin au Canada augmente d’environ 5% par année. C’est sans compter la croissance de l’agro-tourisme. L’avenir s’annonce très rose pour les vignerons de la région», dit M. Bosc jr.

Charmer les francophones

D’ailleurs trois organismes touristiques se sont associés afin d’attirer les touristes francophones. Ils ont lancé un magazine qui s’intitule Les Saisons Niagara. Le magazine en est à sa 3e édition. «Welland compte une importante communauté francophone et on veut encourager leurs parents et amis à venir nous visiter», affirme Betsy Foster de la Cor-poration de développement éco-nomique et touristique du Niagara.

Plusieurs vignerons de la région appuient la stratégie. «Les vignobles sont l’une des raisons qui attirent les visiteurs dans cette région. Ils veulent voir, goûter et comprendre le vin. De plus, les francophones apprécient le vin et la bonne chair», soutient Ken Hernder de Hernder Estate Wines.

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L’opération de charme auprès de la communauté francophone n’est pas le fruit du hasard. Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont passablement réduit l’achalandage en provenance des États-Unis.

Avant le resserrement des mesures de sécurité à la frontière, environ 18 millions de touristes visitaient la région du Niagara annuellement, une bonne partie d’entre eux en provenance de l’État de New York et du Midwest des États-Unis. «L’an passé le nombre de touristes est tombé à 13 millions. Les touristes américains ont peur d’être refoulé à la frontière en raison des nouvelles mesures de sécurité», ajoute Mme Foster.

D’ailleurs, son organisme continue de faire pression sur les politiciens afin qu’ils assouplissent les mesures de sécurité et rassurent les touristes. «L’industrie du tourisme a souffert au cours des trois dernières années. Il faudrait donc se concentrer davantage sur le marché francophone pour augmenter les revenus touristiques de la région», estime Lucie Huot, directrice générale du Club Niagara 2000.

De la capitale de la lune de miel à la capitale du mariage homosexuel

Pendant longtemps reconnue comme étant «la capitale de la lune de miel», Niagara Falls est en voie de devenir la capitale nord-américaine des mariages homosexuels. Les hôteliers de la région courtisent agressivement gais et lesbiennes depuis que le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’accorder le droit aux couples homosexuels de se marier.

«Les mariages homosexuels représentent déjà 30% de notre chiffre d’affaires», indique Jane Widdicombe organisatrice d’événements spéciaux à Niagara Fallsview Weddings. La compagnie a célébré plus de 300 mariages homosexuels depuis 2002.

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Niagara-on-the-Lake

Pendant longtemps l’objet de snobisme, la région du Niagara a démontré qu’elle a plus d’un tour dans son sac lorsqu’il est question de développement économique. La ville de Niagara Falls, avec ses deux casinos, peut sembler racoleuse. Niagara Falls et Niagara-on-the-Lake ont des noms semblables, mais pas grand chose en commun. Une balade en voiture ou à vélo sur la route panoramique reliant Niagara Falls à Niagara-on-the-Lake nous fait découvrir la richesse de son patrimoine culturel et économique. À un point tel que Niagara Falls et ses casinos prennent l’allure d’un pa-rent pauvre quand on la compare à l’élégance aristocratique de Niagara-on-the-Lake.

Les somptueux manoirs victoriens qui jonchent le paysage escarpé rappellent la riche histoire des gens qui ont peuplé cette partie de la province. Longtemps un joyau de l’empire colonial français, les troupes britanniques ont conquis le Niagara en 1759.

Le lieutenant-gouverneur Simcoe rebaptisera l’endroit Newark et en fera la première capitale du Haut-Canada. L’endroit deviendra plus tard un refuge de prédilection pour les Loyalistes opposés à la Révolution américaine. En 1812, les forces loyalistes repoussent l’armée américaine et mettent fin à leurs velléités expansionnistes.

Une vingtaine de musées retracent les périodes charnières qui ont jalonné son passé glorieux. «La présence des chutes et des casinos fait souvent ombrage à toutes les autres attractions touristiques établis dans les 12 municipalités qui forment la région du Niagara», explique Betsy Foster de la Corporation de développement éco-nomique et touristique du Niagara.

Le Festival de théâtre Shaw jouit aussi d’une renommée internationale. Il s’agit du seul théâtre présentant exclusivement des pièces de George Bernard Shaw. Les oeuvres couvrent la période allant de 1856 à 1950, ce que certains appellent l’Âge d’or de l’Empire britannique ou la naissance du monde moderne.

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Il y a cinq ans, le festival a décidé d’élargir son répertoire afin d’ajouter des pièces contemporaines qui ont jalonné l’existence de George Bernard Shaw. Le Festival compte maintenant trois salles de représentation à Niagara-on-the-Lake. C’est aussi un moteur de développement économique. Une récente étude d’im-pact économique réalisée par la firme conseil Genovese Vanderhoof & Associes estime que le Festival de théâtre Shaw génère annuellement près de 100 millions $ en retombées éco-nomiques.

En dépit de la présence de plus de 50 clubs de golf et une vingtaine de musées, les chutes demeurent encore aujourd’hui l’attraction touristique no1. Chaque année, près de 18 millions de touristes des quatre coins de la planète viennent admirer cette force de la nature du haut de ses 180 mètres de hauteur. La force des eaux continue de fasciner les touristes d’ici et d’ailleurs. «C’est vraiment époustouflant de voir ça d’aussi près», s’écrie Françoise Sache, une touriste française originaire de Briançon.

Chaque jour, des centaines de touristes montent à bord d’un des bateaux de plaisance qui naviguent à l’endroit où l’eau se brise sur les rochers pour créer une brume perpétuelle. «Ça n’a pas l’air si haut, lorsqu’on voit les chutes en photo, mais c’est immense», dit Mme Sache avant d’immortaliser ce moment sur pellicule.

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