Nationaliser le numérique? L’idée a surgi lors de la campagne à la direction du Parti québécois, lorsque la candidate Martine Ouellet a annoncé en août que, si elle était élue, elle imposerait des normes de tarifs et de vitesse aux entreprises de télécommunications qui fournissent l’internet aux Québécois.
On parle plus exactement des exigences suivantes imposées aux entreprises de télécommunications:
– un service à 1 gigabit par seconde, accessible sur l’ensemble du territoire, avec une uniformité des tarifs et des prix au niveau des pays de l’OCDE;
– des forfaits allégés pour les ménages à faible revenu.
Martine Ouellet est allée jusqu’à dire qu’elle serait prête à nationaliser les infrastructures de télécommunications si les compagnies ne se conformaient pas à ses exigences.
Comme l’électricité et les routes
Nationaliser le numérique, est-ce possible?
L’économiste Claude Martin rappelle que ce n’est pas la première fois qu’on l’évoque. Dans certains pays, le développement même des télécommunications aurait été impossible sans l’aide de l’État, bien que les innovations viennent du privé.
En Saskatchewan, explique-t-il, l’entreprise provinciale de téléphonie SaskTel joue un rôle similaire à celui d’Hydro-Québec dans le secteur de l’énergie. En France, dès l’arrivée du télégraphe, l’État avait tenu à exercer un contrôle.
Le modèle public-privé, qu’on a plutôt connu en Amérique du nord, a été de subventionner le branchement des résidences, ce qui a permis aux compagnies privées d’avoir rapidement accès à un plus gros marché.
La conférencière Michelle Blanc en appelle pour sa part à une forme de nationalisation: parce que, dit-elle, c’est de nos investissements d’aujourd’hui que dépendra si «un jour, on fera partie du Tiers-Monde numérique ou si on sera capable de prendre notre place!»
Elle fait elle aussi un parallèle avec le développement de l’électrification au Québec ou des routes en Amérique du nord, un développement qui aurait été impensable si seul le marché s’en était occupé. Selon elle, la mission de l’État doit être de «remplir les failles du marché».
Le problème actuel avec le numérique, dit-elle, est le même qu’avec l’électricité ou les routes jadis: les grands centres sont bien servis mais pas les régions, parce que le secteur privé ne le juge pas rentable. En fait, même l’experte en numérique qu’elle est éprouve des difficultés avec sa bande passante, parce qu’elle habite dans les Laurentides, et que sa connexion dépend d’une compagnie du Nouveau-Brunswick…
13 millions de branchés
Environ 94% des revenus de l’industrie canadienne des télécommunications proviennent de services dont les prix ne sont plus réglementés. Le marché a résisté aux conditions économiques et ses revenus ont augmenté au cours de chacune des cinq dernières années à un taux annuel moyen de 2,5%.
En 2014, les revenus des télécommunications canadiennes ont atteint les 45,9 milliards $ — dont 19% proviennent de l’accès à internet — la grande majorité (92%) provenant des services de détail et une plus faible part (8%) provenant des services de gros.
Selon le CRTC, les fournisseurs de services ont fourni des services de détail à plus de 12 millions de ménages et à un million d’entreprises, et des services de gros à 800 autres entités de télécommunication.
Dans l’ensemble, les tarifs en Italie, en Australie et au Canada ont diminué, alors que les tarifs aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France ont augmenté. L’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni ont les plus bas tarifs pour tous les services.
Les hausses de prix en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni ont été essentiellement attribuables aux variations dans les taux de conversion des devises et aux facteurs d’ajustement de la parité des pouvoirs d’achat par rapport à l’année précédente. Les tarifs aux États-Unis ont été les plus élevés à tous les niveaux de services.