Marco Polo a importé les pâtes en Europe? Faux!

Marco Polo, pâtes
Mosaïque représentant Marco Polo eu Palais Doria-Tursi, à Gênes.
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Publié 04/07/2022 par Catherine Crépeau

Les spaghettis descendraient des nouilles et auraient été importés en Europe par Marco Polo, après son voyage en Chine. Mais pour plusieurs, il s’agit d’une légende, puisque les Grecs, les Romains et les Arabes, consommaient des pâtes bien avant le voyage du célèbre marchand italien.

Remontons le fil de l’histoire.

Rien dans le récit de Marco Polo

On n’est pas sûr de l’origine de cette rumeur, puisque Marco Polo, fils d’un marchand de Venise, ne dit rien d’un tel aliment qu’il aurait ramené chez lui dans le récit de son long voyage en Chine entre 1274 et 1291.

Mais il est possible que la légende voulant qu’il ait rapporté des nouilles chinoises en Italie soit née d’une stratégie marketing lancée en 1929 par la National Macaroni Manufacturers Association afin de promouvoir leurs pâtes fabriquées aux États-Unis.

On y voyait un membre de l’équipage de Marco Polo, tantôt appelé Spaguetti, tantôt Macaroni, selon les sources, rencontrer des femmes en train de fabriquer des fils de pâtes.

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Marco Polo, pâtes
Macaronis.

Grecs, Romains et Arabes

Selon Pierre-Brice Lebrun, auteur du Petit traité des pâtes, les publicitaires se seraient inspirés du récit de Marco Polo qui disait avoir vu des Chinois utiliser le blé pour confectionner toutes sortes de pâtes et non du pain.

Pourtant, il n’y avait rien de nouveau puisque les Grecs, les Romains et les Arabes consommaient déjà des pâtes.

Des textes historiques et des œuvres de poètes classiques indiquent en effet que des pâtes figuraient au menu des Grecs anciens.

Des nouilles en Chine il y a 4000 ans

Du côté de la Chine, un plat de nouilles datant de plus de 4000 ans a été retrouvé dans les ruines de Lajia.

Les nouilles de type lāmiàn (tirées à la main) étaient constituées de farine de deux millets, qui sont similaires aux grains de blé qui entrent aujourd’hui dans la composition des nouilles chinoises et des pâtes européennes.

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Avant cette découverte, la première trace écrite de nouilles en Chine remontait à un livre écrit pendant la dynastie des Han de l’Est du pays, entre 25 et 220 apr. J.-C.. Une recette de raviolis bouillis chinois apparait aussi dans un glossaire écrit vers l’an 230.

Les Chinois auraient donc inventé les pâtes? Ce n’est pas certain.

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Les bons restaurants rivalisent d’ingéniosité pour proposer plusieurs plats de pâtes originaux.

Cuisine de la Mésopotamie

Des recettes de pâtes ont aussi été découvertes dans un traité culinaire mésopotamien datant de 1700 av. J.-C., traduit et publié en 1995.

On y apprend que les Mésopotamiens mangeaient des pâtes «râpées» réalisées avec de la farine de blé et de l’eau, et émiettées dans un liquide bouillant.

Encore aujourd’hui, il existe un type de pâte similaire en Italie, la pasta grattugiata.

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Les lasagnes bien avant Marco Polo

Les lasagnes, elles, étaient connues dans le monde gréco-romain. Les Grecs, les Romains, mais aussi des populations du Moyen-Orient, mangeaient un plat appelé «laganon»… Soit une bande de pâte plate découpée en lanières irrégulières, utilisées dans les soupes avec des poireaux et des pois chiches.

Cela, selon Giorgio Franchetti, un universitaire spécialiste de la Rome antique qui a écrit un livre proposant des recettes romaines de l’Antiquité.

Un traité culinaire (De re coquinaria) publié au IVe siècle, mais attribué à Apicus (vers 25 av. J.-C.), décrit pour sa part des lagana, des pâtes farcies de viande.

Marco Polo, pâtes
Lasagnes.

Nouilles et pâtes: deux histoires?

Certains avancent que les nouilles et les pâtes seraient deux aliments distincts, reflétant deux cultures et identités culinaires, et qui se seraient donc développées en parallèle. Les nouilles trouvées à Lajia pour l’Asie. Les pâtes mésopotamiennes ou romaines à l’autre bout du continent.

Pour les défenseurs de cette idée, les nouilles et les pâtes se distinguent par le type de céréales qui entrent dans leur fabrication, leur mode de préparation et de cuisson, ainsi que leurs garnitures, qui sont spécifiques à chaque civilisation.

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De plus, il n’y a pas de lien direct entre les manières asiatiques et italiennes de mélanger des céréales avec de l’eau pour créer des nouilles ou des pâtes, souligne l’historienne de l’alimentation et membre de l’Académie italienne de cuisine, Anna Maria Pellegrino.

Pâtes coupées et séchées

L’histoire entourant l’invention des premières nouilles coupées et séchées est tout aussi trouble. Certains disent qu’on les doit aux Chinois, d’autres aux Italiens et d’autres, aux Arabes.

Pour résister aux longs voyages dans le désert, où l’eau était rare, les Arabes faisaient sécher leurs pâtes auxquelles ils donnaient une forme cylindrique et creuse, proche des macaronis, afin de les conserver plus longtemps.

Les spaghettis, dont le nom vient de la langue arabe et signifie fil ou ficelle, seraient un héritage de cette influence.

Marco Polo, pâtes
Spaghetti est le personnage d’une bande dessinée européenne des années 1950. Il a un cousin nommé Prosciutto.

Pâtes et bouillon de viande

Dans un livre daté de 1154, un géographe arabe du nom d’Al-Idrin évoque d’ailleurs les caravanes qui se nourrissaient de «rist». Il s’agissait d’un plat composé de pâtes séchées cuisant dans un bouillon de viande.

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C’est une recette que l’on trouve encore de nos jours au Moyen-Orient.

Les pâtes séchées auraient été introduites en Italie par les Arabes au IXe siècle, lorsqu’ils ont conquis la Sicile. Elles se sont ensuite propagées à l’ensemble du pays, dans les pays voisins, puis en Amérique du Nord où la première usine de pâtes documentée a été établie à Brooklyn en 1848.

Verdict: pas Marco Polo

Marco Polo a peut-être rapporté de Chine des nouilles faites avec du riz… Mais il est clairement établi par les historiens qu’il n’est pas responsable de l’introduction des pâtes en Italie ou en Europe.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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