Lutte contre les dépendances aux drogues: l’Ontario passe à l’action

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L'édifice du centre de santé communautaire du quartier Riverdale Sud (rue Queen à l'Est de Carlaw) ne sert plus de centre d'injections supervisées. En juillet 2023, une femme est morte en face du centre, prise au milieu d'une fusillade entre trafiquants ou usagers de drogues dures. Photo: l-express.ca
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Publié 08/05/2025 par Soufiane Chakkouche

Ce n’est un secret pour personne, la consommation de drogues dures est un enjeu de santé publique de plus en plus préoccupant en Ontario, tout particulièrement à Toronto, où elle s’affiche au grand jour dans les rues et les parcs.

En réaction à cette recrudescence, le gouvernement provincial a décidé de frapper fort en ordonnant la fermeture de plusieurs sites d’injection supervisée de drogues situés à moins de 200 mètres d’une école ou d’une garderie. Une décision qui n’est pas du goût de tous!

Ça ne plane plus depuis le 1er avril dans neuf sites d’injection de drogues en Ontario, dont quatre à Toronto.

Le ministère de la Santé (qui n’a pas jugé utile de répondre à nos questions) a pris l’initiative de transformer ces lieux en des carrefours d’aide aux sans-abri et de lutte contre les dépendances (carrefours AIDE).

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Le logo d’un Carrefour AIDE, ou HART Hub en anglais.

En réponse aux préoccupations des citoyens

«Cette initiative s’inscrit dans le plan du gouvernement de l’Ontario visant à protéger la sécurité des enfants et des familles, tout en orientant les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance et de santé mentale vers des services de traitement et de rétablissement», peut-on lire dans le communiqué du ministère.

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Même son de cloche du côté de Rob Flack, le ministre des Affaires municipales et du Logement, qui attribue cette mesure à une réponse aux inquiétudes grandissantes des citoyens.

«Toute la population de l’Ontario mérite de se sentir en sécurité dans son environnement. On nous a clairement fait savoir que les sites d’injection de drogues situés à proximité des écoles et des garderies posaient de graves problèmes de sécurité», avait-il déclaré.

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Un homme dort près du trottoir, rue Queen Est près de Church. Photo: l-express.ca

Une décision qui ne fait pas l’unanimité

Certaines voix, entre autres associatives, ne sont pas du tout de cet avis. Plus que cela, en décembre dernier, deux usagers et l’organisme The Neighbourhood Group Community Services, qui supervise le Kensington Market Overdose Prevention Site, ont intenté une action en justice contre le gouvernement de Doug Ford pour empêcher ces fermetures.

Leur tentative s’est révélée vaine, car, bien que la Cour supérieure de justice de l’Ontario ait autorisé ces lieux à rester ouverts jusqu’à ce qu’elle rende son verdict, 9 des 10 sites d’injection faisant l’objet de ce recours ont bel et bien cessé d’offrir leurs services.

Pour sa part, CAMH (le Centre de toxicomanie et de santé mentale, à Toronto) a exprimé ses vives inquiétudes quant à cette décision, et ce via un communiqué au lendemain de son annonce, arguant l’utilité de ces sites pour sauver des vies.

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Aliou Sène.

«Il s’agit d’interventions fondées sur des données probantes qui sauvent des vies», fait savoir Aliou Sène, consultant principal aux services en français auprès de CAMH. «Ces interventions sont connues pour réduire l’incidence des surdoses mortelles, pour aider à réduire la transmission du VIH, de l’hépatite C et d’autres infections transmissibles par le sang, et pour augmenter le nombre d’aiguillages vers un traitement.»

Aliou Sène est aussi président du conseil d’administration du Centre francophone du Grand Toronto, qui gère des cliniques de soins de santé primaires.

«La perte de sites de consommation supervisée et de programmes d’échange de seringues causera des torts aux personnes et aux collectivités de la province», ajoute-t-il. «En plus, le vide qui en découlera exercera des pressions sur d’autres parties du système de soins de santé, y compris les services d’urgence déjà très occupés.»

La condition sine qua non pour le financement provincial des carrefours AIDE, qui se substituent aux sites d’injection, est qu’aucun service de consommation de drogues n’y soit offert.

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Les décès par surdoses d’opioïde ont bondi à la faveur des confinements pendant la pandémie de covid… pour ne pas vraiment retomber. Source: coroner en chef de l’Ontario

Le phénomène résiste

Par ailleurs, les chiffres semblent conforter la position du gouvernement dans la mesure où, après le bond spectaculaire de consommation de drogues qu’a connu la période de la covid, la tendance a du mal à s’inverser pour revenir à son niveau pré-pandémique.

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En effet, selon une récente étude du Bureau du coroner en chef de l’Ontario, même si le taux de mortalité dû aux opioïdes a diminué de 12% durant les deux premiers trimestres de 2024 par rapport à 2021, il n’en demeure pas moins qu’il reste 59% plus élevé qu’en 2019.

De plus, les groupes d’âge de 30 à 59 ans demeurent les plus touchés, représentant ainsi 73% des décès au deuxième trimestre de 2024. Autrement dit, il s’agit là d’une population en grande partie active.

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