Loi sur les langues officielles: les aéroports en retard

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À l'aéroport international Pearson de Toronto, où le Centre francophone du Grand Toronto est l'agence d'orientation pour tous les immigrants. Photo: iStock.com/Yelena Rodriguez Mena
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Publié 06/01/2023 par Camille Langlade

Entre 2018 et 2022, 504 plaintes contre des administrations aéroportuaires fédérales ont été jugées recevables par le commissaire aux langues officielles.

Leur tort: ne pas avoir respecté leurs obligations linguistiques en vertu de la Loi sur les langues officielles. Un problème récurrent, alors que l’adoption du projet de loi C-13 – la réforme de la Loi – se fait attendre.

Sur le tarmac, le bilinguisme fait encore défaut. Se faire servir dans la langue officielle de son choix dans un aéroport fédéral est un droit… Mais un droit encore loin d’être acquis, comme le montrent les rapports du Commissariat aux langues officielles (CLO).

«Année après année, je reçois des plaintes qui visent autant les institutions fédérales que les entreprises privées assujetties à la Loi sur les langues officielles (LLO)», déclare le commissaire dans son rapport annuel 2021-2022.

«Un grand nombre de ces plaintes proviennent du public voyageur servi par des institutions comme les autorités aéroportuaires, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien ou encore la société aérienne Air Canada.»

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Nombre de plaintes jugées recevables par le Commissariat aux langues officielles entre 2018 et 2022.

Un problème récurrent

À chaque fois, le constat est le même: selon les plaignants, les communications ou les services assurés par les administrations n’ont pas été fournis dans les deux langues.

Des manquements observés sur place, à l’aéroport, mais aussi (et surtout) sur son site web.

Un grand nombre de plaintes vise les communications destinées au public sur les plateformes numériques des aéroports, que ce soit sur leurs sites internet ou via leurs réseaux sociaux.

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Sur le compte Twitter de l’aéroport international de Regina, les contenus sont rédigés uniquement en anglais. Photo: capture d’écran

«J’ai l’impression que chaque aéroport a des explications différentes. Mais très souvent, c’est une question de ressources, de personnel bilingue. D’autre part, ça dépend de l’interprétation qu’ils font du public voyageur», note le commissaire aux langues officielles.

Des attentes trop élevées?

Côté ressources humaines, les autorités aéroportuaires disent avoir des difficultés à recruter des employés bilingues, surtout dans les régions où il n’y a pas beaucoup de francophones.

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Rémi Léger. Photo : Courtoisie

«Étant donné le nombre de francophones dans certaines villes du pays, sans parler du nombre de francophones intéressés par une carrière dans les services de sécurité des aéroports, on peut se demander si les attentes fixées pour certains aéroports sont les bonnes, sont réalistes», souligne Rémi Léger, professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique.

«On a mis les attentes très élevées en matière de langues officielles et ça fait 50 ans qu’on échoue à les réaliser. Cela ne suffit pas de fixer des attentes, il faut aussi penser aux moyens pour les réaliser.»

Selon l’universitaire, il y a souvent de grands débats autour des objectifs, mais moins de passion quand il s’agit d’évoquer les budgets et les outils à mettre en place pour les atteindre.

«Il faut être un peu plus pragmatique, étapiste», ajoute-t-il. «Par exemple en fixant un nombre de membres du personnel bilingue atteignable pour dans deux ans, puis augmenter peu à peu ce nombre sur une échéance de cinq ans, puis dix ans, etc.»

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Sur le site internet de l’aéroport de Calgary, l’outil Google Translate traduit «departed» par «défunt». Photo: capture d’écran

Accélérer le processus de traitement des plaintes

Rémi Léger revient en outre sur la nécessité d’accélérer le processus de plainte. «Le commissaire aux langues officielles n’a pas la capacité de traiter des plaintes dans des délais raisonnables.»

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«J’ai l’impression que cela a pour résultat que l’on perd espoir. On dépose une plainte et on connait l’issue 18 mois plus tard. On se perd un peu dans la machine administrative. Ce n’est pas un système qui est fait pour appuyer le citoyen ou la citoyenne qui a des droits et qui considère que ces droits ont été lésés.»

Néanmoins, le projet de loi C-13, qui doit moderniser la Loi sur les langues officielles, pourrait changer la donne. C’est du moins ce qu’espère Raymond Théberge. «Je souhaite que la nouvelle approche nous permette d’aller plus vite et d’assurer, en bout de ligne, une meilleure conformité.»

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Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge fait état d’un problème récurrent. Photo: courtoisie

En attendant la nouvelle Loi

Aujourd’hui, lorsqu’une plainte est jugée recevable dans le cadre d’une enquête, le commissaire émet des recommandations, mais celles-ci ne sont pas contraignantes. «Ceci est toutefois appelé à changer avec le projet de loi C-13», rappelle le commissaire aux langues officielles.

D’après la mouture actuelle du texte, le commissaire aura la possibilité de conclure des accords de conformité et d’émettre, dans certains cas, des ordonnances et des sanctions administratives pécuniaires dans le domaine des transports.

Reste à savoir quand le projet de loi sera adopté et quand il sera mis en place.

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«C-13, en tant que projet de loi, ne va pas à lui seul changer la situation dans les aéroports», tempère Rémi Léger.

«Mais C-13 se veut un morceau de quelque chose de plus large et englobant, censé s’accompagner de règlements, de politiques administratives. Cela fait 4 ans qu’on cherche à faire adopter C-13. Cela va prendre combien de temps pour développer les règlements et quand vont-ils se développer?»

Le décollage n’est pas pour tout de suite.

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L’aéroport de Calgary. Photo: Tupungato Commons

Air Canada à Toronto

Par ailleurs, le commissaire aux langues officielles du Canada considère qu’à l’Aéroport international Pearson de Toronto, la compagnie Air Canada devrait surveiller et améliorer son «offre active» de services bilingues.

Raymond Théberge formulait cette recommandation en novembre 2022, suite à l’examen d’une plainte d’un client d’Air Canada un an plus tôt, alléguant qu’une agente au comptoir «n’a pas fait l’offre active de service bilingue et n’a pas offert le service en français», malgré deux demandes.

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Selon le rapport préliminaire d’enquête, obtenu par l-express.ca, Air Canada a expliqué qu’il y avait 6 agents bilingues sur 25, à ce moment-là, dans la zone des comptoirs d’enregistrement, mais pas à la porte où se trouvait le client.

Selon le commissaire Théberge, «l’Aéroport international Pearson de Toronto fait l’objet d’une demande importante au sens de la Loi, car le nombre total de passagers embarqués et débarqués à l’aéroport, au cours d’une année, s’élève à au moins un million».

Ici, «il existe une preuve prépondérante selon laquelle il y a eu absence d’offre active de service bilingue et de service en français lors des différents incidents mentionnés dans la plainte».

(Cette dernière section sur Toronto est un ajout de l-express.ca.)

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