Les universités francophones font-elles le poids?

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Les panélistes et intervenants de la conférence sur l'avenir des études supérieures francophones en Ontario, le jeudi 11 décembre à Glendon. Photos: Club Canadien de Toronto.
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Publié 16/12/2025 par Julie Merceur

9 contre 43. C’est l’écart entre le nombre d’établissements postsecondaires francophones et anglophones en Ontario. Comment peser face à ces concurrents? Quelle est la valeur d’un diplôme francophone? Comment peser lourd quand les financements sont limités et les étudiants rares?

Cinq panélistes ont tenté d’y répondre lors de la conférence Université 2030, organisée par le Club Canadien de Toronto. Une centaine de personnes se sont réunies le jeudi 11 décembre, au campus Glendon de l’Université York, pour assister à la discussion, suivie d’un cocktail.

Dans une ambiance chaleureuse, entre petits fours et champagne, les participants ont pu échanger sur l’avenir de l’enseignement supérieur francophone.

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Deux personnes échangeant lors du cocktail suivant la conférence.

Les panélistes

Marie-Ève Sylvestre, rectrice de l’Université d’Ottawa.

Normand Labrie, recteur de l’Université de l’Ontario français.

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Marco Fiola, principal du Collège universitaire Glendon (Université York).

Paulette Bonin, vice-présidente de l’enseignement du Collège Boréal.

Lynn Casimiro, présidente-directrice générale du Collège La Cité.

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Marco Fiola, Paulette Bonin, Normand Labrie, Marie-Eve Sylvestre et Lynn Casimiro

État des lieux

En Ontario, la population francophone représente 5,6% et la population francophile 11,1%. Depuis 50 ans, l’offre d’éducation supérieure en français a fortement augmenté, même si elle reste limitée. Pourtant, les élèves se dirigent majoritairement vers des études anglophones.

En effet, selon une étude de Statistique Canada publiée en octobre 2025, 50% des élèves francophones se dirigent vers des établissements anglophones.

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Il est également important de noter qu’il existe des disparités entre les différentes régions de l’Ontario. Entre 2016 et 2021, 72% des jeunes universitaires du Nord et de l’Est ont choisi un établissement francophone ou bilingue. Dans le reste de la province, ce chiffre chute à 23%.

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L’auditorium de Glendon.

L’offre et la demande

À quoi est due cette orientation?

L’une des panélistes l’avoue sans détour: «On ne fait pas le poids. Beaucoup partent vers des universités anglophones en raison d’une offre plus attrayante.»

Une étude du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQE) s’est penchée sur ces choix. Les étudiants ayant opté pour des programmes anglophones ou bilingues invoquent principalement l’offre de programmes, la réputation et l’emplacement de l’établissement.

En outre, les universités et collèges anglophones jouissent d’une réputation bien plus forte. Certaines sont classées à l’échelle mondiale et bénéficient d’une histoire plus longue, comme l’Université de Toronto. Les universités francophones, plus jeunes et plus petites, peuvent ainsi être perçues comme moins prestigieuses.

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L’offre demeure également un facteur déterminant. Selon un rapport de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), de mars 2022, les programmes en STIM (Sciences, technologies, informatique, mathématiques) offerts en français sont jugés insuffisants par les étudiants sondés.

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Un membre du public posant une question aux panélistes.

Étudiants internationaux

Autre paradoxe et enjeu majeur: les étudiants internationaux.

Dans son plan des niveaux d’immigration 2025-2027, le gouvernement fédéral a resserré les règles. Depuis janvier 2024, un plafond d’approbation des permis d’études sur deux ans a été instauré. De plus, les délais de délivrance sont parfois très longs, certains étudiants recevant leur permis la veille de leur départ.

Ces restrictions nuisent à l’attractivité du Canada et affectent particulièrement les établissements francophones, qui comptent fortement sur cette population étudiante. En effet, en plus d’être une source de financement, payant plus de frais d’études, ils apportent aux connaissances et aux expériences de l’université.

La force d’un diplôme francophone

Pourtant, obtenir un diplôme francophone demeure un atout. Les panélistes ont souligné la valorisation croissante du bilinguisme dans le monde professionnel.

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«Le fait de savoir parler français peut faire la différence dans certaines situations», explique Paulette Bonin. Le bilinguisme ouvre des opportunités et permet d’accéder à certains postes réservés aux personnes capables de travailler dans les deux langues.

Être bilingue peut aussi se traduire par un salaire plus élevé. Une étude du Conference Board du Canada montre que les Canadiens bilingues hors Québec gagnent en moyenne 5 237 $ de plus par année que les unilingues anglophones.

La jeunesse de certaines universités francophones, comme l’Université de l’Ontario français, peut également constituer un avantage: campus neuf, pédagogies innovantes et infrastructures pensées dans la modernité.

Paulette Bonin
Paulette Bonin.

La valeur sociale et citoyenne du diplôme

Mais peut-on réellement mesurer la valeur d’un diplôme uniquement à l’aune de l’économie? Marie-Ève Sylvestre a rappelé l’importance de la valeur sociale du diplôme, au-delà de sa valeur marchande.

À l’Université d’Ottawa, qui accueille plus de 50 000 étudiants, on vient aussi pour l’expérience, la communauté et les réseaux que l’on y construit. Être dans un établissement bilingue ou francophone façonne cette expérience.

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Les études supérieures servent également à former des citoyens. Dans un pays constitutionnellement bilingue, la capacité de ses citoyens à évoluer dans les deux langues officielles revêt une importance particulière.

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Marie-Eve Sylvestre.

Le nerf de la guerre: le financement

Enfin, le financement demeure l’un des défis majeurs des universités francophones.

Les panélistes dressent un constat partagé: le coût de l’éducation augmente, dans un contexte d’inflation générale, tandis que les subventions stagnent. «Si une société veut réussir, elle doit investir dans le capital humain», rappelle Normand Labrie.

Or, le financement provincial est resté stable depuis 2018, tandis que les coûts continuent de croître. Comment, dès lors, rendre les établissements plus attractifs?

Marco Fiola plaide pour la créativité. Lynn Casimiro rappelle toutefois les limites de la philanthropie. «C’est difficile d’aller chercher de gros donateurs quand on est francophone et de petite taille.» Elle appelle à diversifier les sources de financement et à rappeler aux pouvoirs publics l’importance stratégique de la francophonie.

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«On est pénalisés sur tous les fronts, mais on est créatifs», concluent les panélistes. «Il faut aller chercher le gibier», plaisante Marco Fiola.

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Yves Pelletier

En ouverture de la conférence, Yves Pelletier, recteur de l’Université d’Ottawa, invitait à voir plus loin. «Rêvons plus loin, jusqu’en 2050. Que chacun ait accès à l’éducation en français.»

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