Les mots à double consonne, une question à trancher

consonnes
Combien de fois avons-nous hésité devant un mot, nous demandant s’il faut l’écrire avec deux consonnes ou une seule? Photo: iStock.com/Nando Castoldi
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/07/2023 par Michèle Villegas-Kerlinger

Le doublement des consonnes est une des plus sérieuses difficultés orthographiques du français, selon le Centre collégial de développement de matériel didactique, ou CCDMD. Combien de fois avons-nous hésité devant un mot, nous demandant s’il faut l’écrire avec deux consonnes ou une seule?

Deux raisons pourraient expliquer ces doutes.

D’une part, il n’est pas toujours possible de se fier à la prononciation qui ne diffère pas obligatoirement entre la consonne simple et la consonne double.

D’autre part, les irrégularités entre les mots au sein d’une même famille ont de quoi nous donner quelques maux de tête.

Pourtant, quelques règles existent dont on peut en tirer profit.

Publicité

Un petit exercice

Pour voir où nous en sommes, voici un paragraphe qui comporte 15 fautes. Ou la consonne est doublée là où il ne faut pas ou il n’y a qu’une consonne là où il en faudrait deux. Les réponses se trouvent à la fin de l’article.

La litérature de nos aïeux, qui peut paraître désuète à certains, se révèle intéressante grâce aux nombreuses descriptions des différentes tâches quotidiennes effectués dans la tranquilité rustique de l’époque. Accrochés à leur terre, les personages principaux, agglutinés autour du noyau famillial, s’efforçaient d’affronter les situations problématiques qui s’acumulaient. Des chapitres entiers ont imortalisé la vie révolue de nos ancêtres. Atteler les chevaux à une charette ou à une carriole, semer et moissonner, toilletter les animaux, telles étaient les occupations des hommes de la ferme. Quand le père, affamé, abbattu, les bras complètement couverts de piqûres d’insectes, s’attablait après une dure journée de travail, il fallait que sa marmaille attende patiement qu’il ait terminé son repas avant de débarasser la table. Cela étant dit, ils se rassemblaient tous autour du poêle pour le chapelet du soir récité par l’aîné. Les parents mêlaient leurs prières à celles des petits qui ânonaient en bâillant. Finallement, la mère, les mains abîmées par la lessive, couchait les enfants. Au pays de Maria Chapdelaine, on ne s’illusionait pas ! (15 points)

Pour essayer de démêler l’épineuse question des consonnes doubles, il existe quelques notions de base qui sont expliquées ici.

La fréquence des consonnes doubles

Pour commencer, il faut savoir qu’il y a cinq consonnes qui ne se dédoublent jamais en français : j, q, v, w, x.

D’autres consonnes ne se doublent que très rarement: h, k. Exemples: wahhabisme, trekking.

Publicité

À ce deuxième groupe, on pourrait ajouter encore quatre consonnes qui se dédoublent assez rarement et se trouvent presqu’exclusivement dans des mots empruntés d’autres langues: b, d, g et z. Exemples: scrabble, cheddar, jogging, pizza.

D’un autre côté, il existe plusieurs consonnes qui se doublent très souvent: c, f, l, m, n, p, r, s, t.

Parmi celles-ci, c’est le l qui est le plus souvent doublé, partiellement en raison de la graphie ill employée pour transcrire le son [j] comme dans le mot fille.

Vient ensuite le ss qui transcrit le son [s] comme dans le mot passant et le nn qui apparaît dans de nombreux dérivés de noms en ‑on comme dans le mot boutonner. Exemples: raccourci, coiffer, abeille, bonhomme, rationnel, appareil, serrure, bâtisse, trottoir.

Des différences de sens

Même si deux mots sont homonymes, c’est-à-dire qu’ils sont prononcés de façon identique, mais avec des sens différents, il est important de les écrire correctement, car leur orthographe peut varier. Ce qui donne lieu parfois à des virelangues et à des drôles de calembours.

Publicité

Exemples de tels mots: balade/ballade, cane et canne, date/datte, détoner/détonner, goûter/goutter, mare/marre, sale/salle, tome/tomme.

Exemple de virelangue: Le ver vert va vers le verre vert.

Exemple de calembour: Tous les matins, je me lève de bonheur (bonne heure).

Le doublement de la consonne de certains mots, qui ne sont pas des homonymes, joue un rôle distinctif. Exemples: courais/courrais, file/fille, poison/poisson.

Les plus épineux sont peut-être les mots français qui ressemblent parfois à une lettre près à un mot anglais. Exemples: adresse/(address), asymétrie/(asymmetry), carpette/(carpet), développer/(develop), enveloppe/(envelope), galerie/(gallery), girafe/(giraffe), littérature/(literature), mariage/(marriage), trafic/(traffic).

Publicité

L’emplacement des consonnes

Chose étrange, la voyelle e devant une consonne double peut changer de prononciation selon la nature de ces consonnes. Ainsi, le e est prononcé [ɛ] comme dans le mot «fer» devant un grand nombre de consonnes doubles… Alors qu’il est prononcé [a] comme dans le mot «lame» devant un m doublé. Exemples: aberrant, dilemme, femme, apparemment.

Certaines positions syntaxiques, ou grammaticales, découragent le dédoublement de la consonne. On trouvera rarement une consonne double après:

  • une autre consonne;
  • un e muet [ə] ou après une voyelle comportant un accent;
  • les combinaisons vocaliques ai, au et oi.

Si on trouve rarement des consonnes doubles au début ou à la fin d’un mot (mis à part quelques mots empruntés à d’autres langues), elles sont assez fréquentes entre les préfixes, ou les suffixes, et la racine du mot.

Préfixe

Si la dernière lettre du préfixe est la même que la consonne initiale du mot auquel il est attaché, on garde en général les deux consonnes. Exemples: bis + sextile = bissextile, en + neiger = enneiger, inter + racial = interracial.

Ces cas sont assez fréquents en français, surtout avec certains préfixes changeants comme ad- (qui devient ac-, ap-), in- (qui devient il-, im-, ir-), inter, ob- (qui devient op-) et sub- (qui devient sup-), sur-, trans-, les préfixes a-, de-, dé- et re- suivi d’un s. Exemples: accueil, innover, interrelations, oppression, support, surréel, transsubstantiation, assimilation, desserrer, resserrement.

Publicité

Quelques préfixes, en revanche, n’entraîne pas le doublement de la consonne, à quelques exceptions près, comme ab-, ad-, ag-, am-, an-, ana-, apo-, ec-, el-, er-, in-. Exemples: abandon, administration, agacer, amas, anormal, analphabète, apostrophe, éclair, électeur, éraflure, inexact.

Fait intéressant, les mots qui commencent par le préfixe in- double la consonne si le mot ne comporte pas une idée de négation. Un exemple serait le mot «innocence». Dans le cas contraire, on ne double pas la consonne comme pour le terme «inoccupé».

Suffixe

La consonne peut aussi se doubler entre un mot et son suffixe. Les adverbes en ‑mment et les dérivés des mots se terminant par ‑on sont très courants. Exemples: négligent/négligemment, élégant/ élégamment, adandon/abandonnement.

La consonne double apparaît en finale dans les formes féminines de noms et d’adjectifs et particulièrement dans le cas de eil/eille (pareille), el/elle (réelle), en/enne (aérienne), et/ette (muette), on/onne (patronne). Cette règle s’applique aussi à certains noms féminins. Exemples: treille, échelle, étrennes, bicyclette, tonne.

Dans la conjugaison de certains verbes, la consonne se double. C’est notamment le cas de certains verbes en ‑eler et ‑eter, de quelques formes des verbes tenir et venir, et du double rr au futur simple et au conditionnel de nombreux verbes. Exemples: j’appelle, tu jettes, qu’il tienne, qu’elles viennent, que tu tinsses, que vous tinssiez, nous nous reverrons, vous courriez.

Publicité

Quelle logique?

Finalement, il y a des exceptions dans quelques familles de mots où un certain nombre de dérivations anormales ont créé des mots dont l’orthographe semble défier toute logique. Exemples: combattre/combatif, donner/donation, honneur/honorer, nommer/nomination, pomme/pomiculteur.

Toutes ces règles, qui à première vue peuvent sembler un peu intimidantes, s’apprennent avec la pratique, à savoir grâce à la lecture et à l’écriture.

Les réponses de l’exercice

Voici les réponses pour le petit exercice au début de l’article: littérature, effectuées, tranquillité, personnages, familial, s’accumulaient, immortalisé, charrette, toiletter, abattu, patiemment, débarrasser, ânonnaient, finalement, illusionnait.

Vous avez eu 14 ou 15 bonnes réponses? C’est excellent! Avec 12 ou 13, c’est encore très bien! Vous avez eu 11? Ce n’est pas mal du tout. Un résultat de 9 ou 10 est satisfaisant, mais les exercices additionnels proposés ci-bas pourraient s’avérer intéressants. Avec 8 ou moins, les exercices supplémentaires pourraient être très utiles.

Si vous voulez tester davantage ces règles et vos connaissances, vous trouverez ici de nombreux exercices tirés du site du CCDMD. Ces exercices se trouvent aux pages 4, 5 et 6 et les réponses, à la page 7.

Publicité

Cet article est basé sur les recommandations de l’Office québécois de la langue française et du Centre collégial de développement de matériel didactique.

Auteurs

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur