Les laits végétaux ne sont pas plus nutritifs que le lait de vache

Parmi les laits végétaux, c’est la boisson de soya enrichie qui possède le profil nutritionnel le plus près du lait de vache, le plus complet.
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Publié 10/04/2021 par Catherine Crépeau

Les boissons végétales, appelées à tort «lait» végétal, remplacent de plus en plus le lait de vache dans nos cafés, smoothies et autres préparations. Leurs adeptes invoquent souvent des «raisons de santé» pour les consommer. Ces substituts représentent-ils vraiment un meilleur choix nutritif ?

Des griefs contre le lait de vache…

Le lait a été malmené dans la dernière décennie: accusé de favoriser la prise de poids et l’inflammation chronique, de provoquer des troubles digestifs, d’augmenter le risque d’accidents vasculaires cérébraux (AVC)… En plus de se faire reprocher d’être moins nutritif et moins bénéfique à la santé osseuse que ne l’avaient proclamé ses partisans depuis longtemps.

C’est dans ce contexte qu’on a vu apparaître sur le marché des boissons à base de plantes se présentant comme des substituts du lait. Ces boissons végétales dites «lait» de soya, d’amandes, d’avoine, de riz, de coco ou de chanvre sont présentées comme étant meilleures pour la santé, voire plus nutritives, que le lait.

À noter qu’elles ne peuvent pas officiellement en porter le nom. En effet, en vertu de la réglementation canadienne, le terme «lait» ne peut être utilisé que pour des produits d’origine animale.

… mais aussi des avantages sur les laits végétaux

Le lait a l’avantage de contenir des protéines complètes, c’est-à-dire qui renferment tous les acides aminés essentiels dont l’organisme a besoin pour fonctionner. Le lait est aussi naturellement riche en vitamines et en minéraux, ce qui facilite leur absorption par le corps. Seule la boisson de soya contient aussi des protéines complètes et une quantité de protéines comparable au lait de vache, soit 7 à 8 g par portion de 250 ml.

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Selon plusieurs études, dont une menée à l’Université McGill et publiée en 2018, la boisson de soya est en effet la boisson végétale dont la qualité nutritionnelle est la plus élevée, et celle qui ressemble le plus au lait.

Cette étude a comparé le lait de vache à la version non sucrée de différentes boissons végétales. On y lit que la boisson de soya «présente le profil nutritionnel le plus équilibré, en plus d’être reconnue pour ses phytonutriments, appelés isoflavones, qui lui confèrent des propriétés anticancérigènes».

Laits végétaux - statistiques
Statistiques sur les laits végétaux. Source: Fichier canadien sur les éléments nutritifs

Les protéines

Le contenu en protéines est la principale faiblesse des boissons végétales. Les boissons d’amandes ou de riz n’en fournissent qu’un ou deux grammes par 250 ml. Leur emballage doit d’ailleurs indiquer qu’elles ne sont pas une source de protéines. Les boissons de lin ou de chanvre n’en contiennent pas davantage, mais elles sont riches en oméga-3 et en oméga-6. C’est leur principal atout nutritionnel.

Les boissons de noix de coco ne renferment ni protéines, ni calcium, ni vitamine D (dans leur version non enrichie). De plus, elles contiennent plus de 4 g de gras saturés, reconnus comme néfastes pour la santé cardiovasculaire, par portion de 250 ml, ce qui est davantage que le lait à 2% de matières grasses, qui en contient 3 g.

Elles contiennent par contre des graisses appelées triglycérides à chaîne moyenne susceptibles d’améliorer le taux de cholestérol sanguin.

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Quant aux boissons d’avoine, elles n’offrent que la moitié de la quantité de protéines et de matières grasses qu’on trouve dans le lait.

Le calcium

Le lait de vache est riche en calcium, un nutriment indispensable à la santé des os et à la prévention de l’ostéoporose. La plupart des boissons végétales qui se présentent comme substitut du lait en sont enrichies en vertu de la Loi sur les aliments et drogues.

Ainsi, une portion de 250 ml de boisson enrichie doit fournir, comme le lait, 30% de la valeur quotidienne de calcium et 45 % de la valeur en vitamine D. De la vitamine B12, essentielle à la santé du cerveau et du système immunitaire, peut aussi être ajoutée.

Mais même enrichies, les boissons végétales ne peuvent remplacer le lait de vache durant les deux premières années de vie, estiment la Société canadienne de pédiatrie et Les diététistes du Canada en précisant que l’allaitement est à privilégier de façon exclusive jusqu’à six mois et en combinaison avec l’alimentation par la suite.

Et pour répondre aux besoins en protéines, en calcium et en vitamine D des enfants de 2 à 8 ans, ces deux organismes recommandent le lait de vache ou la boisson de soya enrichie sans sucre ajouté.

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Beaucoup de sucre dans les laits végétaux

L’autre faiblesse des boissons végétales, c’est le sucre, qui en est souvent le deuxième ingrédient après l’eau, prévient la Société canadienne de pédiatrie.

La boisson de riz est particulièrement riche en glucides. Elle en contient deux fois plus que le lait (24 g contre 12 g), sous forme de sucres ajoutés, d’amidon naturellement présent dans le riz ou d’une enzyme ajoutée, comme l’amylase, qui transforme l’amidon en maltose, lequel est comparable au sucre blanc. Dans le lait, il s’agit de lactose, un sucre naturellement présent dans le produit.

Le lait d’avoine contient aussi jusqu’à deux fois plus de glucides que le lait.

Les versions nature des boissons de soya contiennent généralement moins de sucre que le lait, 7 à 8 g, mais le total peut grimper à 11 g pour les versions aromatisées aux fraises ou à la vanille et à 20 g pour les produits au chocolat ou au café. Le Guide alimentaire canadien recommande de privilégier les boissons de soya enrichies et sans sucre ajouté.

Les boissons d’amandes nature sont moins sucrées, avec à peine 1 à 2 grammes de glucides par portion de 250 ml, mais elles sont une source beaucoup moins concentrée des nutriments bénéfiques trouvés dans les amandes entières, comme les protéines, les fibres et les graisses saines.

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lait d'amandes lait végétal végétaux
Le lait d’amandes prend moins d’eau à produire que le lait de vache. Photo: RawPixel / PxHere

Le lait d’amandes plus écolo?

De plus en plus de gens se tournent aussi vers des «laits» à base de plantes par souci écologique. Le lait d’amandes est particulièrement populaire, mais qu’en est-il vraiment de son empreinte environnementale?

Les boissons végétales sont produites à partir des grains, noix ou fruits transformés de diverses manières, notamment par trempage ou par décomposition.

Moins d’eau par litre pour plusieurs laits végétaux

La consommation d’eau est moins élevée pour la boisson d’amandes que pour le lait de vache, soit 371 litres pour chaque litre produit contre 628 pour le lait de vache.

Toutefois, la boisson de soya fait beaucoup mieux en exigeant seulement 28 litres d’eau par litre produit, selon des chercheurs de l’Université d’Oxford. En 2018, ceux-ci ont calculé la quantité d’eau douce utilisée à chacun des stades de la production de diverses boissons végétales (excluant la cuisson), soit de la transformation jusqu’au transport.

Les résultats de cette étude doivent toutefois être nuancés puisqu’ils s’appuient sur des données internationales. Or, les conditions géographiques et les modes de culture des amandes et autres végétaux, de même que les conditions de la production laitière, varient d’une région du monde à l’autre.

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80% des amandes en Californie

En Californie, qui fournit 80% des amandes cultivées sur la planète, les amandiers sont irrigués par les eaux souterraines et, dans certains cas, par l’eau des aqueducs d’État plutôt que par la pluie.

Or, considérant que la production de 16 amandes (ce qui suffit à peine à produire un litre de boisson à 2% d’amandes) en Californie nécessite environ 15,3 gallons d’eau (58 litres), selon des calculs du New York Times, cette façon de faire est vivement dénoncée.

Et comme la Californie produit annuellement plus de deux milliards d’amandes, la quantité d’eau détournée pour leur culture est assez importante pour que certains tirent la sonnette d’alarme.

Les critiques de l’utilisation du lait d’amandes comme solution de rechange au lait de vache estiment de plus que ses avantages nutritionnels ne sont pas suffisants pour justifier la quantité d’eau nécessaire à la culture des amandes.

Les abeilles et les pesticides

Au problème de consommation d’eau des amandiers, s’ajoute l’importante mortalité des abeilles utilisées pour leur pollinisation croisée.

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On parle beaucoup ces dernières années du déclin de certaines populations d’abeilles. Une étude réalisée auprès d’apiculteurs des États-Unis a par exemple évalué à près de 50 milliards le nombre d’abeilles mortes au cours de l’hiver 2018-2019, soit le tiers de la population des abeilles «commerciales» de ce pays.

\Or, cette mortalité élevée serait en partie due à l’exposition des abeilles aux pesticides — en plus des maladies, des parasites et de la perte d’habitat naturel. Le Pesticide Action Network, le programme de données du ministère américain de l’Agriculture, a trouvé des résidus de neuf pesticides différents sur les amandes, dont cinq sont toxiques pour les abeilles mellifères.

En comparaison, le soya n’a pas besoin d’insectes pollinisateurs pour se reproduire.

Auteur

  • Catherine Crépeau

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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