«Les gens ordinaires font partie d’une grande histoire»

Les documentaires de Serge Giguère

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Publié 09/05/2006 par Magdaline Boutros

Ce qui frappe dans les documentaires de Serge Giguère, c’est l’impression de vérité qui s’en dégage. Des gens simples, inconnus du grand public et profondément ancrés dans la culture populaire se dévoilent à l’écran à travers l’oeil du cinéaste. Exit les «têtes parlantes», les grandes recherches historiques et les scénarios. Le cinéma de Giguère est épuré dans le propos et travaillé dans la forme. Le cinéaste se met à l’écoute de ses personnages et leur donne toute la latitude nécessaire pour qu’ils se dévoilent tranquillement à l’écran. Le temps est son principal allié.

Pour la 5e édition de son volet «Focus On… retrospective programme», le festival documentaire Hot Docs a voulu lui rendre hommage. Six des films du documentariste québécois ont été présentés au public torontois la semaine dernière, parmi lesquels Oscar Thiffault, Le reel du mégaphone, Le roi du drum et Suzor-Côté. Le Bureau du Québec à Toronto en collaboration avec la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) lui ont rendu hommage lors d’une réception tenue la semaine dernière. L’Express est allé à sa rencontre.

L’Express: Vous consacrez vos films à des personnes, à des gens qui sont ancrés dans la culture populaire. Est-ce que vous vous considérez comme un portraitiste?

S.G.: Oui, tout à fait. La majorité de mes films sont des portraits. C’est mon premier but de dévoiler des personnages qui ont du caractère, qui ont de la force. Je ne suis pas très fort sur les dossiers ou l’information factuelle. J’aime plutôt orienter mes films vers les émotions que les gens peuvent passer aux travers de leurs passions. Ce ne sont pas des films politiques au premier niveau que je fais, ce sont des films d’hommage.

L’Express: Vous laissez beaucoup de latitude à vos personnages dans vos films. Votre cinéma se rapproche énormément du cinéma-vérité?

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S.G.: Oui, j’ai appris comme ça il y a à peu près 25 ans quand j’ai commencé avec Pierre Perreault, Arthur Lamothe, Bernard Gosselin. Puis ensuite avec d’autres cinéastes comme Sylvie van Brabant, Fernand Bélanger. Ce qui était important, c’était le temps qu’on passait avec les gens. On tissait des liens avec les gens. On ne mène pas d’entrevue. Ce sont les gens qui vivent des choses et nous, on essaye d’être proche de ça.

L’Express: Dans vos films, vous prenez tout de même plaisir à mélanger les genres en introduisant quelques notes de fiction. Est-ce un moyen de briser le carcan des genres?

S.G.: Le film documentaire en lui-même à un premier niveau et sans poésie, ça me laisse un peu sur mon appétit. Ce que j’aime, c’est de travailler la forme. Je ne sais pas d’où me vient ce goût de faire des petites séances de fiction. J’ai toujours aimé avoir une sorte de complicité avec mes personnages. Ce n’est pas moi qui invente les séances de fiction. Je pars de leur réalité, de leur imaginaire. Et à partir de là, on travaille ensemble la fiction.

L’Express: Qu’est-ce qu’il faut à une personne pour que vous lui consacriez un documentaire?

S.G.: Il faut qu’elle soit capable de transposer une émotion. C’est comme un acteur, il faut qu’elle crève l’écran. Il faut pas juste qu’elle soit très typique et en marge. Il faut que ce soit quelqu’un qui ait une sorte de vérité qui fait qu’on y croit et qu’on se sente interpellé. Ce que j’aime beaucoup aussi c’est de ne pas juste montrer un côté tout le temps très joyeux d’un personnage. La vie n’est pas faite comme ça. Il faut aussi que je sois capable de voir la vulnérabilité des gens.

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Je ne voudrais pas faire des films sur des gens connus, ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir une rencontre simple avec quelqu’un qui, je pense, va bien passer à l’écran et qui va dire des choses qui vont faire vibrer des émotions. Les gens ordinaires font partie d’une grande histoire et c’est une façon de leur rendre hommage.

L’Express: Le documentaire flirte de plus en plus avec le sensationnel et devient de plus en plus commercial. Est-ce que cette évolution affecte votre travail?

S.G.: C’est une tangente plus spectaculaire et ça c’est tant mieux. Il ne faut pas négliger le côté spectaculaire dans un film. Ma façon à moi de le faire, c’est d’ajouter des petites séquences de fiction, pour frapper l’imaginaire. Ce qu’on fait en documentaire ça doit être un spectacle aussi. Il ne faut pas juste avoir des têtes parlantes et un contenu livré directement. Souvent on s’en tient uniquement à ça. Il faut que l’image puisse parler aussi.

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