Les employeurs francophones pourraient regretter le resserrement de l’immigration temporaire

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Des entreprises francophones hors Québec pâtiraient du resserrement de l'immigration des travailleurs temporaires. Photo: iStock.com/Orla
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Publié 27/10/2024 par Marianne Dépelteau

Ottawa a ajusté le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour répondre à ce qui semble être la fin de la pénurie de main-d’œuvre au pays. Cependant, les besoins spécifiques des francophones de l’extérieur du Québec en immigration sont négligés, laissant ces communautés sans soutien adapté.

«L’absence de la langue comme dimension d’analyse dans la production de données sur le marché du travail entraîne un manque d’information», rapportent la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et deux organismes collaborateurs dans une étude de 2022.

Autrement dit, l’étude souligne un problème majeur: l’exclusion de questions linguistiques dans des analyses gouvernementales des besoins en main-d’œuvre.

Le 26 septembre dernier, le PTET a été ajusté par Ottawa afin de diminuer la dépendance canadienne envers ces travailleurs.

Pour développer cette mesure, le gouvernement se fonde sur le portrait économique actuel, notamment le haut taux de chômage général au Canada, qui semble indiquer que la pénurie de main-d’œuvre est chose du passé dans la plupart des secteurs.

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Mais dans une réponse écrite à Francopresse, Statistique Canada confirme que le taux de chômage des francophones hors Québec pour l’année 2024 n’est pas connu.

Si ce taux reste élevé au niveau national et si les besoins généraux en matière de main-d’œuvre étrangère peuvent être moins importants qu’avant, cela ne veut pas nécessairement dire que la situation est la même pour les communautés francophones.

Marc Miller, immigration
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

Travailleurs étrangers temporaires

Depuis le 26 septembre, certaines demandes d’études d’impact sur le marché du travail (EIMT), qui permettent de recruter des travailleurs étrangers temporaires pour des emplois à bas salaire, sont affectées par les mesures suivantes:

  • Certaines demandes dans les zones métropolitaines où le taux de chômage est de 6% ou plus ne sont pas traitées.
  • Pas plus de 10% de la main-d’œuvre de l’employeur peut être composée de travailleurs étrangers temporaires à bas salaires.
  • La durée maximale de ces emplois est limitée à un an.

Il existe toutefois quelques exceptions à ces règles, notamment pour les employeurs des secteurs de la santé et de la construction, où la limite du nombre de travailleurs étrangers temporaires à bas salaire est maintenant de 20%.

«Mes CPE seraient fermés»

«Sans nos immigrants, sans nos employés temporaires, qui pour la plupart réussissent à avoir la résidence permanente après un an de travail, on ne pourrait pas fonctionner. […] Mes CPE seraient fermés présentement parce que je n’aurais aucun employé», affirme la directrice générale de l’Association des centres de la petite enfance francophones de l’Île-du-Prince-Édouard, Kathleen Couture.

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immigration
Kathleen Couture. Photo: courtoisie

Pour recruter des éducatrices à l’étranger, celle-ci passe par le volet Mobilité francophone, ce qui lui évite de devoir faire une EIMT. Ce volet, indépendant du PTET, demeure intact.

C’est un avantage pour les employeurs qui y ont recours, car, comme le note Mme Couture, «dans un contexte [francophone] minoritaire, ce n’est pas facile de trouver des francophones».

«Nous avons besoin de quelqu’un avec un diplôme de 2 ans pour être éducatrice de la petite enfance. C’est certain qu’il y a des programmes pour qu’ils puissent aller chercher leur formation, mais l’intérêt n’est vraiment pas là», dit-elle.

Ottawa souhaite prioriser les travailleurs déjà sur place. Dans le cas des garderies francophones, ces travailleurs sont rares.

«On ne dit pas qu’on ne veut pas d’immigrants, nuance la directrice. Mais on veut aussi que les étudiants de 11e et 12e année commencent à regarder la petite enfance comme une carrière possible.»

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Aucune exemption à l’horizon

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Fabien Hébert, n’a de son côté pas entendu d’inquiétudes par rapport aux changements apportés au PTET. «Par contre, je me rappelle quand le gouvernement a fait des changements au niveau des permis d’étude», raconte-t-il. «Ça allait affecter grandement les institutions postsecondaires francophones, puis il y a eu un rajustement.»

Fabien Hébert, AFO
Fabien Hébert. Photo: courtoisie

Il évoque la pénurie de main-d’œuvre qui persiste dans certains secteurs et se demande si le gouvernement prévoit mettre en place des mesures spécifiques pour les francophones, «comme il l’a fait pour les permis d’étude».

Selon une source au bureau du ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles – qui ne peut être identifiée parce qu’elle ne peut pas parler aux médias –, il n’existe actuellement aucun plan qui exempterait les francophones des mesures qui visent le PTET.

«Je peux juste imaginer que les entrepreneurs francophones doivent vivre des inquiétudes, clairement», ajoute Fabien Hébert.

Quelques domaines susceptibles

Dans une réponse écrite, le directeur général de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), Richard Kempler, explique que les domaines de l’hôtellerie, du tourisme et de la restauration sont les plus susceptibles de souffrir des nouvelles mesures.

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FGA
Richard Kempler. Photo: courtoisie

Pour le reste, il n’anticipe que peu de répercussions sur le fonctionnement des entreprises membres de la FGA.

«Nos employeurs privilégient l’embauche de travailleurs bénéficiant de la résidence permanente, et ce, en raison de l’investissement en temps comme en argent pour leur formation et de la nécessité de retenir les employés qualifiés», écrit-il.

Calculer la francophonie

Le professeur d’économie de l’Université Carleton à Ottawa, Christopher Worswick, voit dans ce resserrement du PTET un «petit pas» vers l’éloignement des programmes d’immigration temporaire, dont il est critique.

Pour plusieurs raisons, il favorise plutôt une immigration qualifiée et permanente. Mais dans deux cas particuliers, il s’avère moins sévère dans l’utilisation de programmes d’immigration temporaire.

Immigration
Christopher Worswick. Photo: courtoisie

«Je pense que le cas francophone est peut-être similaire au cas de l’agriculture, en ce sens qu’il n’y a peut-être pas beaucoup de gens prêts à occuper ces postes, en tout cas à l’extérieur du Québec.»

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«Pour les employeurs qui cherchent des employés francophones à l’extérieur du Québec, je pense qu’il est juste de dire que le taux d’emploi général est peut-être non pertinent, ajoute-t-il. Mais je me demande s’il n’y a pas moyen de calculer le taux d’emploi des francophones.»

Sans avoir de réponse à la question, l’économiste suggère de prendre des pôles géographiques francophones comme Sudbury ou tout l’Ontario et de calculer le taux d’emploi des francophones.

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