Les déboires de Trump commentés par trois criminalistes de Toronto

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Donald Trump est le premier ex-président américain à subir un procès criminel.
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Publié 13/05/2024 par Gérard Lévesque

Donald Trump est déjà passé à l’histoire pour être le premier ex-président américain à subir un procès criminel.

À suivre ses péripéties devant les tribunaux, on constate vite des différences importantes entre le droit canadien et américain.

Au Canada, l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue la loi criminelle à l’autorité législative du Parlement. Nous avons donc un seul Code criminel pour tout le pays. Ce n’est pas le cas pour nos voisins. Aux États-Unis, chaque État a son propre code pénal qui régit les infractions criminelles spécifiques à cet État.

Que penser d’un accusé qui, étant le candidat républicain à la présidence, affirme, d’une façon prétentieuse et arrogante, plus de sept mois avant l’élection du 5 novembre prochain, que la seule explication à une éventuelle défaite de sa part serait le résultat d’une élection truquée.

J’ai invité une dizaine de criminalistes de la région de Toronto, hommes et femmes, à partager leur opinion. Voici trois avocats exerçant en droit criminel qui ont accepté mon invitation: Joel Etienne, Luc Leclair et Taylor Wormington.

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Un manque de contrôle juridique et constitutionnel

Le criminaliste Joel Etienne estime que les divisions politiques liées au rapatriement de la Constitution canadienne en 1982 ont prouvé l’utilité constitutionnelle d’avoir une Cour suprême vigoureuse et réactive pour fournir des conseils juridiques appropriés.

Il croit véridique la légende selon laquelle le juge en chef Bora Laskin a mis en colère son ami, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, lorsque le plus haut tribunal du pays s’est rangé du côté des provinces en s’assurant que plus de deux provinces auraient leur mot à dire sur la manière dont notre Constitution serait rapatriée du Royaume-Uni.

Joel Etienne, Trump
Joel Etienne

À l’inverse, Joel Etienne est d’avis que le manque de contrôle juridique et constitutionnel opportun et réactif de la part de la Cour suprême des États-Unis, sur toutes les questions relatives à Trump, est flagrant.

Une nouvelle présidence Trump serait une présidence qui redéfinirait et testerait toutes les limites et frontières des conventions constitutionnelles.

Il est convaincu que de questions relatives aux conventions constitutionnelles, restées sans réponse, exigent une clarté judiciaire immédiate de la Cour suprême américaine. À savoir:

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  • si un Congrès américain peut ou non annuler les votes d’un État au sein du collège électoral;
  • si un vice-président peut ou non refuser de certifier une élection;
  • ou si un gouvernement/président fédéral peut ou non faire pression politique sur les représentants d’un État après une élection.

«Les tribunaux de première instance fédérale et étatiques américains ne détiennent pas l’autorité morale et politique nécessaire pour gérer les aléas de la politique électorale présidentielle. La Cour suprême des États-Unis, en perdant trop de temps pour diriger et guider, joue avec le feu en ce qui a trait à l’avenir du système constitutionnel américain.»

«Le moteur pourrait exploser à tout moment au cours des six à huit prochains mois. Et l’avenir du Canada, même si nous n’avons rien à voir avec la politique américaine, est en jeu.»

Diplômé de la Faculté de droit de l’Université de Moncton en 1999, Joel Etienne pratique le droit à Toronto depuis 24 ans. Il est également réalisateur de cinéma/télévision et scénariste.

La prison ou la présidence?

Pour Luc Leclair, Trump est une personne énigmatique, un être unique. Beaucoup de gens, de la gauche comme de la droite, le voient soit comme un dieu ou un démon. Luc Leclair le considère des deux côtés.

«Étant avocat criminaliste, je m’imagine en train de le défendre contre les attaques de la gauche radicale. D’autre part, je le trouve déplorable, un criminel qui doit être mis en prison,  pas qualifié comme candidat pour la présidence.»

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Luc Leclair, Trump
Luc Leclair.

Alors que la Cour suprême se penche sur la question de l’immunité présidentielle, beaucoup sont préoccupés par l’insurrection du 6 janvier 2021. Le président des États Unis est-il protégé contre les accusations criminelles? «Voilà la grande question qui, à mon avis, ne devrait avoir qu’une réponse: non.»

Natif du Nord de l’Ontario et diplômé de la Faculté de droit de l’Université de Windsor, Luc Leclair pratique le droit criminel depuis 1991 à Toronto et, à l’occasion, à Montréal.

Durant plus de trois décennies, il a représenté des individus accusés de meurtre, de viol, de possession d’armes à feu et d’importation de stupéfiant, pour ne nommer que quelques crimes. Au cours des dernières années, il a également représenté des victimes d’agression sexuelle.

Dans le cadre de son bénévolat, il évalue les mémoires rédigés par des étudiants en droit dans le cadre du concours de plaidoirie de la Coupe Gale. Fondé en 1974, cette compétition est le premier concours de plaidoirie bilingue des facultés de droit du Canada. L’édition 2024 s’est déroulée à Toronto, les 9 et 10 février dernier.

Personne n’est au-dessus de la loi

Associé au cabinet torontois Henein Hutchison Robitaille, Taylor Wormington pratique en droit criminel. Selon lui, la société américaine, tout comme la nôtre, est un État de droit et nul n’est au-dessus des lois.

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Avec la cause concernant l’immunité de l’ex-président Trump, entendue par la Cour suprême des États-Unis le 25 avril, il y a une possibilité qu’un individu soit placé au-dessus de la loi. Pour le public, ceci est inconcevable d’un point de vue criminel. La décision est avidement attendue. Elle pourra influencer notre compréhension de la primauté du droit.

Taylor Wormington
Taylor Wormington

Né à Sudbury, élevé à Orléans, Taylor Wormington a fréquenté l’école secondaire Garneau avant de compléter, summa cum laude, son diplôme de common law à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Il a été rédacteur en chef des articles en français de la Revue de droit d’Ottawa. Il détient une maîtrise en droit de l’Université de Cambridge.

Taylor Wormington a été auxiliaire juridique du juge Mahmud Jamal, de la Cour suprême du Canada. Il a aussi complété son stage en étant auxiliaire juridique de la juge en chef associée J. Michal Fairburn, du juge Paul S. Rouleau et de la juge Lois B. Roberts, de la Cour d’appel de l’Ontario.

Fier  Franco-Ontarien, il offre ses services professionnels dans les deux langues officielles des tribunaux de l’Ontario.

Auteurs

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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