Les cours en ligne remplaceront-ils pour de bon les cours à l’école?

Les cours en ligne ou à distance – que tous les jeunes ont connus en 2020 – sont peut-être en voie de remplacer de façon définitive les cours à l’école. 
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Publié 28/04/2021 par Michèle Villegas-Kerlinger

Les cours en ligne ou à distance – l’école à la maison dont tous les parents ont fait l’expérience en 2020 et 2021 à cause de la pandémie – sont peut-être en voie de remplacer de façon définitive les cours à l’école.

Dans la grande région de Toronto, l’année scolaire de 2019-2020 n’a pas été de tout repos. Après la semaine de relâche à la mi-mars, les enseignants et les élèves ont été confinés à la maison et obligés de continuer leurs cours en ligne suivant, chez certains conseils scolaires, un modèle asynchrone.

Ce qu’on aurait pu penser être une situation temporaire s’est prolongé jusqu’à la fin de l’année scolaire de 2019-2020 tout en évoluant au cours de l’année de 2020-2021.

Présentiel, synchrone, hybride, cours en ligne…

En effet, à partir de septembre 2020, certains professeurs ont donné leurs cours exclusivement en ligne alors que d’autres ont accueilli leurs classes, chacune divisée en deux cohortes d’un maximum de 15 élèves, en présentiel à l’école.

Mais, après le congé de Noël, on a été confinés de nouveau pendant six semaines suivant, cette fois, un modèle d’apprentissage synchrone en ligne.

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À la mi-février, un quatrième modèle, le modèle hybride, où le professeur enseigne aux élèves en classe et en ligne en même temps, a été privilégié.

Et juste avant la semaine de relâche, qui a été repoussée d’un mois cette année par le gouvernement provincial, nous avons été de nouveau confinés à la maison en mode synchrone.

Éducation à distance en ligne
Enseigner à distance pose d’énormes défis. Photo: Ana Krach, Pixabay

Quel modèle d’instruction après la pandémie?

Avec tous ces changements, on est en droit de se demander ce que nous réservent les années à venir, une fois la pandémie derrière nous.

Il semblerait que le gouvernement Ford soit décidé à garder l’option en ligne pour tous les élèves de la province.

Il est vrai que les cours en ligne ne sont pas un phénomène nouveau et existaient bien avant la pandémie. En effet, pour l’année scolaire 2018-2019, 60 000 élèves auraient suivi des cours en ligne en Ontario selon les statistiques du gouvernement provincial.

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Cours en ligne spéciaux VS communs

La différence? Ce n’était pas la norme.

On parle ici surtout d’élèves du secondaire en région ou qui ont voulu suivre des cours qui n’étaient pas offerts à leur école. Or, il est important de savoir qu’en temps normal, l’élève n’a pas le droit de s’inscrire dans un cours en ligne si ce cours est déjà offert en présentiel à son école.

Alors, ce que le ministre de l’Éducation veut faire, c’est de donner à l’élève la possibilité de suivre le cours de son professeur, soit à l’école soit en ligne, au choix, comme cela se fait actuellement.

Trois modèles de cours en ligne

Trois modèles sont présentement sur la table à dessin:

1 – Apprentissage synchrone en ligne toute la journée et sous la direction des conseils scolaires pour les élèves qui le désirent, peu importe leur âge.

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2 – Cours individuels en ligne au niveau secondaire, chapeautés par les conseils scolaires.

3 – Apprentissage asynchrone en ligne pour les élèves du secondaire et sous l’égide de TFO (TVO pour les anglophones).

Éducation à distance en ligne
Harvey Bischof, le président de FEESO. Photo: Twitter

Les syndicats d’enseignants réagissent

Suite à la découverte de ce projet par les médias, les critiques n’ont pas tardé à fuser de partout.

Harvey Bischof, le président de FEESO (Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario; OSSTF en anglais), a dit que, bien que les cours en ligne puissent être utiles dans des communautés éloignées ou dans le cas d’un(e) jeune souffrant de troubles d’anxiété, la présence des élèves à l’école est importante non seulement d’un point de vue académique, mais encore pour leur développement social et émotionnel.

Sam Hammond, le président de FEEO (la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario; ETFO en anglais), croit que le ministère veut saper l’éducation publique de la province au profit du secteur privé.

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On se rappellera qu’en 2018-2019, le gouvernement Ford voulait imposer quatre cours obligatoires en ligne à tout(e) élève du secondaire, et ce, à l’échelle de la province. Après des mois de négociations avec les syndicats, ce nombre a été réduit à deux.

Pourtant, chose curieuse, un très grand nombre des cours offerts en présentiel dans les écoles secondaires de l’Ontario étaient déjà en ligne au début de la pandémie en mars 2020…

Éducation à distance en ligne
Sam Hammond, le président de FEEO. Photo: Twitter

Cours en ligne et en classe: pas du pareil au même

Malgré certains avantages des cours en ligne (on n’a pas besoin de se déplacer, par exemple), ces derniers ne sont pas l’équivalent des cours donnés en classe.

Voici seulement quelques observations faites par des professeurs du niveau secondaire au sujet des cours en ligne:

«Il y a de nombreux élèves qui ne participent tout simplement pas. L’apathie peut vite s’installer. En classe, le professeur peut voir si le (la) jeune est engagé(e), ou pas, et agir en conséquence. Mais en ligne? L’élève est-il (elle) juste réservé(e), timide ou peut-être en train de faire autre chose? Admettons que les distractions en ligne ne manquent pas. L’élève est-il (elle) vraiment là, devant l’écran et à l’écoute, ou ailleurs? Que dire de l’élève qui n’a tout simplement pas de microphone? Le clavardage est une piètre solution de rechange aux échanges de vive voix.»

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«Le travail en groupe est plus difficile en ligne. Certes, on peut créer des groupes grâce à certains logiciels, mais, en classe, le professeur peut voir comment les différents membres du groupe interagissent entre eux et faire rapidement des changements au besoin. De plus, la collaboration en personne à l’école favorise le développement des compétences sociales chez l’élève. Les échanges en ligne par écran interposé ne sont pas le moyen idéal pour que les élèves établissent de bonnes relations entre eux et avec leur professeur.»

«Pour les projets et les tests en ligne, il est presque impossible de vérifier l’authenticité du travail de l’élève. Il y a certains programmes pour détecter le plagiat et on peut chronométrer les tests, mais comment s’assurer que c’est vraiment le travail de l’élève?»

«Les cours en ligne n’offrent pas une aussi grande variété d’activités qu’un cours en classe. À l’école, les élèves peuvent travailler en binôme ou en petits groupes à faire une tâche commune, comme une carte ou une affiche par exemple, chose difficile à faire en ligne en raison du manque de proximité physique.»

«La qualité des cours en ligne peut laisser à désirer. Bien que les cours du Ministère offrent de nombreuses activités intéressantes, il y a parfois de la répétition et plusieurs liens ne fonctionnent déjà plus. Par ailleurs, ces cours n’offrent qu’une infime partie du matériel contenu dans les manuels scolaires utilisés dans la salle de classe.»

»En ligne, la transmission du message peut présenter des défis particuliers. Selon la règle des 3V, basée sur les recherches du professeur Albert Mehrabian en 1967, seulement 7% de notre communication est basée sur les mots et 38% sur l’intonation et le son de la voix. Plus de la moitié de nos messages, soit 55%, se transmettent grâce aux expressions faciales et au langage corporel. Par conséquent, on peut manquer plus de la moitié du message en ligne si le caméra n’est pas allumé ou si l’image est floue.»

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«Les difficultés techniques sont monnaie courante en ligne. Un(e) élève ou le professeur peuvent être débranchés à tout moment, même au beau milieu d’un test ou d’une présentation. Heureusement, on réussit le plus souvent à se rebrancher, mais pas toujours. Par ailleurs, si tout le monde allume sa caméra en même temps ou lors du visionnement des vidéos, il peut y avoir un sérieux décalage sans parler des difficultés au niveau sonore dans le cas de ces derniers.»

Quelle école pour demain?

Compte tenu de tout ce qui précède, on peut se demander quels sont les mobiles derrière la proposition du ministre de l’Éducation.

Est-ce pour accommoder les élèves ou, au contraire, un premier pas vers la privatisation de tout le système scolaire de la province? Étant donné le fait que nos jeunes d’aujourd’hui seront les travailleurs de demain, c’est une question qui mérite un peu de réflexion…

Pour en savoir plus long sur les propositions du ministre de l’Éducation, cliquez sur ce lien de CBC. La présentation en bas de la page donne plus de détails sur le projet.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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