Les collèges publics de l’Ontario contraints de sacrifier des programmes

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La réduction du nombre d'étudiants étrangers et le plafonnement des subventions provinciales affectent les finances des collèges postsecondaires ontariens. Photo: archives l-express.ca
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Publié 12/03/2025 par Soufiane Chakkouche

Sale temps pour les collèges publics de l’Ontario! Les dernières restrictions budgétaires et le récent plafonnement du nombre d’étudiants étrangers décidé par le fédéral ont poussé les collèges à ne plus dispenser certains programmes.

Plus que cela, les acteurs du secteur évoquent une situation insoutenable après plusieurs années de carence financière et de gel des frais de scolarité, les plaçant aujourd’hui au pied du mur. Les établissements francophones ne font pas exception.

Les 24 collèges postsecondaires financés par des fonds publics traversent à l’unisson cette tempête qui peut bien s’avérer ravageuse. En cause, selon eux, trois décennies de sous-financement provincial et six ans de gel des frais de scolarité jusqu’en 2026-27 imposé par le gouvernement provincial.

Maureen Adamson
Maureen Adamson. Photo: Collèges Ontario

L’Ontario est avant-dernier de la classe quant au classement des provinces relatif aux dépenses annuelles des collèges par étudiant, 17 946 $, selon les dernières données de Statistique Canada.

«Collèges Ontario continue d’être profondément préoccupé par la viabilité financière du secteur collégial en Ontario. Sans un investissement provincial adéquat, les fermetures de campus, les mises à pied et les impacts sur les communautés se poursuivront», regrette Maureen Adamson, PDG intérimaire de Collèges Ontario.

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Réduire l’offre

Plus que des mots, cette accumulation d’arriérés commence déjà à faire des victimes.

Le dernier en date est le Collège d’Algonquin qui, le 24 février dernier, s’est vu contraint de fermer son campus de Perth. Il a ainsi suspendu une quarantaine de programmes, dont plusieurs jugés importants, dispensés en présentiel, n’en déplaise aux étudiants signataires de pétitions pour essayer de sauver quelques programmes.

Les collèges francophones ne sont pas en reste, comme le souligne Lynn Casimiro, PDG du Collège La Cité. «L’incertitude actuelle amène le collège à prendre la décision de ralentir certains investissements à long terme et d’adopter une posture plus prudente en matière de gestion financière.»

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Pourcentage d’étudiants étrangers. Source: Higher Education Strategy Associates

«Le Collège Boréal est touché au même titre que les autres collèges de l’Ontario. D’une part, parce que la formule de financement est la même pour tous les établissements en province.

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Brian Vaillancourt. Photo: Collège Boréal

D’autre part, suite à la baisse des droits de scolarité de 10% imposée aux collèges et universités en 2019 et agrémentée la même année d’un gel, pour une baisse totale de 13%, les taux sont depuis restés gelés», étaye Brian Vaillancourt, vice-président, Développement des affaires, au Collège Boréal.

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Cependant, d’après ce dernier, le Collège Boréal n’a pas supprimé de programmes en raison de cette crise.

Pour Brian Vaillancourt, l’incidence de cette austérité budgétaire «se traduit généralement par un manque d’investissement dans de nouvelles installations et de nouveaux équipements, que Boréal arrive à compenser partiellement par des dons faits à sa fondation et par des entreprises privées».

Les étudiants étrangers, une bouée de sauvetage trouée

Toutefois, l’estocade semble être portée en septembre dernier, lorsque le gouvernement fédéral avait annoncé la réduction de 10% du nombre de permis d’études délivrés aux étudiants étrangers pour les années scolaires 2025 et 2026, soit 437 000 permis contre 485 000 en 2024.

Lynn Casimiro
Lynn Casimiro. Photo: Collège La Cité

«Comme les autres collèges ontariens, La Cité a été impactée financièrement, dans les derniers mois, par une réduction du nombre d’étudiants étrangers due à de nouvelles règles fédérales. Depuis qu’elles ont été instaurées, le nombre d’étudiants étrangers inscrits au Collège a diminué de plus de 600 étudiants», fait savoir Lynn Casimiro.

Ceci dit, la PDG du Collège La Cité fait remarquer que son établissement a accueilli davantage de nouveaux étudiants canadiens à la session d’automne, ainsi qu’à la rentrée de l’hiver 2025, ce qui lui a permis de maintenir ses effectifs.

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Mais, «compte tenu du mode de financement des collèges en Ontario, cette augmentation des inscriptions canadiennes n’est pas en mesure de compenser la limitation des inscriptions internationales», rectifie-t-elle.

«Dans ce contexte, le Collège continue à appliquer son processus de gestion de viabilité financière proactif mis en place il y a déjà plusieurs années en examinant ses structures, ses services et ses programmes dans l’objectif d’apporter les ajustements jugés nécessaires afin de minimiser les impacts.»

Les conséquences sont facilement devinables lorsque l’on sait qu’un étudiant étranger pourrait rapporter trois à quatre fois plus d’argent qu’un étudiant du pays.

À  titre d’exemple, les programmes d’études en commerce sont en train de disparaître l’un après l’autre, car, à en croire le rapport publié par Higher Education Strategy Associates, environ 50% des étudiants internationaux qui s’inscrivent dans des établissements d’enseignement supérieur optent pour des études en commerce.

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La moitié des étudiants étrangers choisissent le commerce. Source: Higher Education Strategy Associates

L’avenir n’est pas rose

Quant à savoir si l’avenir sera clément, il n’en est rien, prédit Maureen Adamson. «À l’heure actuelle, il n’est toujours pas possible d’envisager la fin des mesures drastiques que les collèges de l’Ontario sont obligés de prendre en raison des plafonds fédéraux et du sous-financement chronique au niveau provincial.»

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Même son de cloche du côté de Lynn Casimiro et de Brian Vaillancourt. «Si la situation actuelle persiste, elle pourrait mener à des réflexions et à des choix quant à l’offre de formation en français pour notre province», déplore la première.

«Faute d’une telle diversification et d’un financement adéquat», estime le second, «l’ensemble du réseau collégial est à risque si l’Ontario demeure la province du Canada où la part du financement provincial demeure la plus faible»

Une question légitime s’impose donc: si les collèges ontariens choisissent de supprimer des programmes pour sauver les meubles, cela voudrait dire que les étudiants, surtout locaux, auront du mal à accéder à des programmes non loin de chez eux.

Cela risquerait bien de tuer quelques vocations dans l’œuf.

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