Lentement mais sûrement: vers le bilinguisme des juges de la Cour suprême

Modernisation de la Loi sur les langues officielles

La pandémie empêchant de se rendre à la cabane à sucre, l'AJEFO et le Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario ont offert à leurs membres une rencontre sur le thème «Sucre et causeries».
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Publié 22/04/2021 par Gérard Lévesque

«Tous les juges de la Cour suprême du Canada doivent être bilingues, sans assistance d’interprète. Sinon, comme les mémoires déposés en français ne sont pas traduits, il en résulte une inégalité de justice pour les justiciables de langue française.»

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Michel Bastarache

C’est ce qu’a déclaré l’ex-juge Michel Bastarache, le 8 avril dernier, lors de la rencontre virtuelle organisée par l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) et le Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO) sur le thème Sucre et causeries.

L’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux ou émanant des tribunaux du Canada, il peut être fait usage de la langue française ou de la langue anglaise.

150 ans plus tard, c’est encore difficile?

Michel Bastarache refuse de croire que, plus de 150 ans après l’entrée en vigueur de ce droit d’utiliser l’une ou l’autre de nos deux langues officielles, il serait impossible d’identifier, dans les différentes régions du pays, neuf juristes bilingues aptes à siéger au plus haut tribunal du pays.

«Personne n’est née bilingue; les anglophones peuvent apprendre le français comme les francophones apprennent l’anglais.» Dans les onze années (1997-2008) où Michel Bastarache a été juge à la Cour suprême, environ 90% des causes entendues en français étaient en provenance du Québec, et les avocats des parties comparaissaient devant un banc formé seulement de sept juges.

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L’ex-juge accueille donc favorablement la partie du document de réforme Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada où le gouvernement confirme son intention de faire en sorte qu’à l’instar des autres tribunaux fédéraux, la Cour suprême du Canada veille dorénavant à ce que les juges qui entendent l’affaire comprennent, sans l’aide d’un interprète, la langue officielle choisie par les parties.

Citer les sources dans les deux langues officielles

Les Lignes directrices pour la préparation des documents à déposer à la Cour suprême du Canada exige que le recueil de sources comporte les dispositions pertinentes dans les deux langues officielles lorsqu’il s’agit de textes législatifs dont la loi exige la publication en français et en anglais.

Michel Bastarache est à l’origine de cette exigence qu’il a proposée après avoir constaté que, dans deux causes, les juristes plaidaient une ambiguïté dans une version linguistique de la loi sans faire référence au texte dans l’autre langue officielle.

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Julie Thorburn

Se joignant à la session questions-réponses, Julie Thorburn, juge de la Cour d’appel de l’Ontario, partage l’avis de Michel Bastarache que les tribunaux supérieurs des provinces et territoires dont la législation est publiée dans les deux langues officielles devraient également inviter les plaideurs à citer les deux versions linguistiques de ces lois. 

Elle affirme également qu’il est essentiel que les juges soient en mesure d’interroger les plaideurs dans la langue officielle choisie par les parties. 

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Le côté positif de la pandémie

La pandémie de covid a forcé les tribunaux à s’adapter à la situation notamment en acceptant les plaidoiries en ligne et l’utilisation de la technologie.

La juge Thorburn note certains des avantages: des milliers de personnes de partout au pays, ou même au monde, peuvent regarder un procès. Par exemple, dans le procès de Alek Minassian, lorsque la juge Anne Molloy a prononcé son verdict de culpabilité, plus de 5000 personnes assistaient virtuellement à l’audience.

Le public peut voir de plus près notre système judiciaire et ce qui se passe dans les palais de justice. Dans les dossiers entendus en Cour d’appel de l’Ontario, les parties situées à l’extérieur de Toronto ont économisé les frais qu’elles auraient eu à payer pour le déplacement de leurs avocats. Ainsi, l’assouplissement des règles concernant la tenue et le lieu des audiences a rendu le tribunal plus accessible.

À la croisée des langues

Chaque année, en reconnaissance des accomplissements et de la contribution de l’honorable Michel Bastarache dans la promotion et l’avancement des langues officielles du Canada, l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO) remet le «Prix Bastarache» à une ou un étudiant(e) d’une Faculté de droit de l’Ontario qui a contribué à l’avancement des langues officielles au sein du système judiciaire de la province.

Caroline Bélanger-Hilaire

La contribution de l’étudiante ou de l’étudiant à l’avancement des langues officielles au sein du système judiciaire de l’Ontario peut prendre la forme de recherche ou d’écrits académiques, de la sensibilisation du public ou de participation à des activités communautaires.

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C’est le Comité des langues officielles de l’ABO qui revoit les projets soumis et détermine le/la récipiendaire du Prix.

Azadeh Nourbakhsh Lavictoire, présidente du Comité, a profité de la rencontre virtuelle pour annoncer que, cette année, la lauréate est Caroline Bélanger-Hilaire, étudiante au Programme de common law en français de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, pour sa dissertation intitulée Du confluent des rivières à la croisée des langues : la reconnaissance de la langue michif en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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