Lentement mais sûrement, des algues étouffent le Saint-Laurent

Nutriments venues des Grands Lacs et des rivières

Chercheurs à l'oeuvre sur le Saint-Laurent. Photo: Photo ISMER
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Publié 30/10/2019 par Isabelle Burgun

Le long des plages, les algues se multiplient et les odeurs repoussent parfois les promeneurs. Mais l’impact se fait aussi sentir sous la surface.

«Imaginez une choucroute indigeste venant bouleverser l’équilibre fragile du milieu», décrit Gwenaëlle Chaillou.

C’est à la confluence des eaux issues de l’intérieur des terres et de celles du milieu marin que se produit ce phénomène craint par de nombreux biologistes, appelé eutrophisation.

Recul de la biodiversité

Provoqué par l’excès de nutriments — azote,  phosphore, etc. — déversés depuis les terres, ces algues qui se multiplient viennent prendre toute la place, au point de bloquer la lumière aux autres végétaux.

S’ensuit une décomposition rapide, submergeant les sédiments et consommant l’oxygène du milieu marin: un processus qui contribuera à l’acidification et au départ — voire au décès — d’espèces indigènes.

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«Ce phénomène a une incidence sur tous les organismes de cet écosystème et fait reculer la biodiversité locale», poursuit Gwenaëlle Chaillou, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géochimie des hydrogéosystèmes côtiers de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER).

Pire en Europe

Bien que récurrentes, les invasions d’algues là-bas ne sont en rien comparables à ce qu’on observe ailleurs dans le monde, notamment en Europe.

«C’est un problème récurrent dans la région française d’où je viens, en Bretagne, où l’on cherche même à valoriser cette biomasse afin de réduire son impact sur l’écosystème côtier», explique Mme Chaillou.

Les recherches qu’elle dirige s’inscrivent dans un projet plus vaste et à portée citoyenne, afin de partager les connaissances sur l’eutrophisation côtière. Cela pour alimenter les échanges entre les scientifiques et tous les acteurs, des utilisateurs aux politiciens.

«Nous avons remarqué que nous avons du mal à faire passer nos connaissances scientifiques et il importe de combler cette ignorance et de mieux sensibiliser les citoyens et les élus pour que se prennent des décisions politiques éclairées», ajoute la chercheuse.

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Prendre le pouls de la confluence des eaux

C’est tout le chenal du Saint-Laurent, de Québec à Rimouski, qui préoccupe également les chercheurs. Ce vaste tronçon du fleuve, où les eaux profondes océaniques rencontrent celles du Saint-Laurent, n’est pas préservé de l’influence humaine et de ses rejets, explique Jean-Éric Tremblay, directeur scientifique à Québec Océan, le centre de recherche en océanographie de l’Université Laval.

«Les eaux profondes dans le chenal ont changé, elles s’acidifient, se réchauffent et s’avèrent plus faibles en oxygène. Cela les rend plus vulnérables face aux effets additionnels de l’eutrophisation.»

À travers le projet SECO.Net (St. Lawrence ECOsystem Health Research and Observation NETwork), les chercheurs collaborent pour surveiller l’abondance de micro-algues et le niveau des nutriments à la surface, lors de sorties avec des navires de recherche, tel le brise-glace de recherche Amundsen.

Des Grands Lacs au Saint-Laurent

Le chercheur relève que l’eutrophisation «culturelle» – celle provenant du rejets d’éléments nutritifs liés aux activités humaines, dont l’agriculture dans les Grands Lacs – contribue à son échelle aux changements qui affectent les eaux du Saint-Laurent, ses rives et toute la vie qui s’y trouve.

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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