Fête des mères, des commerçants et des poulets

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Publié 12/05/2009 par Pierre Léon

La charmante coutume de la fête des mères n’est pas nouvelle puisqu’on la trouve pour les rites païens de la fécondité, dans les sociétés archaïques, aussi bien que chez les Grecs et les Latins. Au printemps, les Romains se réunissaient devant le temple de Junon pour apporter des offrandes dont les mères de familles profitaient. On ne sait pas si la fête était populaire au point de donner des complexes aux mâles d’une famille de prolétaires qui aurait oublié de donner un cadeau à Maman, au jour convenu.

On dit que la coutume de la fête des mères a cessé au IVe siècle, quand le christianisme s’en est préoccupé, s’agissant d’une célébration païenne. L’Église chrétienne qui, pourtant, s’était approprié bon nombre de rites anciens – faisant coïncider, par exemple, Noël avec la fête du solstice d’hiver – a raté là une belle occasion. Il suffisait de décider qu’on célébrerait la mère de Jésus, bien méritante puisqu’elle avait déjà quatre enfants avant celui annoncé par Gabriel.

Mais il y avait un problème: La fête des mères païenne relevait d’un culte de la fécondité. Fêter Marie en tant que mère ordinaire lui aurait enlevé son prestige de génitrice d’un dieu. De plus, tous les dieux du monde sont nés d’une vierge.

Or la virginité est peu compatible avec l’idée que se fait le commun des mortels de la maternité. Il est vrai que Marie n’est devenue officiellement vierge qu’en 1854, lors d’un concile du Vatican.

On note que Jésus était disparu de la terre depuis quatre siècles quand le culte des mères a cessé. On devra attendre l’époque moderne pour qu’il réapparaisse aux États-Unis, d’abord sous une forme sentimentale discrète puis officialisée par le Président Wilson en 1914. La chose n’allait pas tarder à devenir la fête du commerce international.

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La pub s’en mêlant c’est quasiment passé à l’industrie en Occident.

Quoi donc offrir? En Amérique du Nord, les hommes n’hésitent pas sur la lingerie de dentelle. Les Français sont toujours un peu gênés de ce côté-là, comme pour un parfum d’ailleurs, et préfèrent l’écharpe sans grand risque. Mais il y a l’embarras du choix avec tous les catalogues de fanfreluches et d’objets parfaitement inutiles. C’est Noël qui recommence!

Le régime de Vichy voulait donner des complexes aux Français qui avaient perdu honteusement la guerre en 1940, et le maréchal Pétain entreprit une croisade morale dont le slogan était: TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE.

La fête des mères y trouva sa place. On en fit des chansons, les écoliers écrivirent des poèmes sentimentaux à la gloire de leur mère et toute la France attendrie, comme aux États-Unis, se précipita chez les fleuristes, les marchands de cadeaux et de chocolats belges. L’inflation n’est pas près de s’arrêter.

On a continué par la fête des pères et celle des amoureux à la saint Valentin. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin quand il reste à célébrer les grands-parents, les oncles, les tantes, les bébés sevrés, les adolescents et bien d’autres!

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Toutes les corporations ont eu leur fête sous la protection d’un saint patron. Saint Honoré était celui des boulangers-pâtissiers, on ne sait pas pourquoi. Mais un certain nombre d’autres saints relèvent de l’humour, parfois noir, tel saint Laurent, martyrisé sur un gril et devenu patron des rôtisseurs. On le fête chaque fois qu’on fait un barbecue! Saint Joseph est fêté par les menuisiers et les cocus.

On fête aussi les saints qui ont donné leur nom à tous les toponymes et patronymes chrétiens du monde. Le calendrier est plein de ces noms de saints et le Pape n’arrête pas d’en fabriquer d’autres. C’est toujours un bon prétexte à boire beaucoup, manger trop et chanter pour se croire heureux. Mais la mode est maintenant à de nouveaux patronymes exotiques ou fabriqués qui privent l’industrie des fêtes d’une célébration. La déchristianisation n’a pas été une bonne chose pour les baptisés Zénia, Mars, Pétunia, Dorine ou autres.

Cependant, la fête que viennent de signaler récemment les médias est celle qui me réjouit le plus. C’est la «fête internationale du poulet»! Eux au moins ne vont pas s’attendre à un bouquet de fleur ou à un parfum de Chanel.

La célébration est inspirée par une association activiste «verte» nommée «Poultry Concern». Elle veut que l’on traite avec respect toute volaille et suggère des rencontres, des parties, des manifestations publiques dans les rues et des réunions dans les bibliothèques où l’on inviterait un vrai poulet.

Pour en avoir fréquenté pas mal, en liberté, je dois dire que la poule est une charmante compagne. Elle vous suit partout comme un petit chien, chante dès qu’elle a pondu, perd la tête et s’affole stupidement pour un papillon qui passe, se précipite sur un insecte sautant dans l’herbe, se bat avec ses copines pour le moindre vers. Redevenue grave, elle prend, pour rire, l’air docte. Elle mérite en effet d’être fêtée et de mourir dans la dignité. Comme saint Laurent!

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