Notez comment le vin est goûté au restaurant. Le sommelier a pris la commande et revient à la table avec la bouteille de vin. C’est à ce moment que les palpitations se font sentir. La vue de l’étiquette vous rappelle que vous paierez entre deux et six fois ce qu’elle vaut au monopole du coin. Ensuite, le vin coule dans le verre, la plupart du temps pas assez longtemps pour qu’il y ait une bonne quantité pour goûter (une once n’est pas assez). C’est là que ça se corse. Il semblerait que la présence, debout à ses côtés sinon derrière son épaule, du sommelier, ralentit sinon coupe toutes les passions. À cela s’ajoute la pression des convives qui épient tout signe de satisfaction.
Terminé le visuel, au rancard l’olfaction et au diable la dégustation. On porte le verre à ses lèvres et on avale avant d’acquiescer d’un bref et faible OK. Diantre! S’il vous plaît, laissez une chance au serveur. Votre appréciation n’aura duré qu’une seconde, au plus deux.
Sachez que le serveur ne regarde pas son client. Il analyse sa section. Il manque de pain à la table numéro deux. L’hôte vient tout juste d’asseoir un couple à la table trois que, déjà, la dame requiert son attention. Les potages sont terminés à la table quatre alors que le vin manque dans les verres de la table cinq. Le serveur s’organise.
Déguster le vin au restaurant ne demande que dix secondes. Avez-vous d’ailleurs remarqué que la seconde gorgée de la journée diffère de la première? En effet, le vin, avec la bière, est la boisson la plus acide. La première gorgée permet de mettre le palais à niveau parce que l’acidité frappe toujours avec un mordant certain d’autant plus si le vin est très froid ou moindrement tannique.
Donc une première gorgée de vin tournoyé dans la bouche prépare celle-ci à une appréciation totale du vin lors de la seconde prise. On ne juge jamais un vin par la première gorgée à moins qu’un autre vin ait été bu précédemment.