Le Congrès mondial acadien est-il le plus grand événement de la francophonie?

Congrès mondial acadien
Le 15 août 2018, des milliers d’Acadiens se sont réunis à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, pour célébrer la fête de l’Acadie. Cette année, le rendez-vous est dans les régions d’Argyle et Clare, en Nouvelle-Écosse. Photo: Jean-Marc Doiron, Acadie Nouvelle
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Publié 11/05/2024 par Marianne Dépelteau

Du 10 au 18 août, le Congrès mondial acadien (CMA) rassemblera la diaspora acadienne en Nouvelle-Écosse. Les festivités et les réflexions importantes attireront des milliers de participants, mais elles provoquent aussi un débat chez les Acadiens.

Cette édition du CMA aura lieu dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, dans les régions de Clare et d’Argyle, qui ont accueilli une population importante d’Acadiens à la suite de la Déportation. De nombreuses institutions et des organismes francophones y ont depuis vu le jour.

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Allister Surette. Photo: courtoisie

On y trouve entre autres l’Université Sainte-Anne, dont le recteur et vice-chancelier sortant, Allister Surette, préside le comité exécutif du CMA. C’est un retour pour celui qui a été fondateur et président du comité organisateur du CMA de 2004.

«Le Congrès est une bonne plateforme pour renouveler, si on veut, la fierté de notre population, les Acadiens, les francophones de la Nouvelle-Écosse, mais aussi d’augmenter l’intérêt de notre communauté auprès des gouvernements provincial, municipal et fédéral, parce que les trois paliers de gouvernement sont bien engagés financièrement et autrement», dit-il.

Le plus grand événement de la francophonie?

«J’oserais croire que oui», répond Allister Surette. «On se prépare pour environ 30 000 personnes au cours des neuf jours.»

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Plus de 50 familles acadiennes seront réunies avec chacune son activité spéciale. S’ajoutent à cela les activités principales organisées par le CMA et les spectacles annoncés, ce qui soulignent l’ampleur de cette rencontre.

«On a le festival d’ouverture, qui va être sur le campus principal de l’Université Saint-Anne dans la région de la Baie Sainte-Marie de Clare et là on aura des artistes comme le P’tit Belliveau, les Hay Babies…», annonce le président. «Un des gros spectacles qui est toujours central des congrès mondiaux, c’est celui de la fête nationale de l’Acadie, le 15 août.»

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Originaire de Clare, en Nouvelle-Écosse, l’auteur-compositeur-interprète P’tit Belliveau a signé un nouvel album cette année. Il sera de la fête au Congrès mondial acadien. Photo: courtoisie

À l’affiche de ce spectacle, on retrouve Zacharie Richard, Lisa LeBlanc, Édith Butler et les Salebarbes.

«J’ai hâte de rassembler cette communauté fière et de partager l’Acadie de la Nouvelle-Écosse avec d’autres», se réjouit le ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie de la Nouvelle-Écosse, Colton Leblanc.

Celui-ci, qui porte aussi le chapeau de coprésident du Conseil des ministres de la Francophonie canadienne, est impressionné par le nombre de visiteurs attendus.

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En Nouvelle-Écosse, en 2021, 26 775 personnes avaient le français comme première langue officielle parlée, selon Statistique Canada. Le nombre de visiteurs au CMA, estimé à 30 000, est donc considérable pour les Acadiens et francophones de la province.

«À la fin du congrès, quand tout le monde retourne chez eux, ailleurs au Canada ou dans le monde, le sentiment du congrès va rester avec eux pour le reste de leur vie», espère le ministre.

Congrès mondial acadien
Le ministre Colton LeBlanc a confirmé qu’il sera présent au CMA 2024. Photo: courtoisie

Faire le point

Le CMA est aussi l’occasion de réfléchir à l’Acadie d’aujourd’hui, notamment au travers des états généraux préparés par la Société nationale de l’Acadie (SNA).

«Dans les derniers congrès, on appelait ça surtout des conférences académiques. Ce congrès-ci, c’est la première fois qu’on appelle ça des états généraux», explique Allister Surette.

Les derniers chiffres sur la langue française au Canada, basés sur le recensement de 2021, exposent un déclin du poids démographique des francophones. Cette question fera d’ailleurs partie des états généraux.

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Éric Forgues
Eric Forgues. Photo: courtoisie

«On va parler aux académiques pour parler de structures de l’Acadie. Donc, non seulement le déclin de la langue française, mais tous les autres défis auxquels font face surtout les régions en situation minoritaire», indique le président du CMA.

Selon Eric Forgues, directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, le CMA «donne une permission de vraiment afficher sa fierté identitaire».

Mais c’est aussi une occasion de se projeter dans l’avenir. «Que peut-on faire en Atlantique, dans les provinces, pour participer à l’effort fait à l’échelle pancanadienne de renverser les tendances démographiques? Ça prend une bonne discussion et une bonne réflexion», indique le sociologue.

Faire la fête, aussi

Eric Forgues soulève qu’il existe un débat entre les participants du CMA: réfléchir à l’Acadie ou faire la fête? «Certains disent que c’est devenu une grande fête plus qu’un événement politique, note-t-il. [Si c’était] surtout des moments de réflexion sur différents enjeux, je ne suis pas sûr que l’on arriverait à faire venir des gens de la Louisiane, du Maine ou d’Europe.»

Les différentes diasporas font d’ailleurs autant partie de la fête que de la réflexion.

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«Dans un contexte où il y a eu la Déportation, on dirait qu’on a senti le besoin de se réunir», explique-t-il. «C’est un petit peu comme pour refaire ou défaire l’histoire, pour essayer de retisser des liens qui ont été défaits par l’armée britannique, par la couronne britannique.»

Le chercheur se demande d’ailleurs comment les diasporas acadiennes de l’extérieur du Canada peuvent participer au projet de l’Acadie. «Une bonne partie de la diaspora a perdu le français», rappelle-t-il. «Si on veut définir un projet pour l’Acadie qui inclut la diaspora, il faut déjà faire une discussion sur la langue de ce projet-là.»

Les legs du CMA

Présenter la culture et le patrimoine acadien du coin d’Argyle et de Clare est un objectif du CMA 2024, «mais aussi montrer qu’on est prêts pour le futur», ajoute Allister Surette.

Au fil des éditions, le CMA laisse des legs dans ses régions hôtes. «Ça peut être de l’infrastructure ou des services qui restent par après, explique le président. Par exemple, afficher avec des gros panneaux sur les routes que ce sont des régions acadiennes.»

Ce genre de trace reste important pour les régions acadiennes qui sont géographiquement dispersées. «C’est pour surtout augmenter la visibilité des régions acadiennes de la province.»

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Les legs peuvent aussi être institutionnels. «En 2004, se souvient le président, on a utilisé le Congrès mondial pour préparer avec le gouvernement la Loi sur les services en français [de la Nouvelle-Écosse].» Une loi qui, 20 ans plus tard, a besoin d’être modernisée, croit-il.

Eric Forgues partage cette opinion. «Je ne sais pas du tout ce qui se discute, mais ça serait l’occasion de moderniser et peut-être la renforcer. Les gouvernements aiment ça faire des annonces positives vis-à-vis de la francophonie ou l’Acadie dans le contexte du CMA. Habituellement, il y a toujours une petite surprise.»

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