Le Caravage au Musée des beaux-arts à Ottawa

Une grande première au pays

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Publié 12/07/2011 par Gabriel Racle

Le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa réalise un événement majeur avec l’exposition Caravaggio et les peintres caravagesques à Rome, qui permet pour la première fois de voir au Canada des tableaux du Caravage, ce révolutionnaire peintre italien des XVI-XVIIe siècles. C’est assez dire le caractère unique de cette exposition.

Dans sa vie tumultueuse, dont nous avons brièvement rendu compte dans notre article consacré au 400e anniversaire de sa mort à l’âge de 38 ans, le 18 juillet 1610, Le Caravage semble s’être affranchi de bien des règles de la société de l’époque. Et il en va de même pour sa peinture.

Comme le constate, dans sa Vie du Caravage, le critique d’art Giovanni Bellori (1613-1696): «Alors commença l’imitation des choses viles, la recherche de la réalité et de la difformité… Puisque le Caravage avait rabaissé la majesté de l’art, chacun prit des libertés avec lui, et il s’ensuivit le mépris pour les belles choses et pour l’autorité de l’antique et de Raphaël.» 

Le Musée des beaux-arts en donne cette présentation: «Dynamique, éloquent et d’une stupéfiante originalité, Michelangelo Merisi da Caravaggio crée des œuvres où s’estompe la démarcation entre sacré et profane. Il sera l’un des artistes les plus novateurs de l’histoire de l’art occidentale, introduisant de nouvelles techniques, dont les jeux d’ombre et de lumière (clair-obscur) afin d’accentuer l’effet dramatique de ses compositions.»

Son influence

L’exposition permet d’apprécier son influence, que déplore Bellori, sur l’univers artistique, sur des artistes d’Italie et d’Europe, comme Valentin de Boulogne, Gerrit van Honthorst, Simon Vouet, Pierre-Paul Rubens, Georges de la Tour et d’autres. La présentation thématique – scènes musicales, diseuses de bonne aventure et tricheurs, saints et sujets religieux – regroupe les saisissantes compositions du maître et celles des peintres, les Caravagesques, qu’il a inspirés.

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On peut ainsi faire des comparaisons directes, et suivre aussi l’évolution du Caravage lui-même. En s’affranchissant des règles classiques, Le Caravage crée une nouvelle tradition picturale. Bellori l’avait aussi noté: «Après avoir été doux et fait de peu de teintes dans ses premières œuvres, il est devenu un coloris tout dru d’ombres vigoureuses, avec des noirs abondants pour donner du relief aux corps.»

Le Caravage a inventé la priorité de la lumière sur la glorification de l’homme voulue par la Renaissance. En créant le clair-obscur, il révolutionne l’art de peindre, une révolution que nombre d’artistes suivront, et que cette exposition unique nous permet d’entrevoir dans les milieux romains.

Un livre d’art

L’exposition s’accompagne de la publication d’un précieux ouvrage d’art, un souvenir à garder de sa visite, un outil d’étude de la peinture caravagesque, avant ou après la visite, ou un substitut à une visite que l’on n’a pu faire avant le 11 septembre 2011, date de sa clôture.

Car si cette exposition historique met en lumière de nouvelles découvertes en art et présente des œuvres rarement montrées, comme un Saint Augustin, perdu depuis le XIXe siècle, le 58 œuvres de plus de 30 artistes, dont 12 du Caravage, se retrouvent dans Caravaggio et les peintres caravagesques à Rome, 334 p., avec ses très nombreuses reproductions en couleur.

On y trouve des tableaux célèbres, agrémentés de commentaires pertinents, qui contribuent à en saisir le sens et la valeur: Les musiciens (v. 1595), dont une étonnante lumière éclaire les visages, l’étrange Garçon mordu par un lézard (1594-96), La diseuse de bonne aventure (v. 1595), qui illustre la couverture du catalogue, Les tricheurs (v. 1595), un des tableaux qui a le plus suscité de copies et de variantes.

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Des essais

Toute cette partie catalogue de l’exposition (p. 124 et ss) est précédée par plusieurs essais rédigés par des spécialistes, qui apportent un éclairage supplémentaire à l’exposition proprement dite. David Franklin brosse un tableau de «La carrière publique de Caravaggio», suivi par S. Schütze, «Le caravagisme en Europe».

Ces deux textes se complètent – «Dans la foulé de sa mort (du Caravaggio), de nombreux disciples et imitateurs répondront bientôt à la demande du marché de l’art pour des tableaux à sa manière, un mouvement qui a inspiré la thématique de cette exposition» – et en facilite la compréhension. Et l’essai de Schütze explique précisément cette remarque de Franklin.

Le premier photograph?

On peut rappeler cette question posée par le Guardian dans son édition du 11 mars 2009: «Was Caravaggio the first photographer?», en référence à cette technique de peinture qui explore le contraste entre la luminosité et la noirceur.

«En osant jouer sur la lumière pour accentuer le sens d’un tableau au détriment d’un certain réalisme, l’œuvre du Caravage a donné une grande impulsion à la peinture, une sorte de premier pas précoce vers les ruptures conceptuelles modernes dans l’art pictural, qui auront lieu plusieurs siècles après lui.» (WKP)

Car avec lui, «commence la peinture moderne», de dire André Berne-Joffroy dans Le dossier Caravage.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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