L’argent n’a pas d’odeur, mais il a une histoire

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Des billets de 25 $ ont été imprimés une seule fois, soit en 1935, à l’occasion de 25e anniversaire du couronnement du roi George V. Exceptionnellement, deux versions distinctes, en français et en anglais, ont été fabriquées. Photo: Bank of Canada – Banque du Canada – Flickr
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Publié 13/04/2024 par Marc Poirier

L’argent, tout le monde en veut. Enfin presque tout le monde. Certains croient qu’il suffirait d’en fabriquer plus afin d’enrayer la pauvreté. Fabriquer de l’argent? Mais on le fait depuis 2 600 ans. Crésus, le premier. Et n’était-il pas riche… comme Crésus?

Crésus était le dernier roi de Lydie, un royaume situé dans la Turquie d’aujourd’hui. On lui attribue en effet les premières frappes de monnaie. À moins que ce soit attribuable à son prédécesseur… ou encore à d’autres avant eux. Souvent, l’Histoire nous dit tout et son contraire.

Quoi qu’il en soit, l’argent (en pièces) a commencé à se répandre et à être échangé contre des marchandises, comme du bétail ou des céréales, en remplacement du troc traditionnel.

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L’une des plus vieilles (vers 560-546 av. J.-C.) pièces de monnaie (en or) a été frappée par Crésus (qui, apparemment, était riche), roi de Lydie (dans la Turquie moderne). Tête de lion et de taureau. Photo: Wikimedia Commons, Attribution-Share Alike 3.0 Unported

Platon et Aristote

Évidemment, les Grecs ne vont pas tarder à réfléchir à cette nouvelle façon de faire.

Le philosophe Platon y voit un symbole de cohésion dans la cité, pourvu que les commerçants fassent preuve de modération dans leurs désirs de gains. Son disciple Aristote dira que la monnaie est un objet social, utile pour satisfaire des besoins et non pour faire des profits. Ils étaient meilleurs philosophes que devins.

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Diogène, un autre philosophe, mais d’un tout autre genre, voit l’argent comme un élément contre nature, le symbole des institutions de la cité qui écarte les hommes du bonheur.

Il faut dire que Diogène était opposé aux lois et à presque tout ce qui lui venait à l’idée. Ironiquement, son père était banquier et avait été accusé de fabriquer de la fausse… monnaie.

La moneta romaine

Les Romains ont eu un gros mot – littéralement – à dire sur cet outil d’échange, car ils sont à l’origine du mot monnaie.

Au IIIe siècle av. J.-C., la République romaine commence à frapper des pièces en argent dans une annexe du temple de Junon Moneta (en latin: Monetae, «qui avertit»). Junon était la sœur du dieu Jupiter (l’équivalant du Zeus grec).

Alors que les Romains prennent de l’expansion autour de la mer Méditerranée, leur monnaie se répand aussi, sous la forme de sesterces ou de deniers. Moneta deviendra ainsi le mot général pour dire «monnaie» et sera adopté avec certaines variantes dans plusieurs langues européennes.

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Du sesterce à la piastre

Au cours des siècles, la monnaie évolue: aux pièces en métal s’ajoute le papier-monnaie. Bien avant tout le monde, ce sont les Chinois qui conçoivent et adoptent ce genre de monnaie, qui n’est pas tout à fait du papier, mais de l’écorce de mûrier transformée en feuilles minces.

Le grand voyageur Marco Polo sera d’ailleurs fasciné par cette invention et en fera les louanges dans ses écrits.

Dans les années 1660, la Suède devient le premier pays d’Europe à faire usage du papier-monnaie; l’innovation ne se répand au reste du continent qu’au siècle suivant.

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La monnaie de carte était un genre de papier-monnaie en usage au cours des 100 dernières années de la Nouvelle-France. Photo: Henri Beau, Bibliothèque et Archives Canada/c017059k

Monnaie de carte en Nouvelle-France

À peu près au même moment, un genre de papier-monnaie fait son apparition en Nouvelle-France: la monnaie de carte.

On doit cette monnaie nouveau genre à l’intendant Jacques de Meulles, qui était confronté à une pénurie d’argent sous forme de pièces. La monnaie de carte était appelée ainsi parce qu’elle était faite à partir de cartes à jouer.

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Les autorités à Paris s’opposent vivement à cette pratique et cette monnaie est retirée de la circulation. Mais la situation monétaire se détériore et Québec réémet des cartes. Avec quelques interruptions, la monnaie de carte restera en usage presque jusqu’à la conquête britannique de 1759.

Faire de la piasse

Les nouveaux dirigeants introduisent la livre anglaise, mais celle-ci a de la difficulté à s’imposer. D’autres monnaies circulent tout au cours de la première moitié du XIXe siècle, dont le dollar américain et la piastre espagnole.

Ah, la piastre! Si cette monnaie a disparu depuis longtemps, le mot, lui, subsiste au Canada francophone pour désigner familièrement notre bon vieux dollar.

D’ailleurs, au départ, le mot piastre était le véritable équivalent français du mot anglais dollar. Mais l’Académie française en a décidé autrement au XIXe siècle et le dollar a été accepté dans la langue de Molière.

Cela dit, piastre résiste encore et toujours à l’envahisseur et se prononce généralement piasse.

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Dans la première moitié du XVIIIe siècle, dans le Bas et le Haut-Canada, le mot piastre était l’équivalent en français de dollar. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Le dollar s’impose

Dans les années 1860, alors que les colonies britanniques du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve s’émancipent de plus en plus de Londres, elles commencent toutes à substituer leur propre monnaie à la livre britannique.

Cependant, le dollar canadien remplacera ces devises lors de l’entrée de ces provinces dans la Confédération canadienne.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la première pièce de monnaie canadienne mise en circulation n’a pas été le cent, mais le dix cents, en 1858, suivi du vingt-cinq cents en 1870. La «cenne noire» n’a été frappée qu’en 1920, suivie de la pièce de cinq-cents en 1922.

Le billet d’un dollar canadien est apparu en 1858, alors que les billets de deux, cinq, cinq-cents et mille dollars ont été imprimés pour la première fois en 1887. Le billet de vingt dollars s’est ajouté en 1934.

En 1935, la Banque centrale du Canada, créée cette même année, a imprimé exceptionnellement un billet de vingt-cinq dollars afin de souligner le 25e anniversaire du couronnement du roi George V. Deux versions distinctes en français et en anglais ont été émises.

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Nettoyage à la main d’une presse à billets de banque en 1955. Photo: Bibliothèque et Archives Canada/Fonds de l’Office national du film/e011176049

Espèces en voie de disparition?

Beaucoup d’encre – c’est le cas de le dire – a coulé depuis cette époque et l’avenir du papier-monnaie est aujourd’hui plus qu’incertain.

Chaque année, de moins en moins de transactions sont effectuées avec de l’argent comptant. Au Canada, entre 2017 et 2022, les paiements en argent comptant ont diminué de 41%.

Et il y a aussi tout le phénomène de la cryptomonnaie.

Il est aussi de plus en plus question de l’apparition d’un dollar numérique au Canada, comme l’ont déjà fait d’autres pays. Cette devise virtuelle pourrait être utilisée sans avoir de compte bancaire, mais son usage serait cependant parallèle à l’argent liquide.

On prédit depuis quelques années la fin de l’argent liquide. Mais l’annonce de la mort du dollar papier est largement exagérée. Pour l’instant.

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