L’architecture biophilique arrive à Toronto: on touche du bois…

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Le bois est à l'honneur dans la Galleria Italia de l'AGO, le musée des beaux-arts de l'Ontario, à Toronto. Photos: Nathalie Prézeau, l-express.ca
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Publié 04/12/2024 par Nathalie Prézeau

Les deux projets T3 (Timber, Transit, Technology) en cours en ce moment à Toronto sont précurseurs d’une approche plus en douceur des espaces dans lesquels nous travaillons, vivons et nous rencontrons. Il s’agit de l’architecture biophilique, particulièrement préoccupée d’intégrer la nature – notamment le bois – dans l’environnement urbain créé de la main de l’homme.

Du côté de Sterling Road

L’an dernier, les visiteurs du Museum of Contemporary Art (MOCA), rue Sterling, sentaient qu’il y avait quelque chose de différent sur le site de construction adjacent au musée. Les plus curieux ont remarqué sur les panneaux réclames du projet le mot timber, bien en valeur. Bois! C’était le bois qui faisait la différence!

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T3 Sterling Road près du MOCA.
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T3 Sterling Road.

Les Torontois sont familiers avec les structures d’acier gris érigées par les grues. Or, sur le site du projet T3 Sterling Road, c’était le caramel du bois qui prédominait; les charpentes d’acier remplacées par des poutres de bois d’oeuvre massif.

Ce que l’industrie de la construction appelle «bois massif» ou «bois de masse» est une nouvelle catégorie de produits composés de plusieurs panneaux de bois cloués ou collés ensemble. On entendra de plus en plus parler de CLT (Cross Laminated Timber) constitué de couches de bois collées perpendiculairement les unes aux autres, et de Glulam, fait de bois lamellé-collé.

Curieux MOCA

Les visiteurs de l’exposition courante du MOCA, Bring Your Curious (tenue jusqu’au 26 janvier), voudront pousser la curiosité en observant par les fenêtres les poutres du T3 noir faisant face aux immenses portes d’entrée de l’élégant musée.

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T3 Sterling Road est le premier projet de construction en bois massif au Canada. Il a été initié par la compagnie Hines, ce qui explique le nom du nouveau terrain de stationnement intérieur (Hines Parking Garage) aménagé sous le Tower Automotive Building de 1920 qui héberge le MOCA.

MOCA
Au MOCA, le musée d’art contemporain à Toronto.
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Limberlost Place.

Pas de langue de bois

La firme Hines gère un deuxième projet similaire à Toronto, T3 Bayside, non loin du bord de l’eau à l’Est du centre-ville. Tout près de là, le Collège George Brown termine la Limberlost Place, une addition à son Waterfront Campus.

Sa silhouette originale s’impose déjà dans cette nouvelle partie de la ville. Elle comprend une vaste fenestration et une forte concentration de poutres de bois exposées, dans la philosophie de l’architecture biophilique.

Ça bouge vite! En 2013, l’architecte canadien Michael Green (dont la firme a créé le premier projet T3 pour la firme Hines à Minneapolis) rêvait déjà dans son TED Talk d’une industrie plus écologique reconnaissant tous les bienfaits du bois massif.

De 12 à 18 étages

En juillet 2022, l’industrie de la construction ontarienne recevait le feu vert pour utiliser le bois massif dans la construction d’édifices de 12 étages. En avril 2024, l’Ontario étendait ce droit à des bâtiments de 18 étages.

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En 2020, le ministère des Ressources naturelles de l’Ontario a octroyé 5 millions $ à la compagnie Element 5, fondée par le Québécois Patrick Chouinard, pour développer une usine de bois massif à St. Thomas, la seule en Ontario. Des plans d’expansion de cette usine sont déjà en marche en 2024. La section Manufacturing sur leur site bilingue explique bien l’aspect technologique de ces nouveaux matériaux.

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T3 Sterling Road.
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Le lobby de l’hôtel Ace à Toronto.

Bénéfices économiques et écologiques

Les bénéfices économiques et écologiques des structures de bois massif sont désormais officiellement reconnus. Pour en apprendre davantage, on peut lire la Feuille de route sur le bois de masse sur le site bilingue très informatif de l’Association des produits forestiers du Canada. Selon l’Association, notre pays comprendrait 36% de la superficie forestière mondiale. L’essor de l’utilisation du bois massif demandera une gestion durable de nos forêts.

L’industrie de la construction a rapidement compris qu’étant de matière plus légère que l’acier, les poutres de bois massif coûtent moins cher à transporter, prennent moins de temps à assembler, et imposent moins de stress aux fondations.

De son côté, le grand public veut surtout savoir qu’elles sont aussi sécuritaires que l’acier contre les incendies… et bien meilleures pour le moral.

The Well
Le plafond du complexe The Well.
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L’atrium près du café De Mello dans le complexe The Well.

On ne veut pas sortir du bois!

La montée des structures de bois est le plus récent volet d’un mouvement biophilique qu’on pouvait déjà remarquer à Toronto depuis plusieurs années. On pense notamment à l’escalier emblématique revêtu de sapin de Douglas de l’architecte Frank Gehry au coeur du AGO et aux arches de bois de sa Galleria Italia.

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C’est une philosophie de conception inspirée de l’esthétique japonaise, popularisée par Stephen R. Kellert en 2008. Elle cherche à créer des espaces qui relient les gens à la nature grâce à un design intégrant formes, lumière et matériaux naturels. Lorsqu’elles sont exposées (intégrées dans le design sans être cachées), les poutres de bois massif permettent d’intégrer facilement du bois dans un aménagement intérieur.

Imen Ben Jemia, prof UOF
Imen Ben Jemia, prof à l’UOF. Photo: courtoisie

Imen Ben Jemia, professeure adjointe en environnements urbains à l’Université de l’Ontario français, confirme: «dans un contexte de lutte contre les changements climatiques, l’intégration de la nature à l’architecture est une approche de plus en plus préconisée dans les projets contemporains à l’échelle nationale et internationale».

«Autant l’usage des matériaux naturels que l’installation de façades et de toits de verdure, ces choix architecturaux contribuent grandement à la qualité de vie des citoyens. La verticalité et la densification des villes n’empêchent pas la relation étroite avec les éléments naturels bénéfiques à la santé urbaine.»

La biophilie fait des heureux

Plusieurs recherches se penchant sur l’impact psychologique de la biophilie sur l’être humain constatent qu’elle réduit le stress et améliore l’humeur et les fonctions cognitives dans le milieu de travail. C’est ce que conclut, par exemple, l’étude Workplaces: Wellness + Wood = Productivity réalisée en 2018 sur 1 000 travailleurs australiens.

L’impression apaisante qui se dégage des designs ainsi conçus viendrait-elle justement de l’approche plus douce de l’architecture biophilique? Marc LeMyre, psychothérapeute à Toronto, remarque: «L’écoute multidisciplinaire peut, et doit, jouer un rôle très important. À mon sens, il ne s’agit pas d’imposer notre capacité de construire sur l’environnement, mais de créer une forme de synergie avec lui.»

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Marc LeMyre
Le psychothérapeuthe Marc LeMyre dans son bureau de Wychwood Barns.

Beaux exemples

Voici d’autres beaux exemples de concepts biophiliques qu’on peut admirer à Toronto:

le puit de lumière du complexe commercial The Well (486 rue Front Ouest);

l’atrium adjacent au café De Mello (8 avenue Spadina);

le restaurant Kost au 44e étage de l’hôtel Bisha (80 Blue Jays Way);

le lounge du 1 Hotel Toronto (550 rue Wellington Ouest);

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Sud Forno (angle Temperance et Yonge);

et le tout nouveau restaurant Simona en bordure de la Water’s Edge Promenade (59 Merchants’ Wharf).

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Le restaurant Kost au dernier étage de l’hôtel Bisha.
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Le lounge du 1 Hotel Toronto.
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Le restaurant Sud Forno, rue Temperance au centre-ville de Toronto.
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Le restaurant Simona et sa vue sur le lac Ontario.

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