Langues officielles: les organismes francophones mis à genoux à chaque Plan d’action

Plan d'action langues officielles
Des organismes nationaux pâtissent du retard à adopter le Plan d'action sur les langues officielles.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 16/03/2023 par Inès Lombardo

Suppression de postes, stress, instabilité… Tous les cinq ans, c’est le même refrain: l’attente liée au prochain Plan d’action pour les langues officielles met les organismes francophones dans le flou financier.

L’incertitude qui entoure le prochain Plan d’action pour les langues officielles plonge une grande partie des organismes francophones dans le flou. Un flou qui a notamment coûté deux postes à la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

«Devant l’incertitude du Plan qui va être annoncé et s’il y a des sommes supplémentaires ou non, j’ai dû abolir ces postes dans mon équipe dès le 1er avril», lâche Marie-Christine Morin, directrice générale de la FCCF. «Je n’ai pas de fonds d’opération pour les payer. Qui sait si je vais pouvoir les réembaucher?»

Marie-Christine Morin. Photo: Marianne Duval, FCCF

Le Plan en cours (2018-2023) expire le 31 mars 2023.

Les deux derniers plans d’action ont été adoptés les 28 mars 2013 et 2018. Avant cela, la première reconduction du Plan avait été faite en 2008. La feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 avait été déposée en juin 2008, alors que le budget avait été déposé le 26 février.

Publicité

«Retard» du Plan

«Je pense qu’on peut dire que le Plan d’action est en retard dans la mesure où nous n’avons pas d’assurance quant aux investissements disponibles et accessibles au début de notre année financière», ajoute la directrice.

«Sans confirmation de financement, c’est difficile de mettre quoi que ce soit en branle de notre côté et d’assurer une continuité de nos activités et services.»

La FCCF demande 72 millions $ pour l’ensemble de son réseau, à travers neuf initiatives que l’organisme considère comme essentielles au redressement culturel.

Selon Marie-Christine Morin, s’il n’y a pas de financement supplémentaire, même un maintien des finances ne suffira pas, à cause des hausses de coût dues en grande partie à la pandémie.

«S’il n’y a aucune bonification, on va devoir faire avec moins», déplore-t-elle. Autrement dit, perdre deux analystes politiques en poste qui suivent les dossiers politiques d’intérêt pour la FCCF.

Publicité

Bris de service

Même constat du côté de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), qui a supprimé un poste. «Nous étions dans l’impossibilité de confirmer la poursuite du financement», justifie la présidente Marguerite Tölgyesi.

Palmarès Francopresse personnalités 2022
Marguerite Tölgyesi. Photo: Guillaume Riocreux

Cette dernière explique également que les membres de l’organisme font face à des bris de service. «On ne sait pas si la programmation va continuer.»

La direction d’un de ses membres, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick (FJFNB), confirme par exemple que le programme de français «Dépasse-toi» a été reconduit jusqu’en juin. Mais après cette date, le flou persiste.

«C’est embêtant, dans un contexte où le Nouveau-Brunswick doit affirmer sa francophonie encore un peu plus fort aujourd’hui», signale Valérie Levesque, directrice générale par intérim de la FJFNB, en référence aux différentes actions du gouvernement Higgs envers les francophones.

Difficultés de la rétention d’emploi

La directrice générale de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) souligne de son côté le défi de la rétention, autre enjeu lié à ce contexte d’incertitude. «On n’en veut pas aux employés qui s’en vont vers d’autres emplois, on comprend», fait valoir Soukaina Boutiyeb.

Publicité
Soukaina Boutiyeb. Photo : Courtoisie AFFC

Elle demande à Patrimoine canadien un financement «adéquat». Ce qui signifie payer «au moins» les ressources humaines, les loyers des bureaux… «Car certains travaillent dans des sous-sols», affirme la directrice.

Elle demande aussi un financement indexé sur l’inflation postpandémie.

Soukaina Boutiyeb en profite aussi pour glisser qu’il manquait la lentille des femmes francophones dans le dernier Plan, ce qui a empêché le financement de plusieurs de ses organismes membres. «Vous pouvez faire la recherche du mot “femme” dans le document. Il n’y a rien. Nous nous sommes senties totalement oubliées.»

Un processus parlementaire insécurisant

Dans une déclaration envoyée par courriel à Francopresse, le cabinet de la ministre Ginette Petitpas Taylor rappelle que les sommes inscrites dans le prochain Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 dépendent du budget fédéral 2023, qui sera dévoilé le 28 mars prochain.

«Cela découle du processus parlementaire normal, et c’est pour cette raison qu’aucun détail ne peut être divulgué pour le moment», fait valoir le cabinet de la ministre des Langues officielles.

Publicité

«Toutefois, il est important de noter que les sommes qui ont été attribuées lors du dernier Plan d’action sont permanentes et Patrimoine canadien travaille de près avec les organismes sur le terrain pour s’assurer qu’il n’y a pas de bris de service pour ceux et celles qui reçoivent du financement de la part du ministère de Patrimoine canadien.»

petites universités, UOF
La ministre fédérale des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor. Photo: UOF

«On comprend certainement le cycle budgétaire», renchérit Marie-Christine Morin. «Mais la francophonie a besoin d’être appuyée au-delà des fins d’années financières incertaines pour se développer.»

«C’est comme ça à chaque plan d’action, le système est fait comme ça», commente Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA).

«Ça fait longtemps que ça a été identifié comme un problème systémique. Ce n’est pas rare, mais c’est très insécurisant pour les organismes. C’est encore plus présent à la fin d’un plan et au début d’un autre.»

Un «pont» pour une meilleure transition entre deux plans d’action

La FCFA a relayé ces préoccupations à Patrimoine canadien. Liane Roy tempère toutefois, affirmant que le gouvernement veille à chaque Plan à mettre en place un «pont», une transition entre deux Plans.

Publicité

«Si je me fie aux autres années, ce pont signifie que le gouvernement fédéral reconduit la dernière année du Plan d’action actuel ou reconduit un certain montant pour une partie de l’année et bonifie ensuite, une fois que les budgets ont été entérinés», détaille Liane Roy.

Forum des leaders, FCFA
Liane Roy. Photo: archives l-express.ca

En outre, tous les organismes nuancent et s’accordent pour dire que la ministre des Langues officielles a été à l’écoute et que le souci du manque d’information et de financement a été soulevé lors des consultations pancanadiennes, qui ont servi à la ministre pour rédiger le Plan d’action 2023-2028.

«Il y a beaucoup d’empathie de la part du bureau de la ministre et beaucoup d’impatience chez eux aussi», assure Marguerite Tölgyesi, de la FJFC.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur