Langues officielles: des modifications en faveur des francophones minoritaires abandonnées

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La réforme de la Loi sur les langues officielles est détricotée en comité parlementaire. Photo: archives l-express.ca
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Publié 24/02/2023 par Inès Lombardo

D’importantes modifications pour les francophones ont été rejetées dans l’étude du projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Des représentants de tous les partis ont eu leur mot à dire depuis le début de l’étude du projet de loi C-13 au Comité permanent des langues officielles. Francopresse passe en revue des amendements rejetés par les membres du comité.

Rejet de l’obligation de comprendre le français pour les dirigeants de grandes entreprises

Le Bloc québécois a proposé un amendement qui permettait aux administrateurs ou «tout autre responsable administratif de l’institution fédérale», ainsi que les premiers dirigeants de grandes entreprises assujettis à la Loi sur les langues officielles de comprendre le français au moment de leur nomination.

«C’est pour éviter les choses que nous voyons comme le cas du CN qui n’avait aucun administrateur francophone», a expliqué Mario Beaulieu, au Comité permanent des langues officielles du 14 février.

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Le bloquiste Mario Beaulieu.

«Cela deviendrait une obligation qui limiterait» le choix des administrateurs d’entreprises privées assujetties à la Loi, «en termes de nomination d’un candidat bilingue», a fait valoir Julie Boyer, une fonctionnaire de Patrimoine canadien interrogée par les libéraux.

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La néo-démocrate Niki Ashton s’est agacée, indiquant que c’était un «scandale» que les dirigeants d’Air Canada ou du CN ne parlent pas le français, et que c’était une «erreur» de privatiser ces entreprises.

Les libéraux et les conservateurs, unis cette fois-ci, ont rejeté l’amendement, contrairement au Bloc québécois et au NPD.

Assurer un accès à la justice pour les francophones

L’article 20 de la Loi sur les langues officielles mentionne que les décisions des tribunaux fédéraux doivent être mises à la disposition du public dans les deux langues officielles, sous certaines conditions, et sans invalider les décisions rendues dans une seule langue officielle.

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La néo-démocrate Niki Ashton.

Dans un amendement rejeté, le Bloc québécois réclamait que les jugements des causes francophones soient rendus disponibles dans leur langue partout au pays, et ce, même si cette obligation cause des retards dans leur publication.

«L’objectif est que les justiciables francophones aient accès au corps de jurisprudence, pas seulement à ceux qui traitent de cas en français, comme c’est le cas en ce moment», a-t-il exposé.

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Malgré l’appui des conservateurs, le NPD et les libéraux ont rejeté la proposition.

Des amendements en perte de valeur

Les débats autour des amendements amènent parfois des modifications importantes aux intentions initiales.

Joël Godin
Le conservateur Joël Godin.

Le 17 février, le conservateur Joël Godin a proposé un amendement pour obliger le gouvernement fédéral à dénombrer les ayants droit plutôt qu’estimer leur nombre.

En cours de débat, sur recommandation de hauts fonctionnaires, le libéral Marc Serré a proposé le sous-amendement d’«estimer avec les outils nécessaires» le nombre d’ayants droit, ne forçant plus le fédéral à fournir des chiffres exacts.

«Les minorités francophones vont perdre parce que ce ne sera pas une surestimation, mais une sous-estimation [du nombre d’ayants droit]» a déclaré le député Godin, irrité.

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Une situation similaire s’est produite quelques jours plus tôt. Le 10 février, les conservateurs ont proposé que les services dans les deux langues officielles soient garantis lorsque le gouvernement faisait appel à des tiers dans la prestation de services.

C’est un sous-amendement néo-démocrate qui a été adopté limitant cette obligation aux tiers privés et aux municipalités. Les provinces et les territoires offrant des services au nom du gouvernement fédéral ne sont donc pas dans l’obligation d’offrir les services dans les deux langues officielles.

Une décision qui déplaît notamment à la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), qui se bat en cours contre le fédéral depuis dix ans pour que les provinces et les territoires soient soumis à cette obligation.

Rejet de la définition de «minorité francophone»

Le 7 février, une définition de «minorité francophone» proposée par les conservateurs, dans le préambule du projet de loi, a été défaite par les trois autres partis.

Dix jours plus tard, dans un article du projet de loi, le Parti conservateur a proposé à nouveau que le gouvernement soit tenu de «favoriser et protéger» les minorités francophones du Canada, de «promouvoir le français», ainsi que «la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais».

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Selon les fonctionnaires de Patrimoine canadien et du Conseil du Trésor, bien qu’il n’y ait pas de définition formelle du mot «minoritaire» dans la Loi sur les langues officielles de 1988, la modification des conservateurs n’était pas nécessaire.

«On n’a pas besoin de définir davantage ces notions, elles sont ancrées dans notre réalité quotidienne au Canada», a justifié Warren J. Newman, du ministère de la Justice.

«C’est comme sous-entendu que la minorité anglophone veut dire au Québec et la minorité francophone est hors Québec», a précisé Marcel Fallu, de Patrimoine canadien.

Le Bloc québécois souhaitait aussi faire reconnaître la protection du français au Québec. La proposition a été rejetée par les membres libéraux et néo-démocrates du Comité.

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La ministre Ginette Petitpas Taylor a présenté son projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles à Grand Pré, devant la statue de l’héroïne acadienne Évangéline, le 1er mars 2022. Photo: CPAC.

Situation spécifique de la langue française au Québec

Le Parti conservateur du Canada et le Bloc québécois ont successivement échoué dans leurs tentatives de faire adopter une mention à la spécificité de la langue française au Québec, «vu l’usage prédominant de l’anglais dans le pays», selon leurs amendements.

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Les deux partis ont avancé que si cette particularité était prise en compte dans la Loi sur les langues officielles modernisée, que cela aiderait à prendre en compte la situation des francophones en situation minoritaire.

Un argument rejeté par les fonctionnaires présents, qui ont expliqué que la modification pourrait nuire à l’égalité réelle entre l’anglais et le français.

Selon Carsten Quell, directeur général du Centre d’excellence en langues officielles: «Ceci pourrait amener à se questionner à savoir si une école minoritaire anglophone se verrait avoir moins de services fédéraux autour de celle-ci qu’une école minoritaire francophone. Donc, c’est le type de questions qu’il faudrait se poser si on adopte cette disposition.»

Un amendement sur la représentativité du français à l’étranger rejeté

Selon le Bloc québécois, les services en français dans les institutions canadiennes à l’étranger devraient être assurés par la Loi sur les langues officielles.

«C’est nécessaire pour éviter que des francophones à l’étranger qui veulent interagir avec les institutions fédérales canadiennes en mission externe ne soient découragés [par] une barrière linguistique», a fait valoir Mario Beaulieu, qui a présenté l’amendement.

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Aucun argument n’a été présenté contre, mais tous les partis l’ont rejeté.

Depuis le 13 décembre, sept séances du comité permanent des langues officielles ont été consacrées à l’étude du projet de loi C-13 article par article. Vingt articles sur 71 ont été adoptés.

Jusqu’à présent, 44 amendements proposés ont été débattus en comité sur plus de 200. Les membres du Comité permanent des langues officielles reprendront les travaux le 7 mars.

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