Un «doigt d’honneur» aux francophones: Blaine Higgs doit partir

Blaine Higgs, le premier ministre du Nouveau-Brunswick.
Blaine Higgs, le premier ministre du Nouveau-Brunswick. Photo: archives Acadie Nouvelle
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Publié 26/10/2022 par Guillaume Deschênes-Thériault

La politique provinciale au Nouveau-Brunswick a atteint un point de non-retour. La nomination au cabinet ce mois-ci de l’ancien chef du parti de la People’s Alliance, Kris Austin, connu pour son aversion à l’égard du bilinguisme et des droits linguistiques, est un affront majeur de la part du premier ministre Blaine Higgs à l’égard des francophones.

Le désintérêt, voire l’hostilité, de Blaine Higgs à l’égard des langues officielles ne date pas d’hier.

En 1985, alors qu’il était au début de la trentaine, il a soumis un mémoire écrit à la main au Comité consultatif sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick dans lequel il soutenait que nous devrions «nous éloigner des fantaisies irréalistes des droits linguistiques dans tous les secteurs».

Il suggérait aussi la tenue d’un référendum pour répondre à la question «Le Nouveau-Brunswick devrait-il avoir une seule langue officielle et cette langue devrait-elle être l’anglais?».

À la fin des années 1980, il pousse son militantisme anti-bilinguisme plus loin en se présentant, sans succès, à la chefferie de l’ancien parti Confederation of Regions (CoR). Ce parti souhaitait notamment l’abolition de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick de 1969.

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Promesse rompue et collaboration avec la People’s Alliance

Après sa retraite de la société pétrolière Irving Oil en 2010, Blaine Higgs se lance en politique provinciale. En octobre 2016, il devient chef du Parti progressiste-conservateur.

Il s’engage alors à apprendre le français avant l’élection générale de l’automne 2018. Il ne tient pas parole et a confirmé cette année ne plus suivre de cours pour tenter de s’améliorer.

Avant même d’être élu à la tête de la province, son unilinguisme a contribué à marginaliser le français au Nouveau-Brunswick. Son incapacité à débattre en français a mené à l’annulation du débat des chefs à Radio-Canada Acadie.

Dirigeant un gouvernement minoritaire lors de son premier mandat, le premier ministre travaille main dans la main avec Kris Austin, alors chef de la People’s Alliance.

Dans les premières semaines de son mandat, M. Higgs fait d’ailleurs une annonce conjointe avec M. Austin concernant la réduction des exigences linguistiques à Ambulance Nouveau-Brunswick, dossier sur lequel le premier ministre reculera quelques semaines plus tard.

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Dans cette affaire, les dirigeants d’Ambulance Nouveau-Brunswick avaient démenti les affirmations mensongères de MM. Higgs et Austin selon lesquelles des ambulances avaient été mises hors service en raison d’exigences linguistiques.

Le gouvernement Higgs s’est aussi traîné les pieds dans le dossier de l’accréditation des infirmières francophones. Déjà en 2018, le Commissariat aux langues officielles publiait un rapport montrant que l’examen d’admission utilisé par l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick «défavorise nettement les candidats francophones». Pourtant, il a fallu attendre 2022 avant que le gouvernement agisse enfin.

Rappelons aussi l’entêtement de M. Higgs à refuser de nommer un porte-parole francophone lors des points presse durant la pandémie de covid. Pour lui, l’interprétation simultanée est un accommodement suffisant pour les francophones.

Une campagne en 2020 sous le signe de la continuité

Durant la campagne électorale de 2020, Blaine Higgs n’a pas rejeté d’emblée une proposition mise d’avant par la People’s Alliance visant à réviser à la baisse les exigences linguistiques au sein de la fonction publique.

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick qualifie alors cette position comme une «une forme de sous-discours destiné à attirer vers son parti une frange anti-francophone de la population néo-brunswickoise».

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Malgré l’obtention d’un mandat majoritaire, les troupes de Blaine Higgs font chou blanc dans les circonscriptions à majorité francophone.

Au lieu d’entamer un réel exercice d’auto-réflexion sur son échec à percer dans les régions francophones, M. Higgs a plutôt suggéré que les électeurs de circonscriptions dans le nord de la province voteraient pour un «abat-jour» s’il était libéral.

Pourtant, sous le leadership de ses prédécesseurs, dont David Alward, Bernard Lord et Richard Hatfield, de nombreux progressistes-conservateurs ont été élus dans les régions francophones de la province. Le problème semble plutôt être le chef actuel.

Le second mandat de son gouvernement est marqué par une inaction dans le dossier de la révision de la loi provinciale sur les langues officielles.

Plus de dix mois après le dépôt du rapport des deux commissaires chargés de la révision de la loi, Blaine Higgs n’y a toujours pas réagi. Il s’était pourtant engagé à le faire avant la fin juin.

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Dans sa fracassante lettre de démission du 13 octobre dernier, l’ex-ministre Dominic Cardy qualifie d’embarrassantes «les excuses interminables» pour ne pas répondre à ce rapport.

Un «doigt d’honneur» aux Acadiens

En mars 2022, les deux seuls députés alliancistes – Kris Austin et Michelle Conroy – quittent leur parti pour se joindre aux progressistes-conservateurs et sont accueillis à bras ouverts par le premier ministre.

Ces deux transfuges avaient jusqu’alors fait des enjeux linguistiques leur principal cheval de bataille, ayant notamment prôné l’abolition du Commissariat aux langues officielles et la fin de la dualité linguistique en santé.

À ce sujet, M. Austin suggère, quelques mois après son entrée au caucus progressiste-conservateur, de discuter d’une possible fusion des deux réseaux de santé. Cette idée est mise de côté, mais sans plus de conséquences.

Rappelons qu’en 2012, le député Jim Parrott a été expulsé du caucus progressiste-conservateur pour avoir remis en cause la dualité linguistique dans les soins de santé au Nouveau-Brunswick sous la gouverne de David Alward. Les temps ont bien changé!

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En éditorial dans l’Acadie Nouvelle, François Gravel écrivait au sujet de Kris Austin que le nommer au cabinet «constituerait l’équivalent politique d’un doigt d’honneur aux Acadiens».

Blaine Higgs n’a cependant pas hésité à franchir cette ligne rouge et a nommé Kris Austin ministre de la Sécurité publique à la mi-octobre.

À ce point-ci, il est évident que le parti progressiste-conservateur dirigé par le chef actuel ne pourra pas rebâtir les ponts avec la communauté acadienne.

Il est temps que Blaine Higgs parte pour le bien de l’harmonie linguistique au sein de la seule province officiellement bilingue au pays.

Auteur

  • Guillaume Deschênes-Thériault

    Doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa et chroniqueur à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec Réseau.Presse.

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