La vie trépidante d’un pensionnaire vers 1950

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 18/09/2012 par Paul-François Sylvestre

Je vous le dis tout de go: le roman Un p’tit gars d’autrefois – Le pensionnat, de Michel Langlois, est un bijou. Du moins pour les gens qui, comme moi, ont fait leur cours classique dans les années 1950 ou 1960. En plus d’offrir un reflet tendre et réaliste d’une adolescence avant la Révolution tranquille, l’auteur décrit comment a émergé en lui le désir de devenir écrivain.

Le narrateur est Étienne Jutras qui entreprend son cours classique à Ottawa, probablement vers 1949, à l’époque de Pie XII et de Louis Saint-Laurent. Je donne cette année-là, car le Collège séraphique qu’il fréquente a fermé ses portes en 1951. Étienne poursuit ensuite ses études à Cap-Rouge (Québec). Le cours classique dure huit ans, mais le roman ne couvre pas les deux dernières années de philosophie.

Il n’y a pas de doute que ce roman a des accents autobiographiques. Les amis d’Étienne ressemblent sans doute à ceux de Michel Langlois. Ils trouvent toutes sortes de stratagèmes pour lutter contre l’ennui et se libérer du désagréable sentiment d’être prisonniers entre quatre murs: sports, études, activités en plein air, théâtre, débats, construction d’un camp, etc.

Étienne découvre qu’il y a au moins 25 000 mots dans le Larousse. «Si un jour j’en connais suffisamment, je deviendrai écrivain et je me servirai de tous ces mots pour raconter des histoires.» Promesse tenue: Michel Langlois a publié sept romans!

Nous sommes au début des années 1950 et il n’est pas surprenant de voir les pensionnaires prier sans cesse et intercéder auprès de la Vierge Marie en récitant des rosaires. Étienne trouve que Marie est «dure de comprenure» car «elle distribue ses dons avec parcimonie».

Publicité

Parlant de rosaire, il y a un capucin qui s’appelle justement le père Rosaire. Ce préfet de discipline a un comportement qui rime avec son prénom: sévère. Étienne et ses amis ne cessent de se moquer de lui en écrivant des couplets comme «Et merde pour ce cher père Rosaire / Qui fait tout pour déplaire… Puisse-t-il attraper l’urticaire… On s’ra heureux quand il f’ra de l’air… Il nous met tous en beau joual vert…»

Le jeune pensionnaire émet parfois des commentaires aussi naïfs que savoureux comme «Dieu est partout, mais quand on lui demande quelque chose, comme de nous aider à réussir nos examens, il ne se force vraiment pas beaucoup.»

Étienne y va aussi de quelques réflexions très pertinentes pour un jeune de 12 ou 13: «J’ai remarqué que dans la vie, il faut toujours avoir des projets. Comme ça, il me semble qu’on goûte déjà le plaisir qu’on va en tirer.»

Ou encore cette remarque sur les amis qui se complètent bien: «il y a en a toujours un qui est en mesure de réaliser ce que les autres ne peuvent pas faire. C’est ça, je pense, la richesse de l’amitié.»

Il y a une scène qui m’a semblé peu plausible. Tous les élèves de la classe répondent faussement aux questions de leur prof de géographie pour le punir d’avoir dénoncé quelques pensionnaires qui fumaient. Ils acceptent tous de faillir un test et exigent le départ du prof. «La solidarité étudiante a le dessus» et le prof est renvoyé. J’ai un peu de misère à croire qu’un tel stratagème ait réussi en 1950.

Publicité

Étienne raconte l’histoire en utilisant des expressions bien québécoises. En parlant de Pilote de guerre d’Antoine de Saint-Exupéry, il dit que «ça devait être épeurant en pas pour rire». Il veut un jour écrire aussi bien que Saint-Ex, mais il «a encore des croûtes à manger pour y arriver». Quand le prof de français lui parle de contrepèteries et d’holorimes, il se demande «ce que ça mange en hiver, ces bibittes-là».

La religion occupe une place importante dans ce roman. Chaque matin, en somnambules, les pensionnaires descendent à la chapelle «subir le pensum de la messe». Les sermons parlent presque toujours de péchés.

Quand Étienne rencontre son directeur spirituel, il ne lui dit évidemment pas «pourquoi je me priverais de pécher, puisque tout ce qui est excitant est péché». Il n’est pas sans savoir que «la meilleure façon de connaître la gravité d’un péché est de mesurer le plaisir qu’il procure».

Michel Langlois, Un p’tit gars d’autrefois – Le pensionnat, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2012, 312 pages. 12,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur