La poésie de Shayne Michael: un uppercut

Triple identité acadienne/queer/autochtone

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Shayne Michael, Fif et sauvage, poésie, Moncton, Édition Perce-Neige, 2021, 72 pages, 20 $. Photo: Atwood
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Publié 19/05/2021 par Paul-François Sylvestre

La poésie a depuis longtemps donné une voix aux francophones en milieu minoritaire partout au Canada; j’ai en tête L’homme invisible / The Invisible Man de Patrice Desbiens, paru en 1981.

Elle a aussi permis à des gens des minorités sexuelles de s’exprimer; je pense notamment à Sylvie Bérard et Pierre-Luc Landry.

Voici que la triple identité acadienne/queer/autochtone emprunte la voie poétique grâce à Shayne Michael qui publie un premier recueil intitulé Fif et sauvage.

Humain et étiquettes

On a beau ne pas vouloir porter d’étiquettes, se considérer simplement comme humain, elles sont parfois tatouées en soi. Les mots choisis peuvent être durs, réducteurs, voire méprisants et blessants.

Dans la poésie de Shayne Michael, les vocables «fif» et «sauvage» renvoient à un vécu d’intimidation.

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«C’est risqué d’être / Autochtone / Homosexuel / Soi / Imprévisible / Le Monde n’est pas assez grand / Pour t’aimer sans te faire mal»

Une poésie qui souligne la discrimination

Le poète natif de la Première Nation Malécite du Madawaska, au nord-ouest du Nouveau-Brunswick, a choisi d’y aller d’un uppercut.

Fif, pédé, tapette, c’est plus direct qu’homosexuel ou gai. La discrimination et l’intimidation sont dès lors mises en exergue dans sa poésie. Le but premier de Michael n’est pas un désir de provocation; il espère plutôt susciter une réflexion sur l’homosexualité et les Premières Nations.

Ses origines wolastoqiyik (malécites) donnent lieu à des tournures colorées et imagées, comme en font foi ces quelques vers de sa poésie: «Je me cache / Tortue sans carapace / Arbre sans racines / Nuit sans lune / Loup sans fourrure / Aigle sans ailes / Tambour sans peau».

Poésie militante

Fif et sauvage est une prise de parole, un recueil de poésie qu’on peut qualifier de militant.

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Bien que l’ouvrage de poésie n’ait pas été écrit pour pointer du doigt les gens des communautés LGBTQ et autochtone, il souligne que l’homophobie et le racisme existent dans ces milieux.

Inutile de porter des ornières. Shayne Michael veut partager sa voix et, ce faisant, encourager jeunes et moins jeunes à lire d’autres auteurs et autrices autochtones.

La littérature n’est pas le premier médium d’expression de ce jeune marginalisé. Shayne Michael a d’abord perfectionné la danse et le théâtre lors de son baccalauréat en mise en scène à l’Université Laval.

Poésie en chorégraphie

Sa poésie épouse naturellement un rythme ou une cadence proche d’un pas de deux bien chorégraphié. Et il y a parfois des dialogues transcrits, comme dans une pièce de théâtre; en voici un exemple :

Peau sauvage : Bonjour !

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Peau blanche : Salut ! Ça va ?

Peau sauvage : Oui et toi ?

Peau blanche : Moi aussi. Es-tu Indien ?

Peau sauvage : Oui, je suis Autochtone.

Peau blanche : …

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Peau sauvage : Ça t’intriguait ?

Peau blanche : Oui ! J’aime ça sauvage 😉

Réappropriation des insultes

L’éditeur Perce-Neige (Moncton) souligne que le recueil de poésie Fif et sauvage devient une sorte de réappropriation de sujets stéréotypés et de termes péjoratifs, que se permet l’auteur afin de porter un regard honnête et brut sur soi et sur l’autre.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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