La poésie nous sauve de nous-mêmes

Les dépossédés du Vieux-Hull

Pierre Raphaël Pelletier, Les dépossédés du Vieux-Hull, récit poétique, Ottawa, Éditions David, coll. Indociles, 2020, 144 pages, 17,95 $.
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Publié 24/06/2020 par Paul-François Sylvestre

Dans les années 1950, Pierre Raphaël Pelletier vit avec son frère et ses sœurs dans ce qui a déjà été appelé le Vieux-Hull, rue Langevin, là où tout «laisse présager des histoires heureuses. Nous ne pouvons imaginer qu’il puisse disparaître un jour.»

C’est pourtant ce qui va arriver, comme en témoigne Les dépossédés du Vieux-Hull, un récit poétique qui mêle souvenirs et faits historiques, qui oscille entre colère et nostalgie.

Les Anishnabeks

Le récit commence sur une note historique qui remonte aux Anishnabeks, Première nation spoliée de ses biens, puis à Philémon Wright qui y développe l’industrie du bois, et à l’allumettier E.B. Eddy. On rappelle les incendies de 1875, 1880, 1886 et 1888. Le Vieux-Hull date de 1900.

De notions plutôt historiques, on passe vite aux considérations humaines. Chiffres à l’appui, Pierre Raphaël Pelletier démontre comment l’État a éradiqué 150 ans d’histoire sociale et humaine.

«Une illustration d’une démocratie gangrenée qui ne considère le bien commun que lorsque l’État en tire avantage, lui et ses meilleurs alliés, banques et corporations, qui le soutiennent financièrement.»

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Renouvellement urbain… sans le peuple

L’auteur décrit comment le renouvellement urbain s’est fait sans aucune considération pour «le petit peuple» qu’il surnomme «personnage central de la petite histoire dont la grande Histoire ne tient jamais compte». Et ce malgré les manifestations populaires. Résultat: découragement, désarroi, haut niveau d’anxiété.

Très jeune, le narrateur (qui s’appelle Étienne et non Pierre, allez savoir pourquoi!) apprend à se méfier de l’État qui se croit tout permis. La raison étatique est trop souvent erratique; un gouvernement insensible à l’humain déraille trop facilement.

Dans ce récit poétique, Étienne fait dire ceci à son frère Benoît: «mon écriture a un rythme qui se confond avec un battement de cœur: celui du Vieux-Hull qu’on saccage». On devine facilement le grand frère derrière ce frérot poète.

La contrebande du whisky

J’ai noté une référence à la petite mafia du Vieux-Hull à l’époque de la contrebande du whisky. Florian Olsen y fait aussi référence dans le roman Un automne noir, paru cette année aux Éditions Triptyque; il rappelle que Hull a déjà hérité du surnom de «petit Chicago» en référence au flot d’alcool qui s’y buvait et au grabuge qui s’en suivait.

On apprend que le père du narrateur a été traducteur au Parlement et que sa mère a été institutrice. (J’ai connu Pierre quand j’étudiais à la Faculté de philosophie en 1967-1969.) On apprend surtout que «le rêve donne à la réalité son titre de noblesse comme mesure de toutes choses».

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La poésie

Dans ce récit, il m’a semblé que les propos du frérot Benoît étaient ceux tout-crachés de l’auteur-narrateur.

Il lui fait dire que «la poésie est une promesse de monde meilleur». Je reconnais Pierre lorsqu’il ajoute que «la poésie nous sauve de nous-mêmes », nous met sur la bonne voie, «là où la réalité et la fiction fusionnent dans nos esprits».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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