La mission des Karch: ressusciter des auteurs

Pierre Karch
Pierre Karch.
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Publié 16/05/2006 par Mireille Desjarlais-Heynneman

Avoir un partenaire qui possède le même objectif et le même enthousiasme pour un projet, qui souscrit aux mêmes méthodes, et en qui on a entière confiance, n’est-ce pas là un des aspects les plus importants pour la réussite du travail de deux écrivains qui entreprennent ensemble des recherches et la publication d’une oeuvre?

Parfois ces partenaires sont mari et femme. Pierre Karch et Mariel O’Neill-Karch sont l’un de ces heureux couples et ils accomplissent en commun deux grandes oeuvres: leurs Dictionnaire des citations littéraires de l’Ontario français depuis 1960, dont Paul-François Sylvestre vous a déjà entretenu, et la résurrection d’auteurs franco-ontariens de langue française, aujourd’hui inconnus ou méconnus. C’est cette partie de leur oeuvre commune que je veux souligner ici.

Pierre et Mariel O’Neill-Karch font preuve d’une grande générosité en nous faisant connaître des auteurs décédés depuis longtemps qui ne sauront jamais avec quelle attention minutieuse ces deux écrivains font revivre leurs oeuvres pour nous et les générations à venir.

C’est ainsi que ce couple a publié Le Théâtre d’Augustin Laperrière (1829-1903), ainsi que, en 2001, Choix de nouvelles et de contes de Régis Roy (1864-1944). Ils se sont ensuite attaqués à la dramaturgie de ce dernier, un auteur d’Ottawa, en faisant paraître cette année, après plus de 12 ans de labeur, Théâtre comique de Régis Roy. Cette édition rassemble 13 pièces assez courtes, en un acte, et deux monologues.

La plupart de ces comédies ont plus de 100 ans. Elles donnent une bonne idée des plaisanteries et du langage du temps avec des quiproquos de mots parfois assez drôles, et reflètent aussi le conservatisme et la différence des classes de l’époque. Le ton des gens instruits est toujours parfait, même un peu ampoulé; celui des ignorants est rendu par de nombreuses fautes de grammaire et de liaisons ainsi qu’à une prononciation défectueuse.

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Baptiste est l’un des personnages qui revient dans certaines pièces. On sait que pendant longtemps «Baptiste» représentait le campagnard canadien-français sans instruction mais souvent plein de sens commun. Je crois me souvenir que cette coutume provenait de la plume du caricaturiste d’un grand journal montréalais du temps.

Ainsi dans On demande un acteur, de Régis Roy, Baptiste est totalement inculte mais assez rusé pour arriver à ses fins sans se laisser exploiter. Le sourd nous offre un dialogue entre un sourd et un entendant avec tous les coq-à-l’âne possibles. Bien jouées, je pense que certaines des pièces comme La Cause de Baptiste ou La visite de Champoireau pourraient encore nous faire rire.

Les Karch accompagnent chaque oeuvre d’une notice et de notes explicatives qui situent la pièce autant par rapport au Québec qu’à la scène théâtrale en France à la même époque. Elles démontrent que Régis Roy connaissait aussi bien la dramaturgie classique que les tendances outre-mer de son temps.

Ces notices, qui dénotent l’ampleur des recherches des deux auteurs, soulignent également les différences entre les manuscrits et les versions publiées, de même que le lieu où sont conservés les manuscrits et où la pièce a été enregistrée (à cette époque, au ministère de… l’Agriculture!). Les Karch nous livrent aussi un résumé explicatif de la pièce, la commentent, et racontent des anecdotes concernant l’oeuvre.

Quant au volume lui-même, il est précédé d’une chronologie de la vie, des oeuvres et des activités de Régis Roy, et d’une présentation qui nous donne une idée du genre d’humour que possédait Régis Roy et de ce qu’était le monde du spectacle à Ottawa à la fin de XIXe siècle.

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Cette présentation nous renseigne aussi sur la méthodologie employée par les Karch pour reproduire les textes avec plus de lisibilité grammaticale et typographique. On trouve également à la fin du volume une liste des nombreux ouvrages consultés par les deux auteurs.

Après l’édition par les Karch des oeuvres d’Augustin Laperrière, cette présente édition de l’oeuvre dramatique de Régis Roy nous prouve qu’on a depuis longtemps écrit pour le théâtre en Ontario français, que la plupart de ces oeuvres étaient publiées et jouées, et qu’elles faisaient l’objet de commentaires dans divers journaux.

Soyons reconnaissants de ses découvertes aux écrivains et chercheurs que sont les Karch, ainsi qu’à la collection Voix retrouvées des Éditions David.

Théâtre comique de Régis Roy, par Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch, Les Éditions David, coll. Voix retrouvées, Ottawa, 2006, 360 p., $25,00

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