La base de missiles de La Macaza fascine toujours

Conférence La Macaza Société d'Histoire
Une peinture illustrant un scénario fictif d'une interception de bombardiers russes par deux missiles BOMARC de La Macaza. Photo : Benoït Thibeault.
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Publié 21/02/2022 par Enora Paniez

En pleine Guerre froide, la base militaire de la Macaza a hébergé des missiles à ogives nucléaires. Un bouleversement pour ce petit village québécois au nord de Mont Tremblant, raconté dans une conférence organisée par la Société d’Histoire de Toronto et l’Alliance française le 17 février.
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Benoît Thibeault.

Benoît Thibeault a fait le récit de La Macaza durant cette période trouble. Originaire du village, il y est désormais conseiller municipal et historien à titre d’amateur.

« Je suis un enfant de la Guerre froide », explique-t-il. « Je me souviens très bien des grands événements qui ont ponctué cette période spéciale. »

Passionné d’histoire depuis tout jeune, il a entrepris il y a quelques années d’écrire l’histoire militaire de La Macaza.

« J’ai découvert qu’il y avait eu des missiles à La Macaza grâce à mon grand-père. » Il est ainsi devenu l’historien du village.

L’épicentre de la défense anti-nucléaire

Entre 1963 et 1971, dans le cadre de l’accord de défense aérienne (NORAD) entre le Canada et les États-Unis, La Macaza devient l’épicentre de la défense anti-nucléaire continentale. Mais cette coopération nord-américaine débute plus tôt.

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Dès 1954, le Canada construit trois lignes de radars d’un océan à l’autre pour détecter l’intrusion des bombardiers ennemis. Le but est de se protéger d’une attaque soviétique qui passerait par le Canada pour toucher les centres stratégiques des États-Unis. Le NORAD veut ainsi protéger le Canada d’un certain statut de victime collatérale.

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Les trois lignes de radars de défense mis en place au Canada par le NORAD. Photo: Benoît Thibeault.

En 1952, on choisit le territoire de La Macaza pour la construction d’une piste aérienne d’urgence.

En 1959, le village est de nouveau choisi pour la construction d’une base de missiles BOMARC (américains). En tirant avantage de la piste déjà construite, les travaux sont rapides et les infrastructures sont réalisées en un temps record.

La crise de Cuba change la donne

Au début des années 1960, il n’est pas question pour le Canada d’héberger des missiles à ogives nucléaires sur son territoire. Malgré les pressions exercées par le président John F. Kennedy sur le premier ministre John Diefenbaker, celui-ci ne flanche pas.

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Discussion dans le bureau ovale de la Maison-Blanche en février 1961.

Mais la crise de Cuba change la donne. Les États-Unis braquent 100 missiles sur l’URSS depuis la Turquie et l’Italie. Et l’URSS réplique en installant secrètement des missiles à Cuba. L’angoisse causée par la crise de missiles de Cuba ne laisse plus le choix au Canada.

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Les 28 missiles déjà mis en place sont finalement armés d’ogives nucléaires en janvier 1964. Le personnel militaire de la base de La Macaza, l’escadron 447, est formé aux États-Unis. La Macaza au Québec et North Bay en Ontario sont géographiquement stratégiques dans «le triangle de la Niagara».

North Bay défendra Toronto et d’autres grandes villes de l’Ontario, tandis que le Macaza défendra Ottawa, Montréal et d’autres centres urbains.

caporal Donald Norrie en 1966 à la macaza 
Le missile américain CIM-10 BOMARC, déployé à la base militaire de La Macaza. Photos: Benoît Thibeault.

Un village bouleversé

L’arrivée d’ogives nucléaires et la construction de la base militaire ont bouleversé le village de La Macaza. En 10 ans, on peut observer un boom démographique de 112%. «Au début, il y avait évidemment de l’appréhension, mais ça n’a pas duré longtemps», raconte Benoît Thibeault.

En effet, la base a été accueillie comme un avantage économique pour le village quand le gouvernement a commencé à recruter. La Macaza est déjà cosmopolite, accueillant de nombreux immigrés polonais, russes, italiens s le début du 20e siècle.

« C’étaient eux les plus surpris par l’installation de la base », explique Benoît Thibeault. « Ils pensaient avoir la paix loin de l’Europe. »

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Des missiles de La Macaza en 1962. Photo: E. Merrick.

« En réalité, personne ne savait vraiment ce qui se passait dans la base. On était un peu anxieux quand les alarmes se déclenchaient parfois, mais ça n’allait pas plus loin. »

De rares protestations anti-nucléaires

Des militants anti-nucléaires viennent de Montréal et d’Ottawa pour protester. Mais aucun incident ne survient.

De la violence surgit en 1964, quand le Front de Libération du Québec envoie un commando pour détruire la base militaire. Mais les insurgés sont rapidement arrêtés et l’armée est déployée pendant un certain temps.

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Des militants anti-nucléaire protestent à La Macaza en 1964. Photo: Benoît Thibault.

En 1972, sous le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, les deux bases de North Bay et de La Macaza sont dissoutes. Les missiles inutilisés quittent le Canada par camion ou par train pour retourner à leurs propriétaires aux États-Unis.

La fermeture de la base militaire est un choc pour les habitants de La Macaza. Les retombées économiques sont énormes pour le village. Il perd plus de la moitié de sa population les années suivantes.

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Et depuis?

Après la fermeture de la base, les infrastructures ont été utilisées pour l’aménagement d’un collège pour les Autochtones, qui a fermé ses portes deux ans plus tard.

Un pénitencier fédéral a suivi en 1975 est toujours en existence. La piste de la base a été restaurée en 2002 pour créer l’aéroport international de La Macaza-Mont Tremblant. Et les 28 abris de missiles reposent désormais en paix.

une peinture illustrant un scénario fictif d'une interception de bombardiers russes par 2 bomarc de la macaza la peinture a été réalisée à la demande de Benoît Thibault par l'artiste Peter robichaud. 
Les 28 abris de missiles sont inopérants. Photo: Benoït Thibeault.

« La Guerre froide a transformé le village tranquille de La Macaza », confirme Benoît Thibeault.

Il y a deux ans, l’historien a créé une exposition retraçant l’évolution du village pendant la Guerre froide. À la maison de la culture de La Macaza, il y expose aujourd’hui sa collection d’objets et de photos en lien avec la base militaire.

En juillet, le village fêtera le 50e anniversaire de la fermeture de la base de La Macaza. Benoît Thibeault espère inviter des militaires et des anciens de l’escadron 447 autour d’une cérémonie officielle.

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