Istanbul: sur les traces d’un guide à moustaches

Istanbul citerne
La Citerne Basilique, construite au 6e siècle, l'une des principales attractions d'Istanbul. Photos: Aurélie Resch
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Publié 03/08/2025 par Aurélie Resch

On raconte qu’à Istanbul, chaque chat est l’âme d’un marin, d’un poète ou d’un sultan revenu errer dans les ruelles. Dans cette ville suspendue entre deux continents, leurs yeux dorés et leur démarche assurée m’invitent à une rencontre intime avec cette ville ensorcelante.

Karaköy: l’aube et les pavés tièdes

Quand le jour est encore silencieux et que l’air sent le pain chaud et le café fraîchement torréfié, je bois mon thé et regarde la vie s’ébrouer autour de moi. Entre deux terrasses de bois, un des nombreux chats dont je croiserai la route se frotte aux chaises, recevant une caresse d’un pêcheur, une bouchée de simit d’un étudiant.

Ici, le temps semble couler doucement. Le muezzin s’élève, je ne bouge pas. Le chat, lui, bondit sur le comptoir d’un vendeur de lanternes colorées, l’air de me dire: «Regarde comme la lumière danse.»

Istanbul chats
Un chat d’Istanbul.
Istanbul
Une rue de cafés.

L’hôtel Orient Express

C’est presque avec regret que je m’éloigne de ce quartier moins fréquenté par les touristes que d’autres. Mais mon chat est parti lui aussi et je le perds dans la foule.

Je m’arrête un temps au Pera Palace pour reconnecter avec une autre époque, feutrée et lente, mais aussi mystérieuse, celle d’Agatha Christie et de l’Orient Express. Le velours rouge des tentures et des fauteuils, la cage en métal forgé du petit ascenseur prolonge ma rêverie sur ce train mythique commencée la veille à une station où les légendaires wagons déposaient leurs passagers et en prenaient d’autres.

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Devant l’entrée de l’hôtel, un tigré roux lèche sa patte. Il lui importe sans doute de se faire beau avant de glisser à l’intérieur.

Istanbul Hotel Orient Express
L’hôtel Orient Express.

Galata: la ville vue d’en haut

Dans les rues, les gens vaquent à leurs occupations, des touristes prennent la pause, des enfants courent… Je suis des yeux un gros matou qui ondule le long des toits puis qui saute dans une rue perpendiculaire à l’artère fréquentée où je me trouve. Je lui emboîte le pas. Se sentant suivi, il se met à trottiner.

Le voilà déjà perché sur le muret au bas de la tour de Galata. Un «incontournable», m’avait annoncé mon guide. En souriant, je monte jusqu’au sommet et me perds dans la contemplation d’Istanbul. D’ici, elle semble si vaste: le pont de Galata bruisse de pêcheurs, les traversiers sillonnent la Corne d’Or, Sainte-Sophie étincelle dans l’air chaud.

Les terrasses sur les toits s’animent. Tout en bas, les gens s’agitent et les véhicules disputent la route aux badauds et habitants. Le calme s’en est allé. Place à l’effervescence.

Istanbul vue de la tour
Au bout de la rue: la tour de Galata.
Istanbul vue de la tour
Istanbul vue de la tour.

Balat: un arc-en-ciel de façades

Un félin efflanqué dévale les collines. Il me mène dans les rues étroites de Balat, le vieux quartier juif et grec. Ici, les maisons sont peintes de jaune, de rose, de bleu ciel, et des cordes à linge traversent les ruelles.

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Le chat s’arrête devant une église orthodoxe, puis repart au trot, effleurant une porte en bois sculpté. Un marchand de jouets en bois le salue d’un geste tendre. Je n’aurais pas l’énergie de suivre son rythme. Et puis, pourquoi se presser quand il y a tant à voir ici, dans ce décor pittoresque?

Istanbul
Au centre d’Istanbul.
Istanbul
Un vieux tram dans le vieux quartier.

Eminönü: le cœur battant

Me voici devant le Bazar égyptien, que je préfère au Grand Bazar prisé par les visiteurs. Des pyramides de sucres, de loukoums et d’épices, du miel que l’on fait couler sur ses yaourts, des baklavas étincelants encombrent les échoppes. Les hommes boivent un café, les femmes discutent.

Ici, Istanbul pulse et étincelle de toutes ses couleurs. Des barques fument au bord du Bosphore, des mouettes se disputent des miettes de pain.

Je remarque le chat s’offrir une sieste au soleil, moustaches frémissantes. Tout autour, le tumulte nous engloutit et j’oscille entre m’abandonner aussi à la torpeur ou continuer à me laisser porter par la foule.

Istanbul
Loukoums et autres sucreries.
Istanbul
Des baklavas.
Istanbul
Plusieurs variétés de thé.

Sultanahmet: entre ciel et pierre

Aujourd’hui, je me lance avec mon guide dans la visite des lieux saints et chargés d’Histoire. Je commence par admirer les faïences de la Mosquée Bleue avant d’aller m’émerveiller entre les murs de Sainte-Sophie, où le murmure des siècles résonne encore.

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Je marche doucement, consciente d’être ici une simple invitée. Mon guide est intarissable, et je lui suis reconnaissante de me partager un peu de son savoir tandis que nous déambulons de salle en salle.

Istanbul Sainte-Sophie
L’église Sainte-Sophie.
Istanbul Sainte-Sophie
Dans l’église Sainte-Sophie.
Istanbul Sainte-Sophie
Céramique dans l’église Sainte-Sophie.

D’abord église, puis musée et aujourd’hui mosquée, cet édifice byzantin avec son large dôme, ses belles pierres et superbes mosaïques symbolise le mariage des cultures orientale et occidentales à Istanbul.

Tandis que les touristes s’amassent devant les murs pour prendre des détails architecturaux en photo, je suis le regard émeraude d’un chat, nonchalamment assis au pied d’une colonne, qui passe par-dessus mon épaule. En me retournant, je distingue en hauteur une magnifique mosaïque de la vierge et l’enfant, presque entièrement dissimulée par un double voile. Merci monsieur le félin.

Istanbul Palais Topkapi
Une pièce du palais Topkapi.

Ma découverte des monuments se poursuit avec la visite du palais de Topkapi, son faste, ses jardins et salles somptueusement décorées, témoins de la grandeur de l’empire ottoman.

Enfin, plongée dans les profondeurs de la Citerne Basilique, bâtie au 6e siècle par l’empereur Justinien pour alimenter le grand palais en eau. Ce lieu insolite et envoûtant avec ses 336 colonnes et têtes de méduses me plonge dans le décor de James Bond (Bons baisers de Russie) et de Dan Brown (Inferno).

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Istanbul citerne
La Citerne Basilique d’Istanbul.
Istanbul citerne
Des méduses éclairent la citerne.

Ortaköy: une pause au bord de l’eau

Il me reste maintenant à contempler la ville des deux côtés du pont.

Un traversier nous mène à Ortaköy, d’où un chat blanc saute à terre d’un air décidé. Sur la place animée, il se faufile entre les stands de kumpirs – ces pommes de terre farcies – et les brocanteurs. Nous le suivons avec amusement.

La mosquée d’Ortaköy semble flotter sur le Bosphore, les arches se mirant dans l’eau. Le chat se perche sur le parapet, contemplant le pont suspendu qui relie Europe et Asie.

Istanbul Bosphore
Traversier vers la mosquée d’Ortaköy sur le Bosphore.

Üsküdar: de l’autre côté

En quelques minutes de traversée, nous voici sur la rive asiatique. À Üsküdar, la lumière est plus douce. Un autre félin longe les quais, indifférent aux pêcheurs qui lancent leurs lignes.

Au loin, la silhouette élancée de la tour de Léandre se découpe sur l’horizon. La légende raconte qu’une princesse y fut enfermée pour échapper à son destin… Le chat, lui, regarde la mer, paisible.

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Istanbul chats
Un chat d’Istanbul.

Kadıköy: l’énergie bohème

La nuit approche, nous nous enfonçons dans rues animées de Kadıköy, où cafés, librairies et friperies s’entremêlent. Des musiciens de rue jouent des airs envoûtants, des jeunes discutent autour d’un thé brûlant. Sur une terrasse, sur une terrasse, nous nous asseyons et nous mêlons à l’atmosphère décontractée des lieux.

À Istanbul, ils sont partout: sur les bancs, au pied des mosquées, sur les quais où tanguent les ferries. Ils incarnent l’esprit d’une ville où l’on vient se perdre pour mieux se retrouver.

Suivre un chat, c’est accepter d’être guidé par l’imprévu, de se laisser happer par le parfum des glycines, la chaleur d’un thé noir, le reflet des coupoles dorées. C’est rencontrer Istanbul de façon plus intime et engager avec elle une conversation silencieuse.

Auteurs

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

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