On raconte qu’à Istanbul, chaque chat est l’âme d’un marin, d’un poète ou d’un sultan revenu errer dans les ruelles. Dans cette ville suspendue entre deux continents, leurs yeux dorés et leur démarche assurée m’invitent à une rencontre intime avec cette ville ensorcelante.
Karaköy: l’aube et les pavés tièdes
Quand le jour est encore silencieux et que l’air sent le pain chaud et le café fraîchement torréfié, je bois mon thé et regarde la vie s’ébrouer autour de moi. Entre deux terrasses de bois, un des nombreux chats dont je croiserai la route se frotte aux chaises, recevant une caresse d’un pêcheur, une bouchée de simit d’un étudiant.
Ici, le temps semble couler doucement. Le muezzin s’élève, je ne bouge pas. Le chat, lui, bondit sur le comptoir d’un vendeur de lanternes colorées, l’air de me dire: «Regarde comme la lumière danse.»


L’hôtel Orient Express
C’est presque avec regret que je m’éloigne de ce quartier moins fréquenté par les touristes que d’autres. Mais mon chat est parti lui aussi et je le perds dans la foule.
Je m’arrête un temps au Pera Palace pour reconnecter avec une autre époque, feutrée et lente, mais aussi mystérieuse, celle d’Agatha Christie et de l’Orient Express. Le velours rouge des tentures et des fauteuils, la cage en métal forgé du petit ascenseur prolonge ma rêverie sur ce train mythique commencée la veille à une station où les légendaires wagons déposaient leurs passagers et en prenaient d’autres.