Après l’incendie: rien n’est durable, tout est possible

Robert Lalonde, La Reconstruction du paradis
Robert Lalonde, La Reconstruction du paradis, carnets, Montréal, Éditions du Boréal, 2021, 184 pages, 20221, 19,95 $.
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Publié 13/03/2022 par Paul-François Sylvestre

Dans la nuit du 26 décembre 2018, la maison de Robert Lalonde a complètement brûlé. De cet épisode, l’écrivain de plus de 30 ouvrages tire un de ses textes les plus lumineux: La Reconstruction du paradis. Ces carnets montrent comment un «bienheureux incendie» lui a «redonné l’inutile et indispensable passion de me laisser vivre».

Traduire Walt Whitman

La maison avait été construite et entretenue avec ardeur pendant plus de 40 ans par Lalonde et sa compagne. Les livres, aussitôt partis en fumée, ne demandent bien sûr qu’à renaître, et un beau matin une idée vient à l’auteur: traduire Leaves of Grass, de Walt Whitman (1819-1892).

Les carnets sont ponctués de passages tirés de l’œuvre maîtresse de ce grand poète américain.

La traduction est finement ciselée et surprend parfois. Ainsi, while he speculates well… devient il ne perd pas le nord pour autant. We do not convince by arguments, smiles, rhymes devient On ne convainc pas à coups de preuves, de métaphores et de chansons.

Quelques jours à peine après l’incendie, Lalonde et son épouse énoncent «une même avidité de renouvellement».

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Les années qui restent seront celles d’une métamorphose. L’auteur sait brusquement qu’on attend de lui un grand livre. Rien n’est durable, rien n’est promis, mais tout est possible. On a parfois besoin de perdre pour gagner.

Quelques ouvrages sauvés de l’incendie

Les pompiers ont réussi à sauver du feu quelques auteurs chers à Lalonde. Il les revisite, «ensorcelé comme autrefois, réapprenant les beaux risques qu’ils m’ont, chacun à sa manière, autorisé à prendre». Il cite Marcel Proust, Paul Valéry, Colette, Aimé Césaire, Louis Aragon, Anne Hébert, Billy-Ray Belcourt.

Sur des photographies miraculeusement trouvées par leur fille, le passé défile: ancien jardin, belle vieille maison, visages jeunes, arbustes et fleurs, chats et chiens, pique-niques et fêtes d’anniversaire. Pour l’écrivain qu’est Robert Lalonde, ces photographies sont du précieux matériau, des saisons disparues mais à jamais vivantes.

Réflexion sur la pandémie

La Reconstruction du paradis a été écrit entre août 2019 et mai 2020, donc durant la pandémie.

Ce contexte porte l’écrivain à s’interroger. « Et si ce qui nous arrive, cette pandémie qui alarme tout un chacun et au passage fauche des vies, était l’occasion non pas de recommencer, mais de commencer pour vrai à vivre sans tout exiger, à nous aimer les uns les autres sans nous faire de mail, à savourer le temps hors du temps?»

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Robert Lalonde ne met pas de gants blancs pour écrire les mots «nègres» et «sauvages». Ils sont de son époque, point à la ligne. Il note que «si la vérité n’est pas toujours à notre portée, elle ne nous est pas pour autant cachée».

Changement de perspective après l’incendie

Chassé d’un paradis en 2018 pour en voir un autre se construire sous ses yeux en 2019, Robert Lalonde reprend ardemment goût à la vie – une vie toute nouvelle.

«Ce que nous désirons plus que tout, le plus souvent sans nous en douter, ce n’est pas la guérison, mais un changement de perspective.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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