Imagination fertile d’un guichetier de métro

Marine Sibileau, Les nuages du métro
Marine Sibileau, Les nuages du métro, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, collection Vertiges, 2023, 112 pages, 22,95 $. Photo: Marine Geffroy
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Publié 31/01/2024 par Paul-François Sylvestre

La Torontoise Marine Sibileau conjugue ses origines françaises et son vécu canadien pour nous inviter à voyager dans Les nuages du métro. Sous sa plume, ce transport public devient poème et tous ceux qui défilent se voient parer d’une histoire.

Le personnage principal est Francis Jego, un Français établi à Montréal, un guichetier à la station de métro Sherbrooke. Il aime regarder les usagers à travers le prisme de son imagination et leur inventer une vie.

«Je les appelle les nuages. Pourquoi? Parce que toutes ces silhouettes […] sont aussi furtives que des nuages. Certaines sont aériennes comme des cirrostratus, ces nuages qui siègent avec grâce en haute altitude aussi légers que de la tulle de soie, d’autres sont lourdes et grises, telles des cumulonimbus prêts à déclencher un orage.»

Station Sherbrooke

La vie est comme une vague qui s’éloigne puis revient plus fortement. La station de métro Sherbrooke est capable de se relever de tout, même de la covid. Sans les passagers-nuages, l’imagination de Francis demeurerait en panne.

Le samedi, le guichetier aime les nuages qui arrivent «avec une énergie contagieuse qui ferait même break danser un régiment de bonnes sœurs». Devant la vie qui se déroule sous ses yeux, Francis imagine les autres plutôt que de s’imaginer lui-même.

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Les samedis soir «sont bien plus roffe sur les chums de fille que sur les chums de gars. Ils font remonter à la surface des blessures profondes et personnelles qui brisent des amitiés, rien que ça.» Des couples se forment aussi, bien entendu.

Des égarés dans le métro

La journée du dimanche permet à l’autrice de faire le pont entre la France et le Québec tout en la sucrant d’un jeu de mot: «ils ont leur propre cerise sur le gâteau (pour nos amis français) ou sur le Sunday (pour nos amis québécois». On reconnaît la cerise sur le sundae.

On prend le métro pour se rendre à une destination… en théorie. Il y a cependant «les nuages égarés», ceux qui errent toute la journée sans but précis, sans point de chute. Tout un chapitre leur est consacré.

Francis a beau être un rêveur qui se bourre la tête avec plein d’histoires, certaines deviennent trop lourdes à porter pour son imagination. «Et mon imagination, c’était ce que j’avais de plus précieux. Alors pas étonnant que par esprit de conservation, je fasse le choix inconscient d’éradiquer tous les égarés de ma vie.»

Destination érotique

Une station de métro peut être une destination érotique. Francis nous raconte l’histoire d’une liaison entre une dame de la station Crémazie et un homme de la station Verdun. Le guichetier ne peut pas révéler tout s’il veut «que ce livre reste classé dans la bonne catégorie».

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Le métro est une part de la vie intérieure de Francis. Il entretient une relation avec la station Sherbrooke, «comme si c’était une personne». Il ne se voit pas occuper un emploi classique de bureau. «Je ferais quoi si je n’avais plus personne à observer ou imaginer?»

Ce court roman de cent pages réussit avec brio à démontrer comment un lieu peut se graver dans le cœur d’une personne, comment il peut devenir un trait d’union entre l’imagination de l’un et la présence des autres.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

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