Garderies à 10 $ : le gros lot?

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Des enfants dans une des garderies du Petit chaperon rouge à Toronto. Photo: archives l-express.ca
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Publié 03/12/2024 par Andréanne Joly

Le programme pancanadien devant mener aux «garderies à 10 $ par jour» a pour effet le plus visible la réduction de la facture des services de garde pour les parents. Il est bien accueilli par les familles visées, mais crée des remous dans les services de garde participants et chez de nombreux parents.

Recommandé par la Commission royale d’enquête nationale sur la situation de la femme au Canada en 1970, inspiré du réseau de centres de la petite enfance mis en place au Québec en 1997 (à l’époque, les «garderies à 5 $ par jour»), le gouvernement fédéral en a annoncé sa mise en place en avril 2021, avec un investissement initial de 30 milliards $ d’ici 2026.

Plus de 900 garderies de Toronto y ont adhéré.

L’objectif: alléger la facture de garde pour les parents d’enfants de moins de 6 ans, afin qu’elle atteigne 10 $ par jour.

Pour ce faire, la formule de financement des garderies est entièrement revue. Pour les parents, la réduction est progressive. Pour les garderies, la formule engage des adaptations successives dans le mode de financement.

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La mise en place du programme fédéral de garderies à 10$ par jour en Ontario. Infographie: Andréanne Joly, l-express.ca

Une facture nettement réduite

Pour Sarah, ces réductions n’ont été qu’avantageuses: elle a envoyé son poupon dans une crèche et a reçu des remboursements rétroactifs. Jusqu’à son entrée en maternelle, en septembre dernier, la facture de services de garde est passée de 1600 $ à 700 $ par mois, en considérant tant la réduction que le changement de groupe d’âge.

Coline a aussi profité d’importantes réductions dans sa garderie de la rue Roncesvalles à Toronto. Quand son garçon de quatre ans et demi a commencé à la fréquenter, la facture chez les bambins était de 1900 $ par mois. Aujourd’hui, il en coûte plutôt 1000 $ pour sa petite, chez les poupons. En janvier, la facture sera de 440 $.

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Coline.

Mais il y a une ombre au tableau: la garderie évalue sérieusement la possibilité de se retirer du programme. La facture mensuelle passera-t-elle à plus de 2500 $?

«C’est indécent», lâche Coline. «Le problème du système actuel, c’est qu’on ne sait pas sur quel pied danser.»

Selon un article de La Presse canadienne publié le 20 novembre, 14 des quelques 920 garderies de Toronto participantes ont annoncé qu’ils se désistaient du programme, à la lumière de la nouvelle formule de financement. Pour les parents, la facture doublera, et c’est cette réalité qui fait frémir bien des parents, dont Cécile.

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Pourtant, le parcours de Cécile dans l’univers des services de garde est sans tache: son enfant fréquente une garderie de langue française tout près de la maison, à Toronto. Elle n’a pas eu à l’inscrire à une liste d’attente et a profité, dès son entrée, des factures réduites.

Mais après avoir entendu parler de ces désaffiliations, l’incertitude ambiante l’atteint, et ce, même si la garderie que son fils fréquente n’a jamais avancé cette possibilité.

Sur le terrain: des parents inquiets

Marion a aussi peur que la garderie que son benjamin fréquente se retire du programme.

Elle a vécu la situation des garderies en France et au Sénégal, là aussi instable. «En arrivant au Canada, on avait cru que la question des garderies était réglée: on nous avait parlé du programme à 10 $.»

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Des garderies francophones (ici au Petit chaperon rouge) accueillent de très jeunes enfants. Photo: archives l-express.ca

Il faut dire qu’elle est échaudée. La première garderie que son fils a fréquentée à Toronto s’est désistée du programme – la facture passant de 850 $ à 1600 $ par mois. Non sans détours, elle a fini par retrouver une place dans une garderie subventionnée.

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Marion s’est fait offrir une place une garderie subventionnée de langue française, mais elle a choisi de passer leur tour. Sa famille craint que cette garderie – qui a fermé ses portes l’été dernier pour rénover – se retire du programme, même si elle a indiqué qu’elle n’en a aucune intention.

«Je préfère me serrer la ceinture quelques mois que de le faire changer encore», se désole Marion.

Une place: comme le gros lot

Christina, elle, se veut positive. Enceinte, elle s’est inscrite sur des listes d’attente. Son fils a d’abord été dans un service milieu familial – en français –, mais a dû changer lorsque la responsable a annoncé, à un mois d’avis, sa retraite.

Elle avoue avoir passé quelques coups de fil, paniquée. Coup de chance, une classe s’ouvrait dans un établissement . Quatre mois plus tard, elle trouvait une place plus près de chez elle.

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Andrea Hannen.

«C’est une loterie, en fait», dit-elle. C’est aussi l’expression qu’utilise Andrea Hannen, la directrice de l’Association of Day Cares Operators of Ontario (ADCO): avoir une place dans une garderie à 10 $, c’est comme gagner le gros lot, dit-elle.

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Des listes d’attente allongées

Les factures allégées ont eu l’effet d’allonger les listes d’attente, constatent les intervenants, notamment Cynthia Kuassi, directrice des finances du Petit Chaperon rouge, une garderie qui compte huit centres à Toronto.

«La demande est beaucoup plus élevée», observe-t-elle. «Il y a plus de personnes qui veulent mettre leurs enfants dans les services de garde. Il y a plus de compétition maintenant.»

À Toronto, la Ville prévoit aussi une augmentation de la demande pour ces services de garde, avec la nouvelle diminution des frais qui viendra en janvier.

«Nous travaillons avec la Province sur un plan de croissance dirigé qui ajouterait 18 000 nouvelles places à coût abordable à Toronto d’ici 2026», indique le service de relations avec les médias.

Il s’agit d’une autre promesse du programme qui doit être livrée: ouvrir de nouvelles places en garderies entre avril 2022 et mars 2026, soit 71 000 en Ontario.

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Des enfants dans la cour d’une école accueillant une garderie Le Petit chaperon rouge. Photo: archives l-express.ca

Et comme les services de garde de langue française font partie des priorités ciblées par le programme, au Petit Chaperon rouge, «on espère vraiment que ces places vont s’ouvrir pour qu’il y ait moins de frustration», témoigne Cynthia Kuassi.

Déjà, le Petit Chaperon rouge a pu ouvrir un nouvel établissement à 44 places – le centre de Milverton. D’autres garderies ont aussi ouvert de nouvelles classes.

C’est ça de gagné. Pour Cécile, Christina, Coline, Marion et Sarah, leur enfant a une place. Et, à une exception près, leur facture sera allégée en janvier.

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