Francophone et Autochtone: pas toujours facile de démêler les deux identités

Les étudiants Roxanne Langermann, Connor Lafortune et Page Chartrand de l'Université Laurentienne.
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Publié 19/10/2020 par Julien Cayouette

Réconcilier son identité lorsque l’on fait partie de deux minorités est un cheminement à long terme.

Les trois participants à la discussion L’expérience francophone autochtone: marcher dans deux mondes, présentée récemment par l’Université Laurentienne à Sudbury, ont souligné qu’il faut d’abord apprendre à se connaître, connaître d’où on vient et apprendre à s’affirmer.

Quelque chose qui peut être difficile dans un monde où on ne vous écoute pas toujours.

Cocher deux cases?

Autochtone et francophone: «Je n’ai jamais vu de ma vie un sondage où je pouvais cocher les deux», lance l’étudiant en Études autochtones Connor Lafortune.

Il fait ici référence aux sondages ou aux formulaires où l’on doit indiquer son appartenance à une culture, à un groupe ethnique. On peut cocher francophone ou autochtone, mais pas les deux.

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«Je me retrouve souvent à vivre mon identité autochtone plutôt que francophone.»

Connor Lafortune

Pas Métis

Roxanne Langemann est aussi dérangée par l’absence d’une case pour s’identifier. Elle a déjà utilisé la case «Métis», mais toujours à contrecœur.

«Je suis métissée, mais je ne suis pas Métis. J’ai un mélange des [francophones et des Cris], mais je ne fais pas partie de la culture métisse.»

L’étudiante au programme de Relations autochtones a grandi entre Moonbeam, Kapuskasing, Timmins et Sudbury.

Roxanne Langemann

Mélanger les traditions

La famille de Page Chartrand a toujours mélangé les traditions francophones et anishnabe dans la vie quotidienne et lors de célébrations.

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L’étudiante en Études autochtones a seulement commencé à se poser des questions sur son identité à l’école, lorsqu’on lui demandait de présenter des éléments de sa culture.

En grandissant, elle a commencé à chercher plus d’information et s’est aperçue qu’il n’existait presque rien en français, sauf pour les Métis.

Page Chartrand

Seule au monde

Petite, en visite sur l’île Manitoulin, elle a longtemps cru que seule sa famille avait les coutumes qu’elle y apprenait.

«Je n’avais pas d’amis autochtones. J’allais à une école francophone catholique à Sudbury. Je n’avais accès à personne d’autre à part dans mon environnement familial.»

C’est sa grand-mère par alliance qui lui a donné une base et qui lui a donné le goût d’en découvrir plus.

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Parfois lourd à porter

Page Chartrand et Connor Lafortune ont parlé du poids de leur identité à tous les niveaux scolaires.

Ils ont servi d’exemple ou on leur a presque demandé d’enseigner des classes parce qu’ils en savaient plus que l’enseignant sur des sujets autochtones. Mais ils ne savent pas tout non plus, souligne Connor.

«L’intention est bonne, mais les démarches prises nous font sentir comme si on est la personne qui peut tout dire sur une nation.

Pas toutes les réponses

Nous n’avons pas toutes les réponses qualifiées “d’autochtones”. Je ne connais pas [nécessairement] les autres Nations», explique le jeune qui a grandi près de la Première Nation Dokis.

Tout jeune, Connor dit avoir eu de la difficulté à réconcilier le mot «indiens» qu’il entendait à l’école et les termes Première Nation et Autochtone renforcés par sa mère Anishnabe.

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Rare autochtone qui parle français, il a eu de la difficulté à faire comprendre qu’il était «à la fois francophone et autochtone».

L’Université Laurentienne à Sudbury.

«Vérité avant réconciliation»

Les trois avaient des histoires un peu tristes ou inconfortables à raconter.

Roxanne Langemann plaide cependant pour la discussion, pour l’utilisation des bons mots pour décrire des évènements, bons ou mauvais. Il faut accepter la vérité avant de passer à la réconciliation, ont-ils rappelé.

«Si on partage des choses, des vraies choses, des traumatismes, des choses vécus, ce n’est pas de réagir avec le sentiment de “je m’excuse”, ce n’est pas ça qu’on cherche», dit Connor Lafortune.

«On ne vous demande pas d’expliquer les actions de vos ancêtres. C’est juste de dire “oui, je comprends”.»

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Exprimer un sentiment de culpabilité a plutôt l’effet contraire selon lui. L’Autochtone se sentira à son tour coupable d’avoir provoqué ce sentiment et changera son histoire, alors qu’il ne devrait pas avoir à le faire.

Des drapeaux de nations autochtones flottent en permanence à l’Hôtel de Ville de Toronto.

Une prophétie sur la CoViD-19

Page Chartrand cite une prophétie autochtone qui pourrait signaler que nous sommes à la croisée des chemins: «Une maladie va revenir sur l’île de la tortue (l’Amérique) à cause d’actions des colonisateurs. Après la maladie, soit que les peuples autochtones et non autochtones vont se réunir, ou ils vont se séparer pour l’infinité. Il me semble que la CoViD-19 pourrait être cette maladie-là. C’est le temps de prendre des décisions.»

Même si la discussion a eu lieu avant le décès de Joyce Echaquan — qui a enregistré des employés tenir des propos racistes à son endroit dans un hôpital québécois — le sujet du racisme dans le système de santé a fait surface.

Roxanne dit avoir effectivement été témoin de racisme dans le système de santé. «Il y a beaucoup de peur et de méfiance.»

Page ne rapporte pas d’incidents fâcheux, mais avoue qu’elle a déjà caché ses boucles d’oreille, par exemple, pour que le personnel médical ne voie pas qu’elle était autochtone.

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La vidéo est toujours disponible sur la page Facebook de l’Université Laurentienne.

Auteur

  • Julien Cayouette

    Rédacteur en chef de Francopresse, le média d’information numérique au service de la francophonie canadienne, qui travaille de concert avec les journaux membres de Réseau.Presse. Ex-rédacteur en chef du Voyageur, le journal franco de Sudbury et du Nord de l'Ontario.

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