Faut-il proscrire «bon matin», calque de «good morning»?

lever du soleil Beaches, bon matin
Le lever de soleil a des spectateurs sur la plage de Toronto. Photos: Nathalie Prézeau
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 28/05/2013 par Martin Francoeur

Il est devenu courant d’entendre, surtout dans les émissions de radio ou de télévision diffusées en avant-midi, l’expression «bon matin» pour saluer ou accueillir un invité ou un collaborateur. Est-ce un autre anglicisme ou, au contraire, une bonne idée?

L’expression est tellement récurrente dans les médias qu’elle a fait son entrée dans le langage courant, celui de la vie quotidienne.

Je mettrais ma main au feu que de nombreux couples ouvrent l’œil, au lit le matin, en se disant «bon matin». Ou alors quand un membre de la famille s’amène à la cuisine pour le petit déjeuner, il risque de se faire souhaiter «bon matin» par ceux qui y sont déjà.

Bonjour meilleur que bon matin?

Si on se fie à plusieurs ouvrages de référence, cette expression devrait être condamnée parce qu’elle est un calque de l’expression anglaise «good morning».

L’Office québécois de la langue française nous dit qu’«en français, lorsqu’on désire saluer une personne, on utilise le mot bonjour, et le soir, le mot bonsoir.» Pas question d’employer «bon matin.»

Publicité

La Banque de dépannage linguistique de l’OQLF mentionne que lorsqu’on veut souhaiter à quelqu’un de passer une belle journée ou une belle soirée, plusieurs formulations sont possibles: bonne journée, bon avant-midi (ou bonne avant-midi), bon après-midi (ou bonne après-midi), bonne soirée et bonne nuit.

«Chacune de ces expressions convient à une plage horaire plus ou moins étendue, et l’ensemble couvre la totalité des vingt-quatre heures d’une journée.»

Bonjour, mais juste ce matin?

Il est là le problème. Quand on dit «bonjour» à quelqu’un, on peut vouloir référer à l’ensemble de la journée. Personnellement, quand je dis «bon matin» à quelqu’un, c’est que je souhaite préciser que ma salutation correspond à la période du réveil, ou plus généralement de la période qui précède l’entrée au travail, par exemple.

Je me rends compte que je ne dis jamais «bon matin» à l’extérieur de la maison. Quand j’arrive au boulot, je dis «bonjour» à mes collègues. Pas «bon matin.»

Si j’utilise «bon avant-midi», c’est que je salue quelqu’un en comptant, par exemple, revoir cette personne sur l’heure du midi.

Publicité

Il y a des calques de l’anglais que nous devons en effet nous abstenir d’utiliser. Généralement parce qu’ils ont un équivalent français tout à fait approprié. Mais je persiste à croire que c’est un peu du zèle que de devoir proscrire «bon matin».

Bon matin répond à un besoin

Sur un blogue, une linguiste et sociologue fait une remarque intéressante.

«Pourquoi est-ce que bon matin serait un calque à éviter alors que bon après-midi et bonjour sont aussi des calques de l’anglais good afternoon et good day? Or, bon matin s’insère dans la série bonjour, bon après-midi, bonsoir, bonne soirée, bonne nuit, etc. […] Bon matin vient simplement remplir un vide parce qu’il manquait une expression spécifique pour cette partie de la journée. Que cette forme ait surgi à cause du contact avec l’anglais, c’est très possible, même probable, mais elle est tellement bien intégrée dans notre langue que personne n’y pense plus sauf quelques esprits grincheux.»

C’est exactement ce que je pense. Pourquoi n’aurait-on pas droit de faire comme les locuteurs des langues anglo-saxonnes ou germaniques et adapter nos salutations à un découpage de la journée?

Le conseiller linguistique de Radio-Canada, Guy Bertrand, ne considère pas l’expression «bon matin» comme une véritable faute, mais il rappelle qu’en français, «l’usage veut qu’on se dise bonjour quand il fait jour et bonsoir après le coucher du soleil.»

Publicité

Suivant cette logique, on ne pourrait pas dire: bon midi, bon avant-midi, bon après-midi, bonne fin de journée… N’est-ce pas un peu réducteur?

Une précision, pas une concurrence

L’OQLF a beau mentionner que l’expression bon matin «entre inutilement en concurrence avec les formulations françaises bonjour et bon avant-midi», je maintiens qu’il ne s’agit pas d’une véritable concurrence, mais d’une forme de précision ou de restriction à la période pour laquelle on formule une telle salutation.

J’ai beau être un ardent défenseur de la langue française et un promoteur des formes correctes – au meilleur de mes connaissances bien sûr –, mais je vous assure que je continuerai de souhaiter bon matin aux personnes qui se trouvent au même endroit que moi pour le réveil et le petit déjeuner.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur