Les droits constitutionnels et quasi constitutionnels des témoins et de l’avocat en matière de langues officielles ont-ils été enfreints au cours d’une audience devant la Cour canadienne de l’impôt, lorsque le juge a voulu se montrer «pragmatique» en considérant que, puisque les intervenants étaient bilingues ou un peu bilingues, on pouvait procéder sans interprétation, tantôt en anglais, tantôt en français?
Le juge Richard Boivin, de la Cour d’appel fédérale, a tranché dans l’affirmative, avec l’accord de ses collègues, la juge Johanne Gauthier et le juge Yves de Montigny, dans ses motifs du jugement, rendus le 20 avril dernier dans le dossier Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc. c. Mazraani, 2017 CAF 80.
Le juge Boivin écrit: «les efforts du juge qui visait à se montrer ‘pragmatique’, pour éviter de lever la séance et d’obtenir des services d’interprétation, ont donné lieu à la violation non seulement des droits en matière de langues officielles de Me Turgeon et des témoins, mais également de ceux de M. Mazraani. Il n’était tout simplement pas loisible au juge de transiger sur les droits en matière de langues officielles de tous les participants à l’instance. En ne s’acquittant pas de son obligation de veiller à la protection des droits en matière de langues officielles en l’espèce, le juge a causé la violation de ces droits… Le pragmatisme ne l’emporte pas sur l’obligation de respecter les droits en matière de langues officielles de tous au cours de l’instruction des instances judiciaires.»
Compte tenu de la violation des droits linguistiques de l’avocat francophone et des témoins francophones de la compagnie, ainsi que des droits linguistiques du contribuable anglophone, l’appel de la décision a été accueilli, le jugement de première instance a été annulé et l’affaire a été renvoyée à la Cour canadienne de l’impôt pour qu’elle ordonne la tenue d’une nouvelle audience, présidée par un autre juge.
Né à Montréal, le juge Richard Boivin a étudié au Collège de Montréal (Louis Riel a aussi étudié à ce collège), à l’Université de Montréal, Min. Hist. (1985), à l’Université d’Ottawa, LL.L (1988), B.A. (1990), LL.M. (1995) et à l’Université de Londres, LL.M. (1991) (King’s College).