Étrange roman sur la découverte de soi

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Publié 20/10/2009 par Paul-François Sylvestre

Faut-il voyager de Montréal à l’océan Pacifique, puis de Yellowknife à l’océan Atlantique pour se découvrir soi-même? C’est ce que Katia Canciani nous fait croire dans son roman intitulé 178 secondes. Roman où seule la mémoire inconsciente garde la trace indélébile d’une violence psychologique, «comme un tatouage direct au cœur».

La violence psychologique est celle que Nicola découvre à 18 ans. Sa mère a tenté de le tuer lorsqu’il était bébé. Geste que la famille a toujours caché en asphyxiant Nicola d’amour. Une fois au courant, le jeune homme entreprend un long voyage, une quête de soi-même qui s’étend a mari usque ad mare: Toronto, Kleinburg, Thunder Bay, Winnipeg, Saint-Claude (Manitoba), Calgary, Banff, Kamloops, Vancouver, Yellowknife et White Point (Nouvelle-Écosse).

L’auteure a bénéficié de bons contacts dans différentes régions du Canada pour écrire un récit à la fois attachant et réaliste. La visite de la Galerie McMichael (Kleinburg), la vie sur une ferme laitière (Saint-Claude) et les fonctions d’un moniteur de langue (Yellowknife) ne sont que quelques exemples des nombreux pans colorés de ce roman pour le moins étrange.

Katia Canciani fait dire à Nicola que «c’est drôle, tout de même, comme on rencontre plein de francophones quand on traverse le Canada.» La famille d’accueil franco-manitobaine à Saint-Claude demeure de toute évidence un sympathique visage de la francophonie canadienne, tout comme les gens à la recherche d’un moniteur de langue française à Yellowknife. Il y a même des références à l’association francophone de Thunder Bay et de Kamloops.

La romancière pimente parfois son récit de quelques remarques qui font sourire. Elle écrit, par exemple, qu’«à Toronto, tout le monde était à peu près habillé comme au Québec, sauf en plus noir.» Plus loin, en Alberta, Katia Canciani lève le voile sur un aspect peu connu de Banff, une ville remplie «de jeunes tous prêts à s’envoyer en l’air». Banff, ajoute-t-elle, est la STD’s National Capital (STD = Sexually Transmitted Disease).

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L’auteure sait aussi résumer une profonde réflexion en une phrase finement ciselée. C’est le cas lorsqu’elle note avec brio que «la nature a fait les larmes pour permettre à nos tourments de s’échapper.» Il n’y a pas que les larmes pour laisser les tourments s’échapper. La vie est ainsi faite qu’«il y a un passage pour chaque personne.» Nicola n’est pas parti chercher sa mère. Il est parti se trouver lui-même.

Nicola n’a pas eu de mère, sauf pour le mettre au monde. Il a un père présent mais imparfait. Il a aussi une famille aimante mais asphyxiante. Ce n’est pas l’apprentissage de l’anglais qui l’a poussé vers l’Ouest, mais bien la découverte de lui-même. Son voyage du sud au nord, de l’ouest à l’est, permet à la colère et au ressentiment de le quitter. Une fois cela admis, «il n’y avait que moi pour donner un sens à ma vie.»

Je ne peux m’empêcher de noter, en guise de note en bas de page, que ce livre a fait l’objet d’une mise en page bizarre. À l’intérieur du bouquin on ne trouve même pas le nom de l’auteure. Celui de l’éditeur brille aussi par son absence, tout comme ses coordonnées Et il n’y a pas de catalogage avant publication. Je n’ai jamais vu cela.

Katia Canciani, 178 secondes, roman, Ottawa, Éditions David, coll. Voix narratives, 2009, 282 pages, 21,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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