Érudition et finesse font bon ménage chez Guy Ménard

Guy Ménard, La Sphinge
Guy Ménard, La Sphinge, nouvelles, Longueuil, Éditions L’instant même, 2022, 206 pages, 28,95 $.
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Publié 25/01/2023 par Paul-François Sylvestre

Diplômé en philosophie, en théologie et en anthropologie, Guy Ménard a publié des romans, des essais et des recueils de poésie. Avec La Sphinge, il nous offre son premier recueil de nouvelles.

L’auteur offre des univers riches et foisonnants, convaincants, qui se répondent les uns aux autres pour notre plus grand plaisir.

Une foule de très brèves références

Dans ces nouvelles, on trouve une foule de très brèves références à des écrivains, compositeurs ou même chefs. Voici quelques exemples:

  • «à mi-chemin entre le minimalisme narratif de Hemingway et la complexité tourmentée de Kundera»;
  • «vous passez par tous les états d’âme climatiques de Phèdre» (Racine);
  • «la ligne culinaire du temps allant de Jehane Benoît à Martin Picard, en passant par Daniel Pinard et Josée Di Stasio, sans évidemment oublier sœur Angèle et Ricardo»;
  • des nénuphars «comme sur une toile de Monet qui se serait échappée de Giverny».

Parfois l’autrice n’est pas nommée, mais on le devine ici: «il est, comme le Survenant du chenal du Moine, un grand dieu des routes» (Germaine Guèvremont).

Ailleurs, on apprend que la fête de Bloomsday, en Irlande, est nommée en l’honneur de Leopold Bloom, anti héros d’Ulysse, le grand roman de James Joyce.

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Comparaisons imagées

Le nouvelliste excelle dans l’art de ciseler des comparaisons imagées, dont voici quelques exemples:

  • «plus assidue à ses devoirs qu’une chatte à sa toilette»;
  • «rouge et dodu comme un chanoine castillan au bord de l’apoplexie»;
  • avoir «le courage d’une mère ourse et la résilience d’un carcajou»;
  • «un universitaire doit avoir des théories comme un chien doit avoir des puces».

Parfois, un seul mot décrit un trait caractéristique: la bonne volonté du… catéchumène; l’enthousiasme du… néophyte; l’énergie débordante et communicative du… converti.

Quand un personnage, auteur en herbe d’un polar, rêve de renommée, il devient un émule de Louise Penny, avide de voir son livre «faire de l’œil au chaland sur un îlot de librairie ou sur le présentoir de quelque Jean Coutu».

Qui lit encore des livres?

Parlant de livres, Guy Ménard signale que, jadis, les bouquins étaient écrits par des écrivains et lus par le public. «Aujourd’hui, ils sont écrits par n’importe qui et plus personne ne les lit.»

Guy Ménard signale que Rosedale est une sorte d’Outremont de la Ville Reine. Il glisse le nom d’endroits géopolitiques peu souvent mentionnés comme la Courlande, la Transacaucasie, la Galice-Lodomérie, la Valachie et la Bessarabie.

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Drapeaux, blasons et kilts

Dans une nouvelle sur le drapeau arc-en-ciel, on a droit à un cours détaillé sur la vexillologie (étude des bannières, oriflammes et drapeaux) et sur l’héraldique (étude des armoiries, blasons et autres écussons).

On apprend que le mot gueules est masculin singulier. En français normal, dextre désigne la droite, mais en héraldique il indique plutôt la gauche.

Un personnage désire se procurer un kilt. Tant chez Eaton’s que chez La Baie, le prix est exorbitant. Il se rabat sur une jupe écossaise qu’il fait raccourcir.

Le texte se termine avec l’éternelle question, à savoir si les Écossais portent quelque chose sous leur kilt, à part les bas et les chaussures. La réponse est lapidaire. «Ben voyons: l’avenir de l’Écosse!»

Marchandage

Si vous avez voyagé dans des pays de l’Amérique centrale ou du Moyen-Orient et que vous avez fréquenté un mercato, vous savez qu’il faut marchander le prix de l’article convoité.

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Un touriste à Addis-Abeba a les yeux sur un crucifix de bois un peu rustique, «d’une naïveté gracieuse». On lui demande trente birs (dollar éthiopien).

Vous vous régalerez à lire comment le touriste parvient à faire baisser le prix à vingt birs, puis à dix comme les Dix commandements, ensuite à sept comme les sept jours de la création, et enfin à… un bir, puisqu’il y a «tout de même qu’un seul Dieu».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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