En haleine pendant plus de 500 pages!

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Publié 16/02/2016 par Paul-François Sylvestre

Romancier, dramaturge, peintre et musicien, le Norvégien Samuel Bjørk (Frode Sander de son vrai nom), a récemment signé un premier polar intitulé Je voyage seule. Il nous plonge dans une histoire de «gamines victimes d’un jeu grotesque impensable».

Dès les premiers chapitres (il y en a 89), nous apprenons qu’un promeneur a découvert dans la forêt une petite fille assassinée, pendue à un arbre avec une corde à sauter et portant autour du cou un panonceau où figure la mention Je voyage seule. L’affaire est confiée au commissaire Holger Munch qui met sur pied une équipe spéciale aux ressources illimitées.

Munch veut recruter l’ex-policière Mia Krüger, qui vit maintenant en recluse sur une île loin d’Oslo. Quand il la rejoint, Holger ignore que Mia s’y est retranchée pour… se suicider dans une dizaine de jours. «La tête obsédée par un meurtre à élucider», Mia décide de repousser son funeste plan.

Elle découvre un indice qui est passé inaperçu aux yeux de ses collègues. Le chiffre I est peint sur l’ongle de l’auriculaire de la fillette Pauline. Elle est la première d’une série de victimes. Johanne, Andrea et Karoline, toutes âgées de 6 ans, suivront.

Aux États-Unis ou au cinéma, ces meurtres seraient un fait divers, mais pas en Norvège. Le pays est sous le choc, en deuil, en état d’urgence. Sa population est terrorisée et les journaux pataugent dans le sensationnalisme.

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L’intrigue revêt des accents religieux. Les fillettes assassinées portent toutes des robes de princesse où «Mc 10,14» est cousu sur l’encolure. Cela renvoie à un passage de l’Évangile selon saint Marc:

«Laissez les petits enfants venir à moi.» Les fillettes font un voyage vers le ciel. Elles portent toutes l’écriteau «Je voyage seule.» que les compagnies aériennes fournissent.

L’enquête policière ressemble à une pelote de laine, mais dès qu’on tire sur un fil, la pelote devient une boule de nœuds. Un personnage dira «je pige pas du tout le pourquoi du comment». Il y a plein de symboles, changements de méthodes, fausses pistes et culs-de-sac. Samuel Bjørk sait créer un maintenir le suspense.

L’auteur aime surprendre par de courts chapitres qui semblent n’avoir aucun lien avec l’intrigue et qui présentent le plus souvent un nouveau personnage. Ces chapitres s’avéreront plus tard des morceaux utiles pour compléter le casse-tête.

Il lui arrive aussi de commencer chaque paragraphe d’une page ou deux par le même sujet, comme: «La femme aux yeux vairons roula…, La femme aux yeux vairons entra…, La femme aux yeux vairons changea…, La femme aux yeux vairons resserra…, La femme aux yeux vairons aperçut…»

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Bjørk a l’art de glisser des répliques aussi tendres que directes, du genre: «–Va te faire foutre, Holger. –Moi aussi je t’aime, Mia.» Le ton est parfois cru: «Elle avait agi par faiblesse. Il lui avait fait un de ces rentre-dedans, lui offrant bières et cocktails et j’en passe. Quelle grue! Quelle conne, putain!»

Certains personnages du roman sont assez colorés. Un suspect, par exemple, est un travesti qui ne sait jamais s’il est un homme ou une femme. Un soi-disant pasteur manipule les personnes âgées d’une résidence pour les amener à léguer leur avoir à son église, et ce avec la complicité d’une infirmière qui nous réserve des surprises…

Holger a une petite-fille qui doit bientôt faire son entrée à l’école. Il reçoit un message codée qui la place en cinquième position sur la liste des victimes… Son patron estime qu’il est trop impliqué pour pouvoir continuer à diriger l’enquête, mais Holger lui tient tête, avec raison comme vous vous en doutez bien.

Pour reprendre les mots du Bergens Tidende, un grand journal norvégien, Samuel Bjørk figure parmi les rares auteurs reconnus «capables de construire des histoires avec une telle élégance, dans une langue aussi dénuée de clichés». Il nous tient en haleine pendant plus de 500 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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