Élections fédérales: les Autochtones ne veulent pas rester en périphérie

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Un totem surplombe la ville de Vancouver. Photo: iStock.com/MDoubrava
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Publié 10/04/2025 par Marine Ernoult

Réconciliation économique, augmentation du financement pour les initiatives liées à la vérité et à la réconciliation, développement des énergies propres… Des organisations autochtones partagent leurs priorités électorales.

En ces temps d’incertitude, elles souhaitent également être un partenaire à la table des négociations avec les États-Unis.

Partenaires égaux

«Cette élection survient à un moment crucial de l’histoire. La stabilité économique du Canada dépendra du fait que les Premières Nations soient des partenaires égaux dans la prise de décision», affirme la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak.

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Cindy Woodhouse Nepinak. Photo: courtoisie

Elle parle de projets d’une valeur de 560 milliards $ qui devraient être lancés sur les terres traditionnelles autochtones au cours de la prochaine décennie.

«Ces projets représentent la pierre angulaire de la future croissance économique du Canada. Les bénéfices potentiels se chiffrent en milliers de milliards de dollars, souligne-t-elle. Mais rien n’avancera sans le soutien des Premières Nations.»

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Pour faire valoir ses préoccupations, l’APN a publié, mardi 1er avril, un document, intitulé La prospérité pour tous – Priorités pour les élections fédérales de 2025.

Ce rapport de 30 pages, envoyé à tous les partis, décrit les mesures attendues du prochain gouvernement en ce qui concerne la réconciliation économique, le commerce et la mobilité frontalière entre le Canada et les États-Unis, le bien-être des enfants, des familles et des générations futures, les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

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Le document de l’APN en vue du scrutin fédéral du 28 avril.

Stratégie d’entrepreneuriat autochtone

Hausse du coût de la vie, manque de logements abordables, détérioration des soins de santé : les Autochtones partagent également les mêmes inquiétudes que le reste de la population canadienne, assure Cindy Woodhouse Nepinak.

La présidente et directrice générale du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Tabatha Bull, réclame pour sa part une augmentation et une pérennisation des financements publics alloués au «développement et à l’innovation» des entreprises autochtones.

Tabatha Bull
Tabatha Bull. Photo: courtoisie

La responsable veut aussi faciliter leur accès aux marchés publics fédéraux. En 2021, Ottawa s’était engagé à attribuer un minimum de 5% de la valeur totale des contrats publics à des compagnies possédées par des membres des Premières Nations, des Métis ou des Inuits.

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«Les entreprises autochtones ont dépensé beaucoup de temps et d’énergie en déposant des offres, mais elles n’ont que très peu réussi», regrette Tabatha Bull.

Accès à l’Internet à haute vitesse

Elle dénonce par ailleurs le manque d’infrastructures, qui «bloque le potentiel de l’économie autochtone». «Il faut absolument développer l’accès à l’Internet à haute vitesse dans les communautés rurales et éloignées.»

À ses yeux, l’économie autochtone doit infuser l’ensemble des chapitres des plateformes électorales. Elle ne doit pas seulement être reléguée dans une section dédiée aux Autochtones.

Elle plaide ainsi en faveur d’une stratégie d’entrepreneuriat autochtone à cheval sur plusieurs ministères, afin d’éviter la «logique de silo» et le renvoi systématique des dirigeants d’entreprise vers Services aux Autochtones Canada.

Boréal autochtones
Les Premières Nations sont à l’honneur sur le campus principal du Collège Boréal, à Sudbury. Photo: Collège Boréal

D’un colonialisme à un autre

En pleine guerre commerciale avec les États-Unis, les Autochtones veulent également être associés aux négociations.

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«Les Premières Nations doivent être des partenaires à part entière, car nous ne pouvons pas lutter contre le colonialisme des États-Unis en renforçant le colonialisme au Canada», estime Cindy Woodhouse Nepinak.

«Il faut aider les entreprises autochtones à trouver de nouveaux marchés d’exportation, en leur garantissant un accès à des missions de vente et aux réseaux mondiaux d’entreprises autochtones», poursuit Tabatha Bull.

Pour elle, la période d’élection actuelle constitue en soi un facteur d’instabilité, parce que l’adoption de mesures économiques est mise sur la glace. «Nous craignons qu’en cas de changement de gouvernement, il nous faille à nouveau expliquer pourquoi l’économie autochtone est importante.»

Craintes de compressions budgétaires

Au-delà de l’économie, sujet central de ce scrutin, des organismes craignent que le financement d’initiatives autochtones liées à la vérité et à la réconciliation soit abandonné ou réduit.

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Stephanie Scott. Photo: courtoisie

Dans une réponse écrite, la directrice générale du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR), Stephanie Scott, lance un message clair: «Nous attendons de tous les partis qu’ils fassent preuve d’un engagement concret et durable en faveur de notre travail.»

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«Sans un financement adéquat, des initiatives cruciales risquent d’être abandonnées, ça freinera notre cheminement collectif vers la guérison et la réconciliation», ajoute-t-elle.

Stephanie Scott regrette à cet égard que la réconciliation soit encore trop traitée comme une «question périphérique», alors que le CNVR reçoit de plus en plus de demandes de la part des survivants et survivantes et de leurs familles pour obtenir des documents.

«Nous avons besoin de propositions politiques détaillées qui s’attaquent aux séquelles des pensionnats et du colonialisme, pas seulement de vagues promesses», écrit-elle.

Changer le discours énergétique

Le directeur général d’Indigenous Clean Energy, James Jenkins, aimerait, lui, que les partis fédéraux parlent moins d’oléoducs et plus d’énergie propre.

James Jenkins
James Jenkins. Photo: courtoisie

Selon l’organisme à but non lucratif, les Autochtones détiennent, en totalité ou en copropriété, près de 20% des infrastructures de production d’électricité canadiennes.

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«L’éolien, le solaire, les biocarburants sont de plus en plus abordables et contribuent à l’indépendance économique de toutes nos communautés au pays», affirme James Jenkins. «Nous avons encore du travail à faire pour nous assurer qu’il s’agit d’une priorité visible.»

Le responsable demande notamment la clarification des règles d’application du crédit d’impôt à l’investissement dans les énergies propres pour les entités non imposables, comme les sociétés appartenant aux Premières Nations.

Plus largement, Indigenous Clean Energy souhaite que les nombreux programmes de subventions fédéraux restent en place. «[Ils] ont permis aux communautés de planifier leur avenir énergétique et de faire preuve de beaucoup plus de leadership», relève James Jenkins.

À Winnipeg, au Manitoba, Cindy Woodhouse Nepinak encourage toutes les Premières Nations à «dialoguer» avec les candidats locaux afin de faire entendre leur voix d’ici le 28 avril.

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