Derrière Village People, le génie de deux Français

Village People
Village People en 1978. Un groupe iconique. Photo: Wikimedia Commons, Partage dans les mêmes conditions 3.0
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Publié 05/05/2024 par Marc Poirier

YMCA. C’est probablement le sigle le plus connu de la planète, que certains arriveront à associer au plus grand succès du célèbre groupe disco Village People. Or, on ignore généralement que c’est un Français qui a composé les paroles de ce tube et qu’avec un compatriote, il a créé Village People. Autopsie d’un phénomène musical.

Un policier, un cowboy, un Amérindien, un ouvrier de la construction, un motard et un militaire. Mélangez le tout, ajoutez un bon rythme disco pimenté de paroles souvent suggestives et vous obtiendrez l’un des groupes musicaux les plus reconnaissables au monde qui avait le talent de produire des vers d’oreille et de donner une envie presque incontrôlable de danser.

L’histoire de Village People, c’est celle de deux Français: Jacques Morali et Henri Belolo. Ils vont révolutionner la musique disco.

Village People
Jacques Morali. Photo: Wikimedia Commons, Partage dans les mêmes conditions, 4.0 international

Rencontre à New York

Jeune adolescent, Jacques Morali vend des disques à l’aéroport d’Orly, à Paris. Il rêve d’une carrière dans la musique. Il écrit des chansons pour lui-même et pour d’autres. À 24 ans, il devient directeur artistique de la maison de disque Polydor. Peu après, il s’installe à New York.

Henri Belolo est né au Maroc. Il commence sa carrière aux côtés du producteur de disques Eddie Barclay. Il est représentant de la maison Barclay Records, d’abord au Maroc, puis en France. Ensuite, il met sur pied sa propre maison de disques. En 1973, il part pour New York, où il rencontre Jacques Morali.

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Les deux hommes ont rapidement la main heureuse en participant à la création, en 1975, du trio The Ritchie Family, qui se fait connaitre avec la chanson Brazil.

Victor Willis est le troisième, et non le moindre, membre à l’origine de ce trio. Chanteur et parolier ayant grandi à San Francisco, il déménage à New York où il évolue dans quelques pièces et comédies musicales de Broadway.

Du «village» vient l’inspiration

Dans une interview réalisée alors qu’il baignait dans le succès, Jacques Morali raconte que, dans une boîte disco du quartier de Greenwich Village qu’il fréquentait, il a aperçu un homme déguisé en Amérindien dansant sur le bar. À côté de lui se trouvaient des hommes déguisés en cowboy, en ouvrier de la construction et en habit de cuir.

Il s’est dit: «Mon Dieu, ce serait fantastique, mondialement, d’avoir un groupe qui représente autant l’Amérique.» L’idée allait faire son chemin…

En 1977, Willis est invité à être choriste pour le second album de Ritchie Family. Lorsque le disque est terminé, Morali le rencontre et lui dit qu’il a rêvé qu’il produisait un album et que Willis en était le chanteur principal.

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Il lui parle du projet qu’il a avec Belolo de former un groupe de personnages représentant les principaux stéréotypes masculins américains. Si Willis accepte, Morali l’assure qu’il fera de lui une grande vedette. De Greenwich Village, surnommé «The Village», sortira… Village People.

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En 2008, le groupe Village People obtient son étoile sur le Hollywood Walk of Fame. Photo: Wikimedia Commons, Don universel au domaine public

San Francisco

Le groupe n’est pas encore formé qu’un premier album éponyme est lancé en 1977, avec la chanson San Francisco, qui connait un certain succès. Il ne s’agit pas encore d’un groupe; Victor Willis chante les titres de l’album et il y a quelques voix accessoires réunies pour l’enregistrement.

Mais voilà que le célèbre animateur américain Dick Clark invite le groupe à sa populaire émission de télévision American Bandstand. Seul problème, Village People n’existe pas vraiment. Pas encore…

Morali fait alors publier une petite annonce pour recruter des membres et former le groupe afin de pouvoir livrer une prestation en direct à la télé. La petite annonce précisait qu’il cherchait de jeunes hommes «machos» qui devaient savoir chanter, bouger et… porter la moustache.

Morali raconte qu’il a passé environ 300 personnes en audition dans son bureau.

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Macho Man

Dans les faits, quelques personnes, surtout des amis de Willis, avaient déjà été repérées. Certains membres sont remplacés dès la première année ou la suivante. Le groupe comme tel ne comptera que des chanteurs et des danseurs. Des musiciens seront embauchés pour les enregistrements et les prestations sur scène.

Plus tard, d’autres groupes de musique, tels que les New Kids on the Block et les Spice Girls, seront constitués sous l’impulsion de producteurs ou d’une maison de disques.

Après la formation de Village People, tout va très vite pour le groupe. Il signe un contrat avec la maison de disques à la fin novembre 1977. Le lendemain, il est en studio pour enregistrer la chanson Macho Man, écrite le matin même par Willis.

Lancé avec l’album du même nom au printemps 1978, le tube atteindra le 25e rang du palmarès Billboard et sera vendu à plus d’un million d’exemplaires uniquement aux États-Unis.

Morali et Belolo ont déjà gagné leur pari. Mais le meilleur reste à venir.

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La chorégraphie simple de la chanson YMCA est connue dans le monde entier. Photo: Wikimedia Commons, Partage dans les mêmes conditions, 2.0 générique

YMCA : la consécration

Le groupe n’a pas le temps de s’habituer à sa nouvelle célébrité qu’un autre succès, encore plus grand, est déjà dans la machine.

Un jour, Jacques Morali demande à Willis ce que veut dire YMCA, qu’il voit sur des affiches à New York. Willis lui explique, et Morali lui propose sur-le-champ d’en faire une chanson. Comme on dit en anglais, the rest is history.

YMCA est le sigle de la Young Men’s Christian Association, qui se traduit littéralement par Association de jeunes hommes chrétiens. Ce sont des centres où, à l’origine, des jeunes pouvaient faire de l’activité physique et obtenir des formations de tout genre. Aujourd’hui, ces centres sont ouverts à tous.

YMCA devient ainsi la chanson phare du troisième album de Village People, Crusin’, sorti en septembre 1978, quelques mois seulement après Macho Man.

Même si le groupe n’atteindra jamais la première position du palmarès Billboard (YMCA arrivera tout de même au deuxième rang, derrière Le Freak du groupe Chic), YMCA fera le tour du monde. Encore aujourd’hui, elle figure parmi les 25 simples les plus vendus (disque physique) de l’histoire, avec 12 millions d’exemplaires.

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Sortir du ghetto

Avec d’autres succès comme In the Navy et Go West, Village People réussit à jouer avec les codes de la communauté gaie sans s’associer directement à elle. Jacques Morali et Henri Belolo souhaitaient sortir le disco et les gais du ghetto (dans ce cas-ci, celui de Greenwich Village,) pour les intégrer à la culture dominante.

Quand on y pense, avec plus de 100 millions de disques vendus, avec des succès qui tournent et qu’on chante encore aujourd’hui, avec des bras qui se lèvent toujours pour reproduire le sigle «YMCA» dès que le refrain de cette chanson joue, on peut assurément dire: mission accomplie.

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