Dépistage et diagnostic du VIH: Toronto toujours en tête

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Publié 08/11/2024 par Soufiane Chakkouche

SIDA,  quatre lettres qui, dans un temps où les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, faisait frémir de peur rien qu’à les entendre alignées de la sorte. Depuis, l’eau de la science a bien coulé sous les ponts au point que le virus n’est quasiment plus transmissible, du moins dans les pays développés comme le Canada et dans les grandes villes comme Toronto. Toutefois, cela n’empêche pas la ville reine de continuer à enregistrer en Ontario le taux le plus élevé de diagnostic de VIH, le virus du sida.

«Tout d’abord, j’aimerais faire une petite rectification. On ne parle plus du sida depuis plusieurs années, parce que le sida était une complication de la maladie qui résultait du virus. Maintenant on parle de gens infectés par le VIH ou à risque de l’être», corrige d’emblée Normand Babin, directeur général intérimaire d’Action Positive VIH-sida, un organisme francophone à but non lucratif œuvrant dans la grande région de Toronto et le Centre Sud-Ouest de l’Ontario.

Mea culpa, il faudrait peut-être penser à le retirer également du nom de l’organisme!

Normand Babin, directeur général d'Action positive
Normand Babin, directeur général d’Action positive, l’organisme communautaire invité au Club canadien de Toronto le 30 octobre dernier. Photo: François Bergeron, l-express.ca

Femme séropositive, bébé négatif

Plus sérieusement, si ce virus est de plus en plus sous contrôle, il n’en demeure pas moins qu’une légère recrudescence a été observée par les spécialistes, y compris à Toronto.

«Les chiffres sont en légère augmentation, mais ce qui est important de retenir c’est qu’on ne le sait pas vraiment… parce que les médicaments qu’on a aujourd’hui sont actifs et efficaces au point où le virus, chez les personnes qui les prennent, devient indétectable», précise Normand Babin.

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«Et, à partir du moment où la personne est indétectable, elle ne peut plus transmettre le virus.»

C’est ainsi, par exemple, qu’une femme qui serait séropositive peut avoir un enfant qui, lui, est séronégatif. La personne qui serait séropositive dans un couple ne devrait pas infecter la personne séronégative. C’est bien là que réside la grande révolution dans le domaine.

SIDA VIH Action positive
Davantage de nouveaux diagnostics de VIH à Toronto. Source: OHESI

Toronto, championne toutes catégories

Toutefois, demeurant dans la même tendance observée durant les dernières années, Toronto occupe toujours la tête de la province en termes de taux de dépistage et de taux de diagnostic.

En effet, selon un rapport de l’OHESI (Ontario HIV Epidemiology and Surveillance Initiative) publié en novembre 2023, Toronto a enregistré entre 2017 et 2021 un taux moyen de dépistage du VIH par 1 000 habitants de 69,6, loin devant les 41,1 de l’ensemble de la province.

Plus significatif encore, durant la même période, la ville reine a affiché le taux moyen de premiers diagnostics de VIH chez les hommes le plus élevé de l’Ontario, avec 19,6 par 100 000 habitants, contre une moyenne provinciale masculine de 6,8.

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SIDA VIH Action positive
Davantage de dépistages de VIH à Toronto. Source: OHESI

Les nouveaux visages du virus

Par ailleurs, cette tendance semble être accompagnée par un léger changement des profils des populations, tout en gardant des dénominateurs communs, comme l’explique Normand Babin.

SIDA VIH Action positive
Normand Babin. Photo: courtoisie

«Le profil de la population porteuse du virus au Canada change un peu à travers les années. Il y a par exemple de nouveaux arrivants pour lesquels le VIH peut être une raison pour venir au Canada, parce qu’on y trouve facilement les traitements et gratuitement.»

«Il y a aussi de nouveaux arrivants qui viennent de pays où leur homosexualité n’était pas acceptée. Donc, quand ces personnes ne sont pas bien informées, ils peuvent prendre toute sorte de risques et, malheureusement, parfois ça donne de nouveaux cas.»

Équité en santé

De son côté, Marie-Ève Ayotte, directrice des Services de soins primaires, santé mentale et développement de l’enfance au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT), ne semble pas souscrire à ce constat.

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Marie-Ève Ayotte. Photo: courtoisie

«Cette question est préjudiciable pour les nouveaux arrivants au Canada. Le VIH ne discrimine pas de populations. Le Centre travaille dans une approche inclusive de réduction des méfaits et de santé communautaire», insiste-t-elle.

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«Cela étant dit, plusieurs questions se posent lorsqu’il s’agit d’équité en santé:

Est-ce que toutes les communautés ont accès à des soins?

Est-ce que le dépistage est équitablement accessible?

Est-ce que la sensibilisation et l’éducation en matière de maladies transmises sexuellement et par le sang sont accessibles à tous les milieux socioéconomiques et sociodémographiques?»

Populations stigmatisées

C’est bien là où le bât blesse. En effet, selon le gouvernement ontarien, le VIH est principalement resté cantonné dans certaines populations.

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Il s’agit «des hommes gais, bisexuels, et autres, qui ont des rapports sexuels avec des hommes, y compris les hommes trans, des personnes des populations africaines, caribéennes et noires, des Autochtones, des consommateurs de drogues et des femmes cis et trans, y compris celles provenant des communautés ci-dessus, qui sont confrontées à des inégalités systémiques et sociales, et qui sont plus susceptibles d’être exposées au VIH par l’intermédiaire d’un partenaire sexuel ou d’un consommateur de drogues», peut-on lire sur la page du ministère de la Santé.

Le document rappelle aussi que «ces populations sont également confrontées à la stigmatisation, à la discrimination et à d’autres obstacles liés aux déterminants sociaux de la santé, tels que la pauvreté, l’instabilité du logement, la violence entre partenaires intimes et les traumatismes associés à l’homophobie, au racisme et à la colonisation, qui peuvent les rendre plus vulnérables à l’infection par le VIH et affecter leur capacité à accéder aux services.»

En somme, combattre le VIH c’est combattre aussi et d’abord toutes ces injustices sociales et ces inégalités, mères de tous les maux.

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