Crise du logement: solutions d’ici et d’ailleurs

Kensington Market
Maisons victoriennes sur la rue Bellevue dans le quartier Kensington Market à Toronto. Photo: archives l-express.ca
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Publié 17/04/2025 par Marianne Dépelteau

Pendant que les États-Unis accaparent l’attention, la crise du logement persiste au Canada. Un voyage dans l’Ouest canadien, dans l’histoire du pays, ainsi qu’en Europe et en Asie, montre que des solutions potentielles existent juste sous notre nez.

«Nous estimons que 2,4 millions de ménages ont actuellement des besoins impérieux en matière de logement, et nous projetons que 2,6 millions de ménages en auront d’ici 2027», écrivait le directeur parlementaire du budget dans un rapport en décembre 2024.

«Il y a cette idée que si on est dans une crise du logement aujourd’hui, c’est parce qu’on n’a pas suffisamment construit», rappelle le professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Louis Gaudreau. Mais construire des logements que personne ne peut se payer ne règle aucune crise, dit-il.

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Louis Gaudreau. Photo: courtoisie

Au Québec, par exemple, le taux de construction était élevé au début des années 2000. L’enjeu de l’abordabilité ne se réglait pas pour autant. «C’est parce qu’on a privilégié des produits résidentiels – au départ, c’était le condo, qui était axé sur la propriété – qui n’étaient pas là où les besoins se font le plus sentir», prévient le chercheur.

Le Québec a ensuite vu apparaitre des tours d’appartements à louer, mais où les loyers sont chers. Le logement abordable est tombé aux oubliettes.

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Revenir en arrière?

Maya Kambeitz est présidente-directrice générale de Norfolk, une association qui fournit du logement communautaire à Calgary, en Alberta. Elle remarque un désinvestissement de la part d’Ottawa dans ce type de logement et dans des fournisseurs comme Norfolk.

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Maya Kambeitz. Photo: courtoisie

Pourtant, entre les années 1950 et 1970, le gouvernement fédéral investissait dans des fournisseurs de logements communautaires pour les aider à construire et à acquérir de vieux bâtiments.

«On s’est tellement concentrés sur la construction qu’on a perdu de vue les logements qui occultent naturellement sur le marché, dit-elle. Lorsque vous ne permettez pas au secteur du logement communautaire de jouer un rôle dans l’acquisition de certains de ces bâtiments mis en vente, ce sont des investisseurs privés qui achètent.»

«Le privé, et c’est sa job, cherche à maximiser ses profits. Donc il augmente les loyers, poursuit Maya Kambeitz. Nous, on n’a pas cet incitatif à faire du profit.» Avec son maigre budget annuel, Norfolk ne peut pas compétitionner avec le privé et ce sont les Canadiens à faible revenu qui paient le prix.

Europe

La clé, selon Louis Gaudreau, reste le financement des logements sociaux. Comment trouver cet argent? La France, le Danemark et l’Autriche ont des modèles de financement intéressants, considère-t-il.

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Une étude de ces trois modèles a été réalisée en 2023 par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM). Au Danemark, par exemple, pour ce qui est du logement social, «on a entièrement nationalisé le secteur des prêts hypothécaires», remarque le professeur.

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Matti Siemiatycki. Photo: UofT

Vienne, la capitale de l’Autriche, est une vedette en matière de logement abordable. Le professeur et directeur de l’Institut d’infrastructure de l’Université de Toronto, Matti Siemiatycki, explique que le gouvernement autrichien a joué un grand rôle dans la construction de logements, qui sont apparus sous diverses formes.

Plus de 60% de la population viennoise habite en logement social qui échappe à la logique du profit. La ville prélève une taxe spécifique pour alimenter ses programmes d’habitation et elle noue des partenariats avec des organismes sans but lucratif depuis les années 1970.

Tokyo

Quand Matti Siemiatycki a visité Tokyo il y a deux ans, il a été saisi par la densité. «Une densité construite de manière tellement différente que chez nous… Ce n’est pas haut et étalé comme nous, se souvient-il. Il y a des bâtiments de 10 à 30 étages à perte de vue.»

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La baie de Tokyo. Photo: iStock.com/maroke

«On retrouve de grands bâtiments sans stationnement souterrain, ajoute-t-il. C’est quelque chose qui rend la construction de logement chère, de creuser un stationnement souterrain.» Le secret: la capitale japonaise a un système de transport public étendu, permettant aux gens d’habiter loin des grands centres sans être pénalisés.

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«Le transport est le revers de la médaille en matière de logement, et des villes en Asie ont réussi à rendre le logement abordable en partie en le densifiant et en veillant à ce que tous les ménages ne soient pas obligés de posséder une voiture», explique Matti Siemiatycki.

Singapour

L’État joue un grand rôle dans le logement à Singapour. Il possède une grande part des terrains, fournit du logement social et octroie des subventions pour l’achat de logements. Une société d’État se charge de la coordination du système, allant de la construction à l’attribution de logements. Le cout des logements est ainsi contrôlé.

Les logements sociaux appartiennent d’ailleurs souvent à ceux qui y habitent, car le gouvernement vend des baux emphytéotiques de longue durée, généralement de 99 ans.

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La baie de Singapour. Photo: iStock.com/anderm

Colombie-Britannique

Selon Matti Siemiatycki, au Canada, la Colombie-Britannique mène la danse en matière de politiques de logement. «Elle est contrainte en termes d’espace, parce qu’elle est enclavée entre océan, montagnes et frontières. Elle a mis de l’avant des mesures ambitieuses, surtout autour du rôle du secteur public.»

Lorsque le premier ministre provincial, David Eby, a annoncé le programme BC Builds en 2024, il a avoué s’être inspiré de Vienne et Singapour. En mobilisant des terrains sous-utilisés, possédés par des gouvernements, des communautés et des organismes à but non lucratif, l’objectif est d’aligner les couts avec des revenus moyens.

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logement, Colombie-Britannique
Des projets d’édifices à logements en Colombie-Britannique. Photos: BC Builds

Edmonton

La capitale albertaine fait beaucoup jaser, affirme Matti Siemiatycki. Elle a récemment révisé ses règles de zonage afin de permettre des logements plus denses.

«Pendant longtemps au Canada, on a limité de grandes parties de nos villes à des logements unifamiliaux. C’est alors très difficile de densifier», explique M. Siemiatycki.

«Le zonage change, non pas pour permettre des gratte-ciels de 20 étages, mais plutôt ce qu’on appelle la densification douce. Souvent, on permet un duplex ou un triplex, par exemple.»

Edmonton a aussi commencé à faire appel à des technologies, dont l’intelligence artificielle, pour automatiser et accélérer l’approbation de permis de construction.

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