Cour suprême du Canada: les candidats ne peuvent plus être des étrangers à la langue française

La Cour suprêrme du Canada au travail. À gauche: la juge en chef Beverley McLachlin.
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Publié 09/08/2016 par Gérard Lévesque

«Le gouvernement s’est engagé à ne nommer que des juges qui sont effectivement bilingues.» C’est ce qu’on peut lire sur le site du Commissariat à la magistrature fédérale suite à l’annonce faite le 2 août dernier par le premier ministre Justin Trudeau d’un nouveau processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême du Canada constitue l’ultime recours juridique pour toutes les décisions judiciaires canadiennes en matières civile, criminelle, administrative ou constitutionnelle. Les langues officielles du Canada, le français et l’anglais, devraient bénéficier d’un statut et de droits et privilèges égaux quant à leur usage devant le plus haut tribunal du pays. Mais ce n’est pas le cas selon la législation actuelle!

En effet, l’article 16 de la Loi sur les langues officielles exclut les juges de la Cour suprême de l’obligation de comprendre l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète, une obligation imposée à tous les autres tribunaux fédéraux.

Cette exclusion faite au détriment des droits des justiciables et des juristes d’expression française est inscrite dans la loi pour maintenir la possibilité d’un gouvernement de nommer à la Cour suprême du Canada un juriste pour qui le français est une langue étrange ou, même, étrangère.

À mon avis, pour que la législation fédérale reflète la nouvelle procédure de nomination des juges, le Parlement se doit au minimum de retirer les mots «autres que la Cour suprême du Canada» du paragraphe 16(1) de la LLO dont voici le texte :

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Il incombe aux tribunaux fédéraux autres que la Cour suprême du Canada de veiller à ce que celui qui entend l’affaire :

a) comprenne l’anglais sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en anglais;

b) comprenne le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu en français;

c) comprenne l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète lorsque les parties ont opté pour que l’affaire ait lieu dans les deux langues.

Dans une étude de 2012 sur la possibilité d’être compris directement, à l’oral comme à l’écrit, sans l’entremise de services d’interprétation ou de traduction, par les juges de la Cour suprême du Canada, Maître Mark Power, à l’instar de plusieurs autres juristes, maintient que l’obligation de comprendre l’anglais et le français sans l’aide d’un interprète est une obligation à laquelle la Cour suprême du Canada doit être assujettie.

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L’annonce du nouveau processus nous donne l’occasion de se remémorer, notamment par deux dessins et quelques exemples, le rôle joué par deux ex premiers ministres, Stephen Harper et Alison Redford, visant à empêcher que les aptitudes linguistiques fassent partie de la compétence requise d’un juriste intéressé à occuper un des neuf sièges à la Cour suprême du Canada.

alisonstephen

Devant l’annonce du 2 août du premier ministre Trudeau, il faut saisir jusqu’à quel point, depuis six ans, le paysage politique a changé: à l’été 2010, à Ottawa, les trois chefs des partis de l’Opposition, Michael Ignatieff, Gilles Duceppe et Jack Layton avaient estimé nécessaire d’interpeller publiquement Alison Redford à ce sujet.

Aujourd’hui, par coïncidence, le Parti conservateur du Canada et le Parti progressiste-conservateur de l’Alberta, qui ont respectivement été dirigé par Harper et Redford, sont à la recherche de nouveaux chefs. Leurs successeurs politiques seront-ils mieux disposés envers la dualité linguistique du pays, une valeur canadienne?

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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