Correspondance d’artiste et d’écrivain
Pierre Karch et François-Xavier Chamberland s'écrivent depuis une vingtaine d'années

Les couvertures 4 et 1 d'Images et paroles, dialogues sur la vie et les arts entre François-Xavier Chamberland et Pierre Karch, avec la participation de Mariel O’Neill-Karch, Toronto, Éditions du Gref, 2018, 148 pages, 34,95 $.
Pendant une vingtaine d’année, l’écrivain Pierre Karch a échangé des vœux du Nouvel An, écrits le plus souvent à la main, avec l’artiste visuel François-Xavier Chamberland, qui notait les siens sur une carte arborant une récente création.
Cet échange, qui va de décembre 1997 à janvier 2015, et une correspondance de juin 2015 à septembre 2017, sont rassemblés dans Images et paroles, dialogues sur la vie et les arts entre François-Xavier Chamberland et Pierre Karch, avec la participation de Mariel O’Neill-Karch, aux éditions du Gref.
Carrières à Toronto
Rappelons que Pierre Karch et Mariel O’Neill-Karch ont été respectivement professeur à l’Université York (Glendon) et à l’Université de Toronto, ainsi que critiques de théâtre. Ils ont publié, seul ou conjointement, des ouvrages de divers genres littéraires.

François-Xavier Chamberland a travaillé à CJBC de 1978 à 1996; on lui doit quelques 450 entrevues avec des Franco-Ontariens pour la seule émission De A à X. Il pratique la peinture, la sculpture et le dessin depuis plus de 50 ans; nombre de ses créations sont des assemblages d’objets récupérés, au pouvoir fort évocateur.
Un échange inédit
Selon Pierre Karch, il se dégage de leur correspondance «une sympathie telle que nous sentions ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait dire pour maintenir l’intérêt de l’autre ainsi que sa curiosité, cultiver sa faculté d’émerveillement et l’encourager à poursuivre son œuvre».
À la connaissance de Pierre, pareil échange demeure inédit, à ce jour, dans le domaine des arts et des lettres au Canada français.
Dès 1998, Pierre écrit que l’imagination est la compagne de vie de François-X, «une compagne qui te sert bien».
Deux ans plus tard, en voyant comment ses amis torontois occupent leur vie, l’artiste visuel note que «la lecture, l’enseignement, l’écriture, le théâtre et les voyages sont d’excellents remèdes contre le vieillissement».
Loin de la politique
Pierre a conservé toutes les cartes reçues de François-X, y retrouvant périodiquement de quoi alimenter son imaginaire en le frottant à celui de son ami.

Il raconte ses promenades sur une plage de Miami où il observe les lamantins, dauphins, lézards et iguanes… pour conclure que «la vie peut être tellement belle quand on s’en tient aux bêtes qui nous font oublier un peu la bêtise des hommes».
Les propos politiques sont rarissimes dans ces échanges, mais lorsque François-X parle de Harper à Ottawa, Ford à Toronto et la charte de la laïcité à Québec, Pierre répond que «la Chambre des Communes est devenue aussi vulgaire qu’un club de motards. L’hôtel de ville de Toronto est une poubelle de Fin de partie. Nous n’osons pas commenter la scène politique au Québec où la xénophobie mérite d’être nommée membre honoraire du mérite du drapeau de la croix gammée.»

Écrire pour ne pas publier
On apprend que Pierre Karch continue d’écrire des nouvelles… qu’il n’a pas l’intention de publier, en raison du faible intérêt accordé à ses derniers recueils. «C’est pour mon propre plaisir et celui de Mariel.»
L’ouvrage renferme les entrevues menées par François-X avec Pierre et Mariel, respectivement en 1995 et 1996, de même qu’un entretien de la revue Rauque avec François-Xavier en 1986. Dans la section «Dialogues sur la vie et les livres», il est question de Pierre Gauvreau, George Steiner et Dan Brown, entre autres.
L’artiste visuel souligne que sa démarche consiste à «faire le saut du conscient à l’inconscient, et de laisser aller l’inconscient ou le subconscient. (…) Il y a un objet que je regarde, que je mets avec un autre, puis la rencontre des deux dit telle ou telle chose.» Le tout avec rythme, élégance et esthétique.
L’écrivain, lui, conclut qu’il a passé sa vie à enseigner ce qui lui paraissait beau, valable, digne d’être connu et étudié. «Si j’ai eu une petite influence sur le développement intellectuel et moral d’un très petit nombre, c’est autant de pris.»