Conjuguer mari et amant en Nouvelle-France

Nouvelle-France, Josée Mongeau, Le Cabaret de la Folleville
Josée Mongeau, Le Cabaret de la Folleville, tome 1, Anne Lamarque, l’insoumise, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2025, 440 pages, 29,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 25/10/2025 par Paul-François Sylvestre

La Nouvelle-France a eu des pionnières de la trempe de Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys. S’il n’en tient qu’à Josée Mongeau, on peut ajouter Anne Lamarque au chapitre des relations… extraconjugales. Voilà ce que le premier tome du Cabaret de la Folleville clame haut et fort.

L’action débute en 1662 à Bordeaux (France) et se termine en 1673 à Ville-Marie (Montréal).

Anne Lamarque n’a que 13 ans lorsque son père manifeste l’intention de la marier à un veuf quinquagénaire qui lui répugne vivement. Accompagnée de son frère Jacques, qui a juré de la protéger, elle décide de fuir là où ses parents ne pourront la retrouver: en Nouvelle-France.

La traversée est une succession de hauts-fonds, écueils et rochers de surface qui personnifient autant de dangers. Rien n’est à l’épreuve de celle qui réussit à fuir un mariage imposé et à devenir maîtresse de son destin.

Courtisée, harcelée

Comme il y a peu de femmes à Québec pour satisfaire colons et soldats, Anne est courtisée, puis harcelée. Le refus de l’adolescente conduit à un viol. Ayant perdu sa virginité, elle craint d’engendrer un enfant non désiré. La romancière décrit comment Anne est soulagée de voir ses mois reprendre.

Publicité

«Jamais elle n’avait été aussi heureuse de saigner. Avec le sang qui coulait, s’échappaient aussi le fiel et les idées noires. Tout comme la saignée, ces menstrues allaient rééquilibrer les humeurs et ramener la paix dans son cœur.»

Anne et Paul Lamarque s’établissent à Ville-Marie en 1665. Les maisons de bois y sont construites au petit bonheur, celle du gouverneur de Maisonneuve est presque en ruine, il n’y a aucune rue. Ce n’est pas une ville, plutôt une bourgade.

Mari de nom

Comme à Québec, Anne subit la rustre galanterie des homme célibataires à Ville-Marie. Elle se fait accoster par des «Eh ma jolie, on va s’ébattre dans le foin, toi et moi?», ou encore par des «Toi, je labourerais bien tes champs!»

Ayant fui Bordeaux pour éviter un mariage abhorré, Anne Lamarque jette son dévolu sur Charles Testard de Folleville. Cet homme timide, solitaire et sans grand courage devient son mari de nom. C’est vers un autre homme qu’elle va chercher «amour, passion et réconfort qui lui manquaient tant».

Josée Mongeau ficelle son intrigue pour décrire comment il était possible pour une femme mariée, dès les premières heures de la colonie, de perdre toutes ses craintes, toutes ses objections, toute sa pudeur pour s’abandonner sans retenue dans les bras d’un partenaire illégitime qui savait si bien éveiller ses sens.

Publicité

Raison de vivre

La romancière illustre aussi comment une épouse avec quatre enfants peut avoir des journées remplies de travaux utiles, certes, mais insignifiants.

Anne ne vibre que pour le cabaret qu’elle a ouvert. Il devient «sa raison de vivre et sa fierté d’accomplir quelque chose par elle-même». Anne entend mener sa vie sans avoir constamment «un enfant dans le ventre ou à la mamelle».

Faquin!

Parce que Josée Mongeau adore les mots, elle a saupoudré son roman d’expressions surannées et de termes peu usités de nos jours, pour lesquels une définition se trouvent à la fin du livre.

En voici quelques exemples: blessure pour désigner une fausse-couche, viduité pour veuvage (surtout chez les femmes), butor pour parler d’une personne stupide et faquin pour faire référence à un homme qui pose des gestes indignes de son statut.

Personnages réels

Un appendice d’une quinzaine de pages permet de démêler le vrai du faux, le réel du romanesque et les hypothèses imaginées. On y apprend que le tremblement de terre de 1663 a été le plus important qu’a connu le Québec jusqu’à maintenant; c’était un séisme de magnitude 7,3 à 7,8 sur l’échelle de Richter.

Publicité

Moins d’une dizaine des quelque quarante personnages sont fictifs. Anne Lamarque, son frère Jacques, son mari Charles et son amant Amédée sont tous réels.

Parmi les personnalités de l’époque, on trouve François-Marie Perrot, gouverneur de Montréal et le très jeune Pierre Lemoyne d’Iberville.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur