Chez la militante noire Kathleen Collins, l’intérieur s’extériorise

Kathleen Collins, Happy Family
Kathleen Collins, Happy Family, nouvelles traduites de l’anglais par Marguerite Capelle et Hélène Cohen, Paris, Éditions du Portrait, 132 pages, 27,95 $.
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Publié 27/06/2021 par Paul-François Sylvestre

Je n’avais jamais entendu parler de Kathleen Collins (1942-1988), poète, dramaturge, écrivaine, cinéaste, réalisatrice, militante des droits civiques et éducatrice afro-américaine, avant de lire Happy Family, un recueil de nouvelles laissé dans son tiroir et rendu public par sa fille.

L’écriture vive et sincère de Collins puise toute sa puissance et sa poésie dans ce que la différence produit sur l’autre, aussi petite soit-elle.

Kathleen Collins, une magicienne de l’intériorité

Dans la préface, l’écrivaine américaine Danielle Evans écrit que Kathleen Collins est une magicienne de l’intériorité.

«C’est là son plus grand tour de force: elle sait se glisser sous un moment de tension émergeant presque à l’insu des personnages qui peuplent ses fictions pour nous présenter leur vie intérieure, et elle n’a pas sa pareille pour décrire ces moments où l’intérieur s’extériorise, où les masques tombent et où l’indicible s’énonce à voix haute.»

L’écriture de Kathleen Collins cherche à ramener le lecteur au cœur de ces moments de connexion et de déconnexion, de déception et d’enchantement, qui marquent les individus et les définissent.

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Se libérer du regard de l’autre

Se libérer du regard de l’autre et devenir un être singulier et agissant, voilà l’horizon des écrits de Kathleen Collins. Certains de ses textes illustrent comment il est parfois difficile de contempler cet horizon.

Dans la première nouvelle, l’autrice présente des échanges de lettres où un couple se débarrasse des diverses bribes inabouties d’une histoire qui n’avait jamais était épanouissante. «Face à face, nous étions désormais pire que des étrangers.»

Dans un autre texte, elle ajoute que «les raisons, c’est comme les sourires, mec, des jeux inutiles auxquels jouent les gens».

Le sens de la vie de Kathleen Collins

Pour un personnage de Kathleen Collins, «la vie était pleine de sens parce qu’elle n’avait aucun sens mais ce n’était pas grave». Puis il y a ce cas où la vie suit un tracé net et inévitable qui n’a rien à voir avec la protagoniste.

J’ai particulièrement aimé la nouvelle intitulée Défunts souvenirs. L’autrice imagine une sorte de ruse pour établir une communication durable.

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Tenez-vous bien, c’est littéralement piqué des vers: «tout ce que j’avais à lui dire, je l’ai écrit sur un papier que j’ai mis dans sa main avant de fermer le cercueil».

Racisme et sexisme

Entre les ligne, on lit comment les stéréotypes, les codes sociaux et les traditions qui ont construit et qui nourrissent le racisme et le sexisme, depuis si longtemps, ne s’éteindront pas en un jour.

Ajouté à cela, il y a, pour une majorité d’Afro-Américains, une enfance qui « évoque une longue série de blessures intimes et profondes enfouies sous la honte, l’anxiété ou l’embarras ».

Défendant des valeurs universelles, Kathleen Collins partage les mêmes convictions littéraires et politiques que James Baldwin ou Toni Morrison. Publiée aux Éditions du Portrait, c’est une belle entrée en matière pour 2021, année de l’Afrique.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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