Balados francophones: populaires, mais précaires

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Avec leur balado De quoi tu parles de?, Nicholas Monette et Marc-Antoine Joly se sont rendus jusqu’à Iqaluit, au Nunavut. Photo: courtoisie
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Publié 07/07/2025 par Marine Ernoult

Le balado est un média de plus en plus populaire. Pourtant, faute de financement suffisant et de partenariats entre organismes francophones, il peine à trouver un modèle viable. Très souvent, la création de contenu repose sur le bénévolat.

«Si l’on veut continuer à faire vivre la culture et la langue française, il faut créer du contenu Web qui parle à une génération plus jeune, qui parle de leur réalité», plaide le cocréateur du balado culturel De quoi tu parles de?, Nicholas Monette.

Avec le musicien Marc-Antoine Joly, entre 2022 et 2024, il a réalisé 200 épisodes de ce balado et autant d’entrevues avec des personnes de l’industrie culturelle francophone à l’extérieur du Québec.

Le Franco-Ontarien en est persuadé, les balados, «avec leur facilité d’accès, leur côté plus informel et intimiste», sont l’une des cartes à jouer pour lutter contre le déclin de la francophonie.

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Jason Luckerhoff. Photo: courtoisie

«C’est un médium de plus en plus populaire, qui offre une grande liberté d’écoute et rejoint des besoins très précis des francophones en milieu minoritaire», abonde dans le même sens le professeur titulaire en communication et culture à l’Université du Québec à Trois-Rivières et directeur de la revue Minorités linguistiques et société, Jason Luckerhoff.

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Il considère que les balados sont «très pertinents» en situation minoritaire, car ils «abordent des sujets de niche très variés et compensent l’offre médiatique réduite».

Institutions culturelles dans le flou

Entre la diffusion sur les plateformes en ligne et les ondes de huit radios communautaires, chaque épisode du balado De quoi tu parles de? a enregistré quelque 10 000 écoutes.

Pourtant, l’aventure a pris fin en novembre 2024. Le duo d’animateurs manquait de temps pour mener à bien l’initiative chronophage dans laquelle il s’était lancé bénévolement.

«Ça nous tenait à cœur de faire rayonner la culture, mais ça devenait de plus en plus compliqué avec nos emplois du temps chargé à côté, explique Nicholas Monette. Malgré nos recherches, on n’avait pas réussi à trouver de financement et de partenariats.»

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Éric Barrette. Photo: courtoisie

Faute de temps, Éric Barrette a lui aussi dû mettre un terme à son balado sur l’histoire Assis Devant après quatre épisodes, qui comptabilisaient quelque 1500 écoutes chacun. Lui aussi a cherché en vain des fonds et des partenaires lorsqu’il a eu l’idée en 2021.

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«Le bassin d’auditeurs est là, mais il n’y a pas beaucoup de financement disponible et ce n’est pas si facile de faire de l’argent», estime le Franco-Ontarien.

Il regrette à cet égard qu’aucune catégorie de subvention ne soit exclusivement dédiée aux balados, que ce soit au niveau du Conseil des arts du Canada ou de ses équivalents provinciaux.

«Les institutions culturelles ont encore du mal à comprendre ce que c’est. Elles sont lentes à s’adapter aux nouvelles formes culturelles, confirme le professeur en communication à l’Université TÉLUQ, Samuel Lamoureux. Elles s’interrogent sur le caractère artistique, divertissant ou informatif de ces pratiques.»

Multiplier les sources de revenus

Par conséquent, selon Samuel Lamoureux, la majorité des gens qui réalisent des balados «d’intérêt public» doivent le payer de leur poche: «Ça leur donne une passe pour faire d’autres activités culturelles rémunératrices, comme des conférences.»

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Samuel Lamoureux. Photo: courtoisie

«Le problème, c’est que l’économie numérique est profondément asymétrique, ultrapolarisée entre les petits et les gros joueurs, qui captent la plus grande partie de la publicité, poursuit le chercheur. Il ne reste pas grand-chose pour les objets culturels indépendants, plus durs à monétiser en ligne.»

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Samuel Lamoureux croit que le modèle de financement idéal repose sur un mélange de campagnes de sociofinancement, de fonds publics, d’abonnements payants et, le cas échéant, de publicité caméléon, commanditée par des entreprises et intégrée dans le contenu.

Le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada a attiré plusieurs partenaires privés pour lancer son nouveau balado mensuel, Parlons Franconomie, consacré à la francophonie économique canadienne.

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Yan Plante. Photo: courtoisie

L’organisme a signé une entente avec Air Canada, qui comprend de la visibilité pour la compagnie dans le balado, et une autre avec l’entreprise PAA Advisory | Conseils, qui a notamment permis d’acheter de l’équipement technique.

«Notre objectif n’est pas de faire de l’argent et d’avoir des milliers de clics. C’est un outil de communication de plus avec le public», observe le directeur général du RDÉE Canada et l’animateur de Parlons Franconomie, Yan Plante.

«C’est un tellement petit marché, ça ne peut pas être rentable»

Pour Jason Luckerhoff, l’enjeu de la rentabilité «n’a pas nécessairement de valeur» dans les communautés francophones en situation minoritaire: «C’est un tellement petit marché, ça ne peut pas être rentable de diffuser. Ça ne peut pas fonctionner sans soutien public.»

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À ses yeux, la question n’est pas «le public est-il suffisamment large pour que les balados soient rentables?», mais plutôt: «Est-ce pertinent de diffuser des balados pour les francophones par rapport à la défense de leurs droits linguistiques, d’accès à la culture, à l’éducation, à l’information en français?»

À ce titre, il croit que les organismes communautaires, les institutions scolaires et universitaires doivent soutenir financièrement la création de balados, tout en aidant à les faire découvrir.

Nicholas Monette aimerait également voir davantage de collaborations entre les organismes francophones et les créateurs de contenus: «On a des plans qui mijotent dans nos têtes pour la suite, mais il faut qu’on trouve des façons économiquement plus viables de le faire.»

Éric Barrette ne ferme pas non plus la porte à une série de nouveaux épisodes. Il s’inquiète néanmoins de la découvrabilité de ses futures productions : «Le nerf de la guerre, c’est la promotion et le référencement sur les plateformes, qui valorisent systématiquement le contenu anglophone.»

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