L’autisme soudainement plus compliqué arrivé à l’âge adulte

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Le Programme ontarien du soutien à l’autisme s'arrête brutalement dès que l'enfant a 18 ans. Photo: iStock.com/Tatsiana Hancharova
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Publié 02/07/2024 par Soufiane Chakkouche

L’autisme des enfants est bien couvert dans le débat politique et public au Canada en général et en Ontario en particulier. Toutefois, les informations sur les besoins et les expériences de la vie quotidienne des autistes rendus à l’âge adulte ne se bousculent pas, pas plus que les programmes qui leur sont dédiés. Demeure donc l’incompréhension, mère du préjugé.

Plus que des besoins, parfois cela s’apparente à du désespoir qui n’épargne pas la famille, surtout lorsque la personne adulte autiste est diagnostiquée «ayant des besoins élevés en matière de soutien». En d’autres termes, souffrant d’un autisme profond.

Fin de l’école, début des ennuis

«Le défi pour nous a commencé une fois l’école terminée. C’est à ce moment-là que tout change pour une personne comme notre fils qui a des besoins complexes», confie Brigitte Couture, mère d’un jeune homme autiste de 23 ans.

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Brigitte Couture. Photo: courtoisie

«Le plus triste, c’est que bon nombre des services cessent à 18 ans, y compris pour les soins dentaires ou pour le suivi par un pédiatre de développement au centre de réadaptation.»

Des propos que confirme Bianca Nugent, doctorante en service social à l’Université d’Ottawa, bûchant sur les dimensions socioculturelles de l’autisme critique.

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«Au passage adulte», dit-elle, «il y a clairement un risque au niveau de l’inclusion sociale chez la personne autiste ayant des besoins élevés en matière de soutien. Ce n’est pas surprenant, parce qu’avant elle était prise en charge par le système scolaire et, soudainement, elle se retrouve confinée à la maison à perdre toute interaction sociale.»

Et d’ajouter: «pour certains parents, c’est pratiquement un retour à l’âge de cinq ans avant de commencer l’école. Pas de possibilité d’avoir de répit le jour, ni de loisirs, ce qui augmente la charge mentale et l’anxiété».

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Bianca Nugent. Photo: courtoisie

Le POSA s’arrête à la majorité

L’une des principales raisons évoquées par la doctorante réside dans le fait qu’une des conditions à l’admissibilité au POSA (Programme ontarien du soutien à l’autisme) est d’avoir moins de 18 ans.

«Il faudrait absolument que ce programme se poursuive à l’âge adulte sous quelque forme que ce soit, parce que l’autisme est une condition qui ne s’arrête pas à l’âge adulte», réclame-t-elle.

Toutefois, il existe bel et bien des programmes dédiés aux autistes adultes par l’entremise d’Autisme Ontario, à l’instar du programme Passeport.

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Les programmes relais

«Passeport offre des financements pour les adultes autistes, et ce afin qu’ils puissent accéder à des programmes de jour et des programmes de répit communautaires de leur choix. Les personnes éligibles reçoivent un financement basé sur le niveau de support dont ils ont besoin», explique Kim McAlpine, superviseure à Autisme Ontario.

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Kim McAlpine. Photo: courtoisie

Cela dit, Passeport est un programme de financement, ce qui signifie qu’il incombe à la famille d’aller chercher des programmes de substitution. Or, c’est bien là que les choses se compliquent, à plus forte raison lorsque le cas est dit sévère.

«Il nous est très difficile de trouver un programme de jour pour notre fils à l’année», relate Brigitte Couture. «La plupart des programmes de notre quartier sont gérés par des organismes indépendants qui décident du niveau de complexité qu’ils peuvent accepter. Notre fils a participé à deux de ces programmes, et à chaque fois on nous a signifié de ne plus revenir.»

De plus, à en croire Bianca Nugent, ces prestations ne courent pas les rues. «Les programmes pour autistes adultes qui sont vraiment coordonnés avec des éducateurs et des intervenants expérimentés ne sont pas encore très développés dans la province. Ceux qui existent sont généralement dédiés aux autistes qui ont besoin d’une moins grande intensité de soutien et d’encadrement.»

«L’offre est nettement insuffisante par rapport à la demande.»

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ACA
Le Sommet canadien du leadership en autisme est l’initiative principale de l’Alliance canadienne de l’autisme. Le 10e sommet a rassemblé 275 personnes au Château Laurier (Ottawa) en avril 2024. Photo: ACA

Sacrifices des parents

Un autre phénomène évoqué par l’experte est celui de l’exode sanitaire interprovincial.

Selon elle, on observe actuellement un mouvement migratoire chez les parents d’autistes adultes qui quittent les grandes villes comme Toronto pour aller trouver dans d’autres régions, comme dans l’Est, des places dans des programmes adaptés.

Ce phénomène est d’autant plus problématique qu’il s’agit bien souvent de parents âgés qui ont eux-mêmes besoin de soins.

Le constat trouve l’illustration chez Brigitte Couture. «Nous sommes déjà allés deux fois à Sudbury pour organiser un programme de jour pour notre fils. Il a été accepté, car l’approche est davantage axée sur les besoins spécifiques de chaque individu.»

«On a tout de même des réserves quant à l’idée de quitter Toronto. Mon mari a des problèmes de santé et il a besoin de la garantie que les soins lui seront accessibles là-bas. On s’est renseignés, l’attente est d’environ deux ans pour avoir un médecin de famille.»

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Rapport accablant

Côté théorique, ce n’est guère mieux. En effet, le dernier rapport publié par l’Alliance canadienne pour l’autisme en avril, intitulé Favoriser l’inclusion: définir les besoins des adultes autistes au Canada, tire la sonnette d’alarme.

Organismes franco-ontariens AFO
Fait à noter: la Société franco-ontarienne de l’autisme (SFOA) annonçait récemmnent la nomination de Carol Jolin à sa présidence. Carol Jolin est l’ancien président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario.

Accès difficile pour obtenir un diagnostic et des soins de santé physique et/ou mentale, taux d’employabilité bas, situation financière vulnérable, accès restreint aux logements adaptés, mobilité réduite… tous les indices convergent vers la précarité de cette population.

Pour ne chiffrer que le phénomène de l’exclusion sociale, 90% des participants à ce sondage (dont le tiers résident en Ontario) ont déclaré s’être sentis à l’écart ou isolés, ce qui représente plus du double du taux observé chez les Canadiens pendant la pandémie!

Notons, à toutes fins utiles, que l’équipe de chercheurs derrière cette étude dirigée par le Dr Mackenzie Salt est formée de personnes autistes.

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