Le singe descend de la chanson
La première chose qui nous frappe, quand on découvre les Singes Bleus sur scène, c’est leur singulière relation à ce répertoire qu’ils ont adopté, une relation caractérisée par d’égales mesures de respect et d’irrévérence, du désir de rendre hommage aux monstres sacrés de la chanson (Brel, Brassens, Piaf, Dutronc, Nougaro, Barbara) et du besoin de les faire passer dans leur colimateur, quitte à nous les rendre méconnaissables. Bref, pas question pour eux de singer leurs modèles, si vous permettez le jeu de mots. «Transformer les chansons, ce n’est pas vraiment forcé ou conscient», explique le saxophoniste et chanteur Jean-François Gouin, […]
Le premier frisson
Avant les Beatles, avant Dylan, Brel et Billie Holiday, mon tout premier frisson musical, celui qui colle à la peau pour la vie, je le dois à Claude Léveillée, par le biais d’un de ces magnifiques vieux microsillons Columbia que mes parents avaient dû acheter pour trois sous dans un sous-sol d’église. Couché sur la moquette du salon, l’oreille collée à notre tourne-disque valise incassable, j’écoutais et réécoutais Taxi, Frédéric et Ne dis rien, absorbant sans le savoir de précieuses leçons d’écriture et de vie. À en juger par Le temps d’une chanson, le temps de dire je t’aime, Claude […]
Un chanteur sous influence
À l’écoute de À la figure (Audiogram), la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est que Marc Déry a dû se taper l’intégrale de Pink Floyd en toile de fond à la genèse de l’album, à en juger par ses climats planants et ses tempos uniformément lents, au point où l’on frise par moment le plagiat. En revanche, on peut regretter que l’auteur-compositeur québécois n’ait pas cru bon de s’inspirer de la tension sous-jacente à l’œuvre de Waters et Cie, ce qui eut donné à sa musique le tonus qui lui fait défaut. Joliment parée de violons et de […]
Un ressourcement salutaire
Première impression: avec Double enfance (EMI), on retrouve le Julien Clerc des fastes années 70. Celui qui, mû par les fulgurances poétiques d’Étienne Roda-Gil, avait balisé un nouvel espace de liberté pour la chanson française, quelque part entre la variété et une manière de folk grandiloquent et joliment métissé. Mais ça fait des lustres que Julien n’entretient plus de rapports exclusifs avec ses paroliers, et il aura fallu six plumes – certaines qui nous sont familières, d’autres pas – pour signer la constellation de ce nouvel album. Celle de Cécile Delalandre, sa plus récente collaboratrice, nous surprend grâce à deux […]
L’enfance de l’art
C’est ce qu’on pourrait appeler l’enfance de l’art: rassembler en trois quarts d’heure les mélodies les plus familières d’une demi-douzaine de compositeurs les plus célébrés – et accessibles – qui logent à l’enseigne «classique», et emballer le tout à l’intention des mélomanes en herbe ou, plus exactement, à l’intention de leurs parents bien intentionnés. Tandis que les enregistrements maintes fois primés de Beethoven habite à l’étage et Vivaldi: la clef du mystère encadraient la musique dans une trame narrative, la collection «Le meilleur de…», de l’éditeur Enfants classiques, passe à -l’étape suivante: cette fois, ce ne sont que des extraits […]
Un cadeau signé Mozart
Malgré son jeune âge – il a eu l’élégance de voir le jour un 27 janvier, il y a 30 ans, soit à la même date que Mozart – le violoniste manitobain James Ehnes jouit d’une telle notoriété internationale qu’on attend maintenant d’entendre «son» concerto de Beethoven ou «son» concerto de Brahms. Il faut dire qu’Ehnes multiplie les miracles depuis quelque temps, notamment avec un magistral doublé de Bach: l’intégrale des sonates pour violon solo, suivie du premier volume des sonates pour violon et clavecin, tous deux parus sur l’étiquette montréalaise Analekta. Après ces pages d’une sublime austérité, Ehnes nous […]
Une tête de chou cathodique
L’étude des rapports entre la chanson et la télé nous en dit long sur l’histoire du médium, mais aussi sur les artistes qui, en marge de la scène, occupaient le petit écran dès les années 50. Brassens visitait les plateaux de télévision à contrecœur, et percevait l’entreprise comme une forme de torture par le biais de laquelle il se révélait néanmoins avec une lucide candeur. Brel investit la télé avec la même passion que la scène, y ayant trouvé un autre médium pour incarner ses chansons. Parallèlement, il jouait de l’interview en virtuose, avec un fascinant alliage de franchise et […]
Quand la musique est bonne
Difficile de croire que cela fait près de 15 ans que je m’adonne à l’exercice du bilan de fin d’année. Avec le temps, la volonté de cerner les tendances ou d’asséner des verdicts a cédé à un impératif plus modeste, personnel et honnête, celui du plaisir. Et si le cru 2005 a été plutôt chiche en grands plaisirs, il nous est néanmoins possible, en ratissant assez large, d’en retenir un certain nombre de petits bonheurs, sur lesquels il convient de revenir ici. Libre à vous d’y voir une liste de suggestions-cadeaux, que ce soit pour vous-mêmes ou pour les mélomanes […]
L’incroyable voyage d’un chanteur pas ordinaire
Peu importe sous quel angle on l’aborde, Robert Charlebois n’a rien d’un chanteur ordinaire. Il n’y a qu’à faire le compte: personne – ni Ferland, ni Félix, ni Rivard, Vigneault ou Léveillée – n’a contribué autant de morceaux au casse-tête de la mémoire collective des Québécois. Personne n’a frappé aussi fort, aussi près de la cible et depuis aussi longtemps. Et personne n’y a investi autant de ce singulier génie dont on fait les œuvres qui capturent l’air du temps pour ensuite s’inscrire dans le Temps. En quatre CD et 58 chanson, le coffret Tout écartillé (La Tribu) nous emmène […]
L’envolée de Corneille
Difficile de croire que Corneille n’en est qu’à son deuxième album (si l’on exclut un live noyé dans une mer de chœurs d’ados), tellement il occupe de place dans le paysage de la chanson, tant au Québec qu’en France, où il concurrence Cabrel et Sardou au chapitre des chiffres de vente. Si Parce qu’on vient de loin était l’album de la révélation, alors Les marchands de rêves (DEJA Musique) sera celui de la consécration. Désormais, le Soul Brother # 1 du Québec marche sur l’eau, et de critiquer quelqu’aspect de sa démarche équivaudrait à dire de Mère Teresa qu’elle avait […]
Angoisses et petits bonheurs feutrés
L’attention prêtée au moindre détail – de l’enveloppe sonore au graphisme exquis de la pochette cartonnée – ne ment pas: même si elle n’a que deux albums à son CV, Ariane Moffatt figure déjà au rang des artistes phares de la chanson québécoise. Certains verront même en elle la contrepartie francophone de Nelly Furtado, voire de Björk, en raison de ses audaces, certes, mais aussi de sa volonté d’assumer les dualités (ou les contradictions) entre l’intellect et l’affectif, comme en témoigne Le cœur dans la tête (Audiogram). Et malgré sa petite voix translucide qui, la plupart du temps, n’essaie même […]
Il était une fois… les années 70
Antoine Gratton est un virtuose du XXIe siècle, le genre de mec qui manie avec une aisance désinvolte une dizaine d’instruments et autant de styles musicaux, piqués pour la plupart dans le legs des fastes années 70. Trop souvent, ce genre d’exercice prend des allures d’examen final au School of Rock, mais Gratton évite l’écueil sur son opus 2, Il était une fois dans l’Est (Tacca) balisant un univers qui lui ressemble, composé à parts égales d’humour (le diablement accrocheur Carole à Gogo), de tendresse et d’onirisme, comme en témoignent les étonnants Joni 1 et Joni 2, où la grande […]